Dans la région de Saint Quentin,19 cas d'intoxications alimentaires ont été détectés depuis une semaine avec des diarrhées hémorragiques ayant entraîné la mort d'une fillette lundi 16/6/2025. Il s'agit vraisemblablement d'une contamination bactérienne l'origine exacte n'a pas encore été confirmée. La consommation de viande hachée est un élément commun aux 19 cas et plusieurs boucheries suspectées dans la contamination ont été fermées par décision administrative.
Les intoxications alimentaires sont le plus souvent liées à des protéines toxiques : les entérotoxines synthétisées par des bactéries (du type Staphyloccocus aureus) présentent en très grand nombre chez les mammifères et les oiseaux. Dans certaines conditions de température, d'humidité et de confinement les bactéries se multiplient et le taux d'entérotoxines augmente. Comme ces entérotoxines sont thermorésistantes, elles ne sont pas dégradées par la cuisson des aliments alors que les bactéries le sont. Une fois ingérées, ces toxines se fixent sur les cellules intestinales et modifient la perméabilité intestinale à l'eau. Celle ci peut passer plus facilement du compartiment sanguin à la lumière intestinale entraînant le phénomène de diarrhée.La dose minimale d’entérotoxine à ingérer pour provoquer les premiers symptômes reste encore mal définie. Une étude récente montre que la dose produisant un effet chez 10 % des personnes exposées est de 6 nanogramme (ng) pour l’entérotoxine SEA (l'une des 25 entérotoxines synthétisées par Staphyloccocus aureus).
Les intoxications alimentaires sont un des modèle de l'effet biologique le mieux connu du mécanisme d'action d'une substance alimentaire toxique. Il est caractérisé par un effet direct de l'entérotoxine sur un site récepteur de la membrane d'une cellule de la barrière intestinale du coté de la lumière intestinale où se trouvent les aliments.
Une autre possibilité qui semble se confirmer,est une infection à Escherichia coli O157:H7, un sérotype d'Escherichia coli particulier responsable de plusieurs pathologies, dont la colite hémorragique, le syndrome hémolytique et urémique (SHU) ou le purpura thrombotique thrombocytopénique(PTT). Le syndrome hémolytique et urémique typique est précédé d'une diarrhée, sanglante entrant dans un tableau de gastro-entérite aiguë, accompagné de fièvre. La mortalité se situe entre 3 et 5 %, liée aux complications de la maladie : cérébrales ou cardiovasculaires. Il touche très majoritairement les enfants de moins de trois ans. Ce syndrome est généralement lié à une infection par des bactéries Escherichia coli productrices de shigatoxines.
Les bactéries sont ingérées par le patient qui consomme des aliments ou des boissons contaminés. Une fois dans l'appareil digestif, ces bactéries se multiplient et adhèrent aux cellules qui tapissent le tube digestif au niveau du colon. Les bactéries envahissent la muqueuse et déclenchent une réaction du système de défense de l'organisme responsable des symptômes. Ainsi, 3 jours après, voire un mois après la contamination, la maladie se manifeste par une simple diarrhée qui devient ensuite sanglante. Une fièvre peut apparaître mais ce n'est pas un signe constant. Dans ce cas, on parle d'une « colite hémorragique ». La diarrhée est présente dans 90 % des cas. Les bactéries produisent ensuite une toxine (shigatoxine ou vérotoxine) en grande quantité et, par des mécanismes complexes, la transfèrent dans le sang. Cette toxine est véhiculée par le sang par les polynucléaires neutrophiles, un type de globules blancs. Ils dispersent la toxine dans l'organisme qui va s'attaquer aux cellules des parois des vaisseaux . C'est alors que surviennent les symptômes généralisés de la maladie.
On est ici dans le cas d'une pollution presque éternelle puisque les bactéries existaient bien avant les mammifères. Les mécanismes d'action des bactéries sont bien connus mais il reste très difficile de relier un polluant à ses effets pathologiques chez l'humain.
Pour les effets pathologiques des polluants per-fluorocarbonés (PFAS), leur apparition est récente par rapport aux bactéries puisque les premières molécules synthétisées par l'homme datent de 1938 avec la synthèse du Teflon.
