La révélation "roman" de la rentrée littéraire française

Il a (avait ?) tout pour devenir un excellent journaliste. Avec cette vertu devenue rare en cette ère du tapage et du verbiage : le sens de l'écoute des autres. Mais il n'est que bon (ce qui est plus que bien)...parce que son horloge intérieure ne marque pas la même heure que celle des montres qu'il faut exhiber pour « réussir » en cette ère de « l'éclat du futile » et des « dérobades endiablées ». Éric Genetet aime trop, « aller au bout de ses rêves ». Et il est sans doute trop « agnomme »-homme agneau- pour cette planète de « l'info » dévorée par les fauves de la « com » ribaude.
Sa nonchalance de dilettante, sa décontraction séduisante, son charme casanovesque masquent une richesse intérieure qui exige d'autres champs de réflexions et d'épanouissement que « l'écume des choses », la vanité du paraître et la superficialité des « rafales de vents »... La vraie liberté est en soi. Sans cesse à conquérir. « Pour n'être que soi, il faut renaître plusieurs fois »
Éric Genetet illustre assez bien cette définition un peu énigmatique de Wiesel: « Le journaliste se définit parce qu'il dit, et l'écrivain parce qu'il tait ». Genetet se révèle écrivain. Un excellent écrivain. Qui sait taire ce qu'il veut dire. Héloïse d'Ormesson a vu et misé juste : « Le fiancé de la Lune » est, davantage que la plupart des succès préfabriqués, la vraie révélation de cette « rentrée littéraire ». Ce qui ne surprendra pas les lecteurs de "Chacun son Foreman"qui fut pour Éric un galop d'essai fort réussi
Ce "Fiancé de la lune" est roman d'amour bien d'aujourd'hui.Mais avec des textos qui restent des textes et, surtout, avec une belle pudeur devenue rare. Par-dessus les moulins, l'exhibitionnisme à la mode, la vulgarité ambiante, l'érotisme charcutier...Oubliée aussi, l'eau de rose et le sentimentalisme à quatre sous. Les mots n'éclaboussent pas le papier : ils le transpercent. La profondeur par la sobriété.Une noblesse recouvrée.
Pas de « poids des mots et de choc des photos » : la justesse des mots, et le sens des images.
« Écrire, c'est aller à l'essentiel », aime dire Wiesel dont le dernier roman (1) est pour moi le chef d'œuvre romanesque de cette rentrée. littéraire. Éric Genetet a su aller à l'essentiel. Ce qui exige bien sûr un « travail qui finit par effacer le travail », comme disait l'exigent Valéry.
Derrière l'histoire, belle et tragique, de ce « singe indépendant » qui, sur fond de jazz, rencontre l'Amour comme il ne l'imaginait plus, la question des questions : à quels jeux joue le « je » dans cette existence où « chaque fleur est une lumière qui va s'éteindre » et où le seul fait d'être « humain parmi les humains » n'a rien de simple ?
« Avant le Nous, il faut un Je ».Évidence. Mais qu'est le Je sans Nous ? « Va jusqu'au bout de tes rêves », Éric. Même si tous les jours et toutes les nuits ont « le goût du danger » Éros et Logos attendent déjà un autre livre de toi.
*Éric GENETET, « Le Fiancé de la lune , Quand l'amour s'emballe »...Éditions Héloïse D'Ormesson, 123 pages, 15 €, Paris août 2008
(2)"Chacun son Foreman", un roman d' Éric GENETET, Le verger editeur, 128 pages, Format 140 x 210 mm, Prