L'eau (H2O), potable est celle qui peut être ingérée se façon à maintenir l'intégrité de celui qui la boit . Elle doit être sans polluant (sans toxicité). L'eau est la substance chimique la plus abondante sur terre sous forme d'eau de mer. La principale caractéristique, pour ce qui nous occupe ici, est qu'elle n'est pas potable. Ce qui a priori est surprenant sachant que la vie s'est développée dans la mer et que notre corps est composé majoritairement d'eau salée. La deuxième forme la plus courante de l'eau est l'eau de pluie qui est potable et non toxique. Il n'y a pas d'études montrant une toxicité de l'eau de pluie par rapport l'eau distillée. En effet une telle étude ne peut pas se faire parce qu'il faudrait éliminer l'eau formée par le métabolisme aérobie des organismes de nombreux systèmes vivants (de certaines bactéries à l'humain) et chacun sait que la mort par absence d'eau se produit avant la privation de nourriture. L'eau distillée obtenue par chauffage à 100°C et récupération de vapeur d'eau dans des conditions précises est potable sa toxicité ne peut pas être prouvée pour les mêmes raisons que précédemment. L'eau de ruissellement est potable et sa toxicité est parfois prouvée de même pour les eaux souterraines et l' eau du robinet. Le paramètre important pour juger de la potabilité de l'eau est sa composition.
L'eau de mer comprend en moyenne 35g de sel par litre (comprise entre 30g/l dans l’océan Atlantique Nord et 40g/l dans la mer Rouge). En moyenne 1 litre d'eau de mer contient 965g d'eau (H2O), 19,3g/ de chlorure (Cl-), 10,8 g de sodium (Na+), 2,7 g de sulphate (SO42-), 1,3g de magnésium (Mg2+), 0,42g de calcium (Ca2+), 0,39g de potassium (K+) et 0,09g d'autre substances dont 0,0013g de fluorure (F-) et 0,0004 g de dioxyde de carbone (CO2) et de nombreuses autre molécules à des concentrations bien plus faibles.
La précision des mesures dépend des instruments de mesure utilisés et elle est liée au progrès technologique. La mesure de l'ion (H+) se fait par une méthode électro chimique très sensible qui détermine la concentration de l'ordre de 10-7 ion par litre d'eau pur jusqu'à 10-12 g par litre d'eau pour les solutions basiques. Cette mesure s'effectue sans détruire l'échantillon. La mesure des ions dissous dans l'eau se fait par spectroscopie de flamme avec une précision de l'ordre de 10-7 g par litre d'eau mais avec la destruction de l'échantillon qui doit être vaporisé. La spectroscopie de masse qui est accessible depuis quelques années avec des instruments commerciaux, atteint des précisions de l'ordre de 10-9 g par litre d'eau. Elle peut être utilisée pour doser de très nombreuses molécules mais elle est aussi destructive et nécessite de grandes précautions de purification pour les solutions complexes. On dit de façon caricaturale qu'il faut savoir ce que l'on cherche pour pouvoir le trouver par spectroscopie de masse. Les mesures par spectroscopie de masse sont environ 100 fois plus précises que les mesures de radioactivité.
