L’appel à la grève lancé par les syndicats de médecins libéraux contre une proposition de loi qui tente de façon très mesurée, d’imposer un minimum de conditions d’installation à cette profession, est profondément choquant.
Le problème de la démographie médicale n’a cessé, en effet, d’e s’amplifier dans notre pays depuis les années 2000. Si les zones sous-dotées étaient encore facilement localisables à l’époque de la loi Hôpital-Santé-Territoire de 2008, ce sont aujourd’hui 87 % du territoire qui sont concernés. Derrière le problème de répartition des médecins sur le territoire se profile un problème plus général qui est celui du manque croissant de médecins dans notre pays
Différents facteurs expliquent cette crise et son aggravation continue. Du côté de l’offre, le numerus clausus qui, tant qu’il a été appliqué, a absurdement restreint le nombre de médecins qui étaient formés, mais aussi la réduction de fait de la durée de travail des médecins -fait de société qui profite à l’ensemble des Français et dont les médecins ne sauraient être écartés. Du côté de la demande, l’accroissement de la population de notre pays -de 60,5 millions d’habitants en 2000 à près de 68,5 millions en 2025- et un vieillissement qui se traduit par un alourdissement de la demande de soins.
Malgré les cris d’alarme lancés depuis de nombreuses années, rien -ou peu de choses- n’a été fait par les pouvoirs publics obnubilés par le coût budgétaire de la santé et par la théorie malthusienne de restriction de l’offre de soins. L’individualisme et le libéralisme extrémiste d’une grande majorité de médecins ferment toute recherche de réponses à des gouvernements terrorisés depuis l’échec du plan Juppé de 1994 et à des citoyens qui n’osent pas se faire entendre de peur de déplaire à leur médecin traitant.
Les voies qui permettraient d’apporter des solutions sont pourtant nombreuses et plus rapidement accessibles qu’on ne veut bien nous le dire.
Le premier outil qui pourrait être utilisé est le conventionnement. Tout le monde a oublié ou feint d’oublier que le conventionnement -institué en 1959 par le gouvernement de Michel Debré (lui-même issu d’une grande famille de médecins)- est un instrument contractuel irremplaçable et qui, retrouvant ses principes d’origine, pourrait être extrêmement efficace : d’un côté, l’accès direct des médecins aux ressources de l’assurance-maladie qui garantit la prise en charge de leurs honoraires, de l’autre, des obligations qui portaient par le passé sur les gardes et qui pourraient être légitimement étendues aux règles d’installation -dans le cadre de négociations entre caisses régionales d’assurance-maladie et syndicats de médecins comme le prévoyait le volet abandonné de la loi HPST.
Le second outil est, bien sûr, la loi qui, dans les situations de grande tension -comme celle que nous vivons aujourd’hui- permet de fixer des règles permanentes ou temporaires pour parer au plus pressé.
La troisième mesure, que personne ne paraît envisager -par crainte sans doute du concert de hurlements qu’elle provoquerait- serait une réduction d’une ou deux années de la durée des études de médecine -au moins pour les généralistes dont la durée de formation a été sensiblement augmentée depuis les années 1990. Cette mesure aurait en effet deux avantages. De façon immédiate, elle se traduirait par une augmentation, peut-être limitée, mais d’effet instantané du nombre de médecins. Surtout, elle redonnerait un peu d’oxygène à un système de formation dont le format est lui aussi affecté par la crise de la démographie médicale. En contrepartie, le système de formation permanente des médecins pourrait être progressivement renforcé pour tenir compte de l’avancée, toujours rapide, de la science médicale.
Certains nous disent que la crise liée au manque de médecins ne serait que passagère et qu’à terme nous risquerions non seulement de parvenir à l’équilibre, mais même de former trop de médecins. Ce serait là une excellente nouvelle qui non seulement permettrait de répondre aux attentes de nos concitoyens, mais aussi d’apporter notre part de réponse aux besoins de plus en plus criants des pays du Sud.
Daniel GARRIGUE,
ancien député,
ancien maire de Bergerac.