En 1998 la toxicité des dérivés du Teflon a été porté à la connaissance de l'avocat Robert Bilot selon lequel : « Le fermier Wilbur Tennant est entré il y a vingt-cinq ans dans mon bureau avec une pile de cassettes vidéo montrant ses vaches agonisant d’un mal dont il ignorait à l’époque la cause. Il était rongé par l’inquiétude, persuadé qu’il y avait quelque chose qui le dépassait dans la maladie qui décimait ses bêtes. C’est lui, le lanceur d’alerte qui a eu la conviction qu’il lui fallait documenter ce qu’il observait, sans rien y comprendre, dans ses champs et dans le ruisseau qui coulait à côté de chez lui ». Les vidéos montrent un veau à l’œil bleu vitreux et aux dents noircies agonisant, un cours d’eau à l’eau savonneuse où flottent des poissons morts. Le fermier soupçonne l’entreprise DuPont, à qui lui et ses frères avaient vendu une partie de leurs terres pour permettre à l’industriel d’en faire une décharge. Mais le fermier n’a aucune preuve tangible à apporter, à part la mort inéluctable de son troupeau. La ferme se trouvait en aval d'une usine ayant déversé dans la nature des milliers de tonnes d'acide perfluorooctanoïque (C8HF15O2) appelé PFOA un composé entrant dans la synthèse du Teflon pratiquée dans cette usine.
Robert Bilott démontre que l’entreprise DuPont connaissait depuis longtemps les dangers de cette substance. Il met au jour nombre de documents internes dans lesquels figurent notamment des comptes rendus d’expériences menées en laboratoire sur des rats, des chiens et des lapins, démontrant que ce produit chimique est lié chez ces derniers à un large éventail de problèmes de santé, parfois mortels. DuPont soupçonne aussi un grave danger pour les femmes enceintes. « Ces études, réalisées dès les années 1960, montraient que le PFOA était incroyablement toxique, explique Robert Bilott. Dans les années 1970-1975, DuPont avait aussi compris que ces polluants pénétraient dans le sang humain. Dans les années 1990, l’entreprise découvre des taux délirants de PFOA dans l’eau courante autour de l’usine mais ne rend pas cette information publique » .
Les résultats de tests sanguins des habitants aux alentour de l'usine sont sans équivoque : ils révèlent une moyenne du taux de PFOA de 32,91 ng/ml de sang, soit un taux cinq cents fois plus élevé que celui du reste de la population américaine à l’époque. Les experts pointent aussi une corrélation entre leur exposition élevée aux PFOA et six problèmes de santé récurrents : cancers du rein et des testicules, colite ulcéreuse, maladies thyroïdiennes, hypercholestérolémie et hypertension. Soulignons que les pathologies entraînées par les PFAS concernaient une pollution majeure (taux délirant dans l'eau) liée au dépôt de milliers de tonnes de déchets toxiques à même le sol du terrain acquis à cette seule fin.
D'un point de vue scientifique, les mécanismes d'action des PFAS susceptibles d’entraîner des effets pathologiques sont complètement inconnus. Selon l'INSERM « Des études suggèrent que l’exposition aux PFAS pourrait être associée à un risque accru de cancer du rein, des perturbations de la réponse immunitaire et une hausse du taux de cholestérol. D’autres effets comme l’infertilité, des retards de croissance ou encore le diabète, sont évoqués mais doivent être confirmés ».
Récemment 2 rapports attirent l'attention sur les teneurs en PFAS de nombreux aliments. Il est à noter que ces rapports s’intéressent uniquement au respect des normes sans interroger la justification scientifique de ces normes. Par exemple en 2023, la préfecture du Rhône a confirmé la présence de taux élevés de PFAS dans des œufs issus de poulaillers de particuliers situés à proximité de plusieurs usines chimiques du sud de Lyon (1ère alerte lancée en janvier 2023 avec des taux 8 à 16 fois supérieurs aux valeurs réglementaires). Depuis le 1er janvier 2023, la teneur maximale autorisée dans les œufs est de 1,7µg/kg de poids à l'état frais donc leur non consommation a été recommandée par la préfecture.
D'un point de vue scientifique, il serait intéressant d’étudier le développement d'œufs contaminés aux PFAS. Peut être qu' un modèle de drosophile qui un est une espèce se reproduisant plus rapidement, pourrait être utile pour étudier les effet des PFAS d'un point de vue génétique ou de l'embryogenèse.
En fait les études toxicologiques ont pour objectif d’empêcher les atteintes à la santé humaine et à la santé environnementale, mais sans entraver les bienfaits, de nouveaux produits avec une évaluation bénéfice-risque comme celle qui est toujours pertinente en médecine.
Daniel GRUCKER daniel.grucker@wanadoo.fr
REFERENCES
1)https://anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0076Fi.pdf
2)https://en.wikipedia.org/wiki/Enterotoxin
3)https://fr.wikipedia.org/wiki/Escherichia_coli_O157:H7
4)https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_h%C3%A9molytique_et_ur%C3%A9mique
5)https://presse.inserm.fr/cest-dans-lair/un-point-sur-les-pfas/
7)https://www.eurofins.fr/agroalimentaire/actualit%C3%A9s/actualit%C3%A9s/pfas-oeufs/