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Billet de blog 28 mars 2025

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Les PFAS sont-elles des molécules plus dangereuses que le potassium 40 ?

La toxicité des molécules per-fluorocarbonées (PFAS) est bien établie. Le terme de polluant éternel est utilisé pour les définir. Les seuls polluants éternels sont les atomes stables comme le plomb qui entraîne le saturnisme. Il existe un polluant radioactif du potassium. La comparaison des effets sanitaires des PFAS et du potassium 40 permet d'illustrer l’intérêt de l'approche scientifique.

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Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des molécules apparentées au Teflon (C2F4)n . Le téflon a été découvert en1938 par Roy Plunkett un chimiste qui travaillait au Jackson Laboratory, un laboratoire situé dans le New Jersey appartenant à la société chimique américaine E.I. DuPont de Nemours and Company. En 1999, l'avocat Robert Bilott représentant un fermier de Parkersburg (West Virginie ,USA) dont les bovins étaient morts dans d'étranges conditions, intenta un procès contre DuPont de Nemours Inc. La ferme se trouvait en aval d'une usine ayant déversé dans la nature des milliers de tonnes d'acide perfluorooctanoïque (C8HF15O2) appelé PFOA un composé entrant dans la synthèse du Teflon. Robert Bilott a montré que des publications internes de DuPont de Nemours avaient fait état d'une toxicité pour les animaux et l'humain. Après une saga judiciaire d'une vingtaine d'années, DuPont de Nemours et les industries associées furent condamnés en 2021 pour un montant de 753 millions de dollars.

La toxicologie est la science qui s'appuie sur des effets cliniques, des méthodes expérimentales et des études épidémiologiques pour décrire des mécanismes physiopathologiques reliant les causes aux effets des substances pathogènes. Les effets sont caractérisés par un seuil, une durée d'exposition, un temps de latence et sont en général dépendants de la dose. Un autre paramètre important est la durée de vie des polluants. Clairement les polluants éternels font partie des 80 éléments chimiques du tableau du Mendeleïev avec leurs isotopes stables. Puis les éléments radioactifs dont la durée de vie est supérieure au milliard d'années et après les polluants, bien moins éternels, liés à l'activité humaine. L'histoire des polluants non naturels a débuté après la découverte du feu au paléolithique avec la fabrication du verre, de céramiques et d'alliages métalliques il y a 10 000 ans. Le développement industriel de la chimie date du 18ème siècle et les molécules flurocarbonées comme le Téflon datent de 1938.

La mesure de la concentration des atomes ou des molécules est faite par des techniques qui ont évolué au cours du temps. La précision des mesures dépendant des instruments de mesure utilisés est liée au progrès technologique. La mesure de l'ion (H+) se fait par une méthode électro chimique très sensible qui détermine la concentration de l'ordre de 10-7 mole ou gramme par litre d'eau pur jusqu'à 10-12 g par litre d'eau pour les solutions basiques. Cette mesure s'effectue sans détruire l'échantillon. La mesure des ions dissous dans l'eau se fait par spectroscopie de flamme avec une précision de l'ordre de 10-7 g par litre d'eau mais avec la destruction de l'échantillon qui doit être vaporisé. La spectroscopie de masse qui est accessible depuis quelques années avec des instruments commerciaux, atteint des précisions de l'ordre de 10-9 g par litre d'eau. Elle peut être utilisée pour doser de très nombreuses molécules mais elle est aussi destructive et nécessite de grandes précautions de purification pour les solutions complexes. On dit de façon caricaturale qu'il faut savoir ce que l'on cherche pour pouvoir le trouver. Les mesures par spectroscopie de masse sont environ 100 fois plus précises que les mesures de radioactivité.

La directive européenne qui fixe les valeurs maximales des polluants de l'eau potable stipule que la totalité des substances alkylées perfluorées (-CnF2n-) et polyfluorées ne doit pas dépasser 0,50 mg/l. Une question importante pour la toxicité des produits est leur passage au travers de la membrane cellulaire qui détermine la concentration dans l'espace intracellulaire chez les organismes vivants.

Il est surprenant que dans la directive européenne sur l'eau potable, actuellement en vigueur, il ne soit pas fait état ni de l'amiante : Mg3Si2O5(OH)4, ni du potassium 40. La toxicité de ces 2 polluants est pourtant bien établie.

Le potassium 40 joue un rôle primordial parce qu'il est l'un des polluants les plus abondants dans le corps humain. Le potassium 40 a une abondance naturelle 0,0117% du potassium total et il a une demie vie de 1,248 milliards d'années. Sa concentration dans l'eau intracellulaire est chez l'humain de 655 mg/l . En effet les cellules vivantes accumulent le potassium avec une concentration dans l'eau intracellulaire de 140 m mole/l de potassium dont 0,0117% sont radioactifs. Cette eau polluée au potassium 40 baigne le noyau cellulaire et donc l' ADN qui est la molécule la plus sensible à la pollution et ceci dans toutes les cellules vivantes. Les rayonnements ionisants émis par le potassium 40 peuvent entraîner des ionisations potentiellement responsables de nombreuses pathologies dont des cancers et même des effets tératogènes dans les spermatozoïdes ou les ovules. Pratiquement toutes les cellules vivantes se sont développées dans cet environnement ce qui remet en question la notion de polluant aux très faibles doses. Il est particulièrement surprenant que les experts n'aient pas relevé ce paradoxe. Est-ce le fait que dans les années 1960, période des essais nucléaires atmosphériques, le lien entre mutation génétique et cancer était mal connu  et que par la suite la radio protection s'est focalisée sur les effets dus aux rayonnement artificiels ?

L'exemple de l'eau potable interroge pourquoi l'amiante ne fait pas partie des polluants à contrôler et comment des polluants ayant une concentration plus faible que 650 mg/l peuvent avoir une toxicité supérieure à celle du potassium 40. Les effets des produits chimiques nécessitent plus la poursuite des études sur les mécanismes de leur toxicité que leur interdiction qui ne sera vraisemblablement que rarement appliquée vu les enjeux économiques. Une information fondée sur des faits scientifiques me semble plus utile qu'une information fondée sur des craintes légitimes mais non prouvées.

Daniel Grucker

Professeur émérite de Biophysique, Faculté de Médecine , Université de Strasbourg.

daniel.grucker@wanadoo.fr

REFERENCES facilement accessibles :

Le teflon et DuPont de Nemours

https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9flon

https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Bilott

Le Potassium 40 ou 40K

https://fr.wikipedia.org/wiki/Potassium_40

La toxicité

https://fr.wikipedia.org/wiki/Toxicologie

L'eau intracellulaire

https://en.wikipedia.org/wiki/Cytosol

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