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Billet de blog 15 décembre 2015

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Réponse à Edwy Plenel: faire barrage au FN

Ré-occuper le terrain de la gauche.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cher Edwy Plenel, 

Je rêve avec vous de vagues citoyennes à la manière espagnole, nous portant à nouveau dans les vrais combats politiques, ceux qui se confondent avec la vie même et où nous retrouverions non pas notre identité mais notre diversité... En attendant, vous nous invitez à voter pour le PS ou LR, c'est-à-dire justement pour la politique coupée de la vie.

Il s'agit bien sûr d'un vote de circonstance, un vote utile comme on dit, mais tellement contre-nature et finalement, tellement inutile. Ou pire. Car à force de voter pour ces partis de droite (et même d'extrême droite dans leurs politiques sécuritaires), on finit par s'y perdre. A force de voter inutile, certains finissent par voter pour le Front National.

Vous nous dites que le FN est un parti fasciste auquel il faut s'opposer à tout prix. Et un peu plus loin, vous situez l'émergence de cette famille politique à la fin du XIX° siècle. Je crois que, sans le vouloir peut-être, vous "essentialisez" en quelque sorte la question  de l'extrême droite. Vous vous enfermez par là même dans une question sans réponse. Je ne nie pas la spécificité et la dangerosité du fascisme, mais il y a toujours eu une frange ultra réactionnaire en France et il y en aura toujours une, comme il y aura toujours une gauche et une droite. Quand, dans certaines circonstances, le balancier penche à gauche, on peut espérer d'engranger certaines conquêtes sociales et quelques années de paix, mais la droite et l'extrême droite ne disparaîtront pas pour autant. Nous devrons toujours vivre avec, comme elles devront vivre avec nous.

La question n'est donc pas tant d'éradiquer l'extrême droite, ou de lui faire barrage comme vous dites, que de la laisser vivre... là où elle est. Et nous, de vivre là où nous sommes. Si la gauche n'avait pas abandonné depuis 60 ans le terrain de la gauche, il est probable que le Front National ne serait que le parti des nostalgiques de l'Algérie Française et des souverainistes de droite. Il est également probable qu'à la faveur de la crise, il aurait accueilli une partie des personnes les plus touchées par la pauvreté et la précarité. Mais si la gauche tenait son terrain, elle aurait aussi accueilli une partie des laissés pour compte de la crise, ou plutôt elle ne les aurait pas abandonnés. Et il serait infiniment plus facile de partir de ce terrain pour lancer le mouvement plus vaste, "l'autre politique", que vous appelez de vos voeux.

Vous dites en désespoir de cause : il faut inventer autre chose. Mais pour commencer, vous nous invitez à faire la même chose que la dernière fois, à la dernière élection, à l'avant-dernière, à la prochaine. Le "vrai barrage" au Front National, cher Edwy Plenel, ce n'est pas ce sautillant "chemin du sursaut", ce rêve d'une "France arc-en-ciel" : ne nous payez pas de grands mots comme le font les politiciens.

Je n'ai évidemment pas de solution à proposer, sinon peut-être de ne pas parler de solutions, mais plutôt de la vie, de ce que nous croyons vrai et souhaitable, de ce qui nous indigne, de l'espoir d'un instant... Reconnaissons-nous avec le plus grand esprit d'ouverture, mais aussi la plus grande rigueur. Ainsi, pour commencer, n'écrivez donc plus que le PS est un parti de gauche ou qu'il est à gauche. Aidez-nous à le sortir du terrain. On y verra plus clair.

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