Sans entrer dans les détails ayant abouti à la définition de l'eau potable, voyons les normes qui régissent la qualité de l'eau potable. Celles ci sont définies en Europe par des directives européennes. La directive européenne de 1980 fixait 62 paramètres à respecter. Ce nombre est passé à seulement 46 paramètres en 1998 pour atteindre 52 dans la directive en vigueur en 2025. Parmi ces paramètres certains comportent un grand nombre de molécules différentes. Il y a 2 paramètres biologiques qui sont le nombre d'entérocoques intestinaux et d'Escherichia coli ( indicateur de contamination d'origine fécale) qui doivent être inférieur 1 pour 100 ml d'eau dans le cas d'eau du robinet et moins de 1 pour 250 ml d'eau en bouteille. Puis viennent 32 paramètres chimiques dont la teneur maximale est exprimée en micro gramme par litre d'eau (mg/l) sauf 7 qui sont exprimés en (mg/l) soit une unité de concentration qui est 1000 fois plus grande. Ces 7 atomes ou molécules sont : le Bore (B), les Chlorates (ClO3-), les Chlorites (ClO-), le cuivre (Cu), les fluorures (F-),les nitrates(NO3-) et les nitrites (ClO2-). Certains paramètres comme les pesticides comportent de très nombreuses molécules différentes (insecticides, herbicides, fongicides, nématocides, acaricides, algicide, rodenticides...) ainsi que leur métabolites. La valeur limite de 0,10 mg/l s'applique à chaque pesticide particulier et pour quatre molécules l'aldrine (C12H8Cl6), la dieldrine (C12H8Cl6O), l'heptachlore (C10H5Cl7) et l'heptachlorépoxyde (C10H5Cl7) la limite de présence dans l'eau est de 0,030 mg/l. Le total des pesticides ne doit pas dépasser 0,50 mg/l . La totalité des substances alkylées perfluorée (-CnF2n-) et polyfluorées (PFAS) ne doit pas dépasser 0,50 mg/l. On peut noter que la teneur en uranium ne doit pas dépasser 30 mg/l alors que pour le chlorure de vinyl (C2H3Cl), provenant des tuyaux en plastique, elle ne doit pas dépasser 0,50 mg/l soit 60 fois moins que l'uranium, un toxique avéré. Enfin il y a 18 paramètres indicateurs dont 3 concernent la bactériologie : la recherche de Clostridium perfringens, de bactéries coliformes avec moins de 1 bactérie par 100 ml et la teneur en colonies à 22°C traduisant la présence de bactéries non pathogènes qui doivent être sans changement par rapport aux analyses antérieures. La présence de molécules dont les concentrations maximales admises sont entre 50 et 500 mg/l : l'ammonium (NH4+), le manganèse (Mn), l'aluminium (Al) et le fer (Fe). La présence d'ions en grande quantités de 200 à 250 mg/l (mais moins que dans dans l'eau de mer) : le sodium (Na+), le sulphate(SO42-) et les chlorures (Cl-). La concentration en ions hydrogène (H+) exprimée unités pH (défini comme moins le logarithme de la concentration en H+) correspond à une fourchette comprise entre 0,3 mg/l et 0,3 ng/l, un facteur de 1000 sépare ces 2 valeurs. Pour les eaux plates mises en bouteille la concentration en H+ peut atteindre 30 mg/l soit 10 fois plus que pour l'eau potable. Le paramètre conductivité qui caractérise la capacité d'un matériau ou d'une solution à laisser se déplacer des charges électriques et donc permettre le passage d'un courant électrique doit être inférieur à 2500 mS/cm. ( micro Siemens par centimètre). Il y a 2 paramètres liés l'oxydabilté qui ne doit pas dépasser 5,0 mg/l d'O2 et le carbone organique total qui ne doit pas présenter de changement « anormal » par rapport aux mesures précédentes. Enfin 4 paramètres liés à nos organes des sens : la turbidité qui est définie par hauteur d'eau pour voir disparaître une croix au fond d'une éprouvette graduée (ou voir disparaître un disque de Secchi en océanographie), la couleur, l'odeur et la saveur qui tous 4 doivent être acceptables par les consommateurs et sans changement « anormal » pour les consommateurs par rapport aux examens précédents. Ces 4 paramètres sont depuis l'antiquité les critères de potabilité de l'eau.
Le nombre de paramètres introduit dans la directive européenne paraît élevé mais il est extrêmement faible par rapport à toutes les molécules synthétisées par l'humain qui est lui même extrêmement faible par rapport à toutes les molécules biologiques.
Quelle sont les paramètres des polluants de l'eau ? Les critères juridiques exposés ci dessus font références à des unités exprimés g/l mais qu'elle est la précision expérimentale des mesures de contrôle ? Expérimentalement on peut préparer de l'eau pure par distillation dans laquelle il n'y a presque que des molécules d'eau, il existe environ 10-7 mol d'H+ et 10-7 mol de OH- pour 1 litre d'eau du fait de l'autolyse de l'eau, attestée par la mesure du pH. La valeur de pH7 varie très rapidement en fonction de la quantité de gaz carbonique dissous dans l'eau.
Un autre paramètre important est la durée de vie des polluants ? Clairement les polluants éternels sont les 80 éléments chimiques du tableau du Mendeleïev avec leurs isotopes stables. Puis les éléments radioactifs dont la durée de vie est supérieure au milliard d'années et après les polluants, bien moins éternels, liés à l'activité humaine. L'histoire des polluants non naturels a débuté après la découverte du feu au paléolithique avec la fabrication du verre, de céramiques et d'alliages métalliques il y a 10 000 ans. Le développement industriel de la chimie date du 18ème siècle et les molécules perflurocarbonées comme le Téflon datent de 1938.
Les molécules fluo-carbonées qui sont actuellement sur le devant de la scène, possèdent des liaisons carbone-fluor de 486 kJ/mol alors que les molécules organiques sont essentiellement composées liaison carbone-hydrogène de 416 kJ/mol donc plus facile à rompre que les liaisons des PFAS. Ce genre d'argument n'est pas toujours valable par exemple la liaison F-H a une énergie de liaison de 566 kJ/mol mais lorsqu'on l'ajoute dans l'eau, la molécule HF se dissocie spontanément en H+ et F- avec libération d'énergie thermique ( il faut toujours verser l'acide dans l'eau est une mesure de précaution apprise dans les premiers cours de chimie). La durée de vie de ces polluants est loin d'être connue et leur taux augmente que dans les endroits où il sont produits. Il ne semble pas y avoir de mesures fiables dans l'eau de mer pour étayer une augmentation générale des PFAS.
La toxicité est la mesure de la capacité d'une substance chimique à provoquer des effets néfastes ou mauvais sur la santé. Les effets sont caractérisés par un seuil, une durée d'exposition, un temps de latence et sont en général dépendants de la dose sauf pour les substances radioactives à faible dose.
Les effets toxiques sont connus depuis l'antiquité, le saturnisme est documenté dans l'antiquité depuis l'âge du bronze (où les forgerons travaillant le bronze et surtout l'argent pouvaient s'intoxiquer aux vapeurs de plomb) et au Ier siècle Pline l'Anciendécrivait déjà les symptômes de l'empoisonnement au mercure et aussi l'histoire bien connue de Socrate avec Mithridate avec la Ciguë.
La toxicologie est la science qui s'appuie sur des effets cliniques, des méthodes expérimentales et des études épidémiologiques pour décrire des mécanismes physiopathologiques reliant les causes aux effets des substances pathogènes. La directive européenne (UE) 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ne concerne que l'eau du robinet. En effet l'article 3 stipule expressément que la directive ne s'applique pas aux eaux minérales reconnues comme telles par l'autorité responsable définie dans un autre texte réglementaire .
Il est surprenant que dans la directive sur l'eau potable il n'est pas fait état ni de l'amiante : Mg3Si2O5(OH)4, ni du potassium 40. La toxicité de ces 2 polluants est pourtant bien établie. Le mot amiante ne figure pas dans la directive et le mot potassium figure une fois mais pas le potassium 40. Le potassium 40 est un des polluants les plus abondants dans le corps humain. Le potassium 40 a une abondance naturelle 0,0117% du potassium total et il a une demie vie de 1,248 milliards d'années. Sa concentration dans l'eau intracellulaire est chez l'humain de 655 mg/l . En effet les cellules vivantes accumulent le potassium avec une concentration dans l'eau intracellulaire de 140 m mole/l de potassium dont 0,0117% sont radioactifs. Cette eau polluée au potassium 40 baigne le noyau cellulaire et donc l' ADN qui est la molécule la plus sensible à la pollution et ceci dans toutes les cellules vivantes. Les rayonnements ionisants du potassium 40 peuvent entraîner des ionisations potentiellement responsables de nombreuses pathologies dont des cancers et même des effets tératogènes dans les spermatozoïdes ou les ovules. Pratiquement toutes les cellules vivantes se sont développées dans cet environnement ce qui remet en question la notion de polluant aux faibles doses.
L'exemple concret de l'étude de l'eau potable interroge sur le pourquoi l'amiante ne fait pas partie des polluants à contrôler. Le deuxième problème à résoudre est comment des polluants avec une concentration plus faible que 650 mg/l peuvent avoir une toxicité supérieure à celle du potassium 40 pour mieux comprendre la toxicité des polluants.
Daniel Grucker daniel.grucker@wanadoo.fr
Professeur émérite de Biophysique, Faculté de Médecine , Université de Strasbourg.
Références
L'eau de mer
https://fr.wikipedia.org/wiki/Eau_de_mer
La Ciguë
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grande_Cigu%C3%AB
DIRECTIVE (UE) 2020/2184 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
du 16 décembre 2020
relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
(Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) en vigueur en février 2025
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020L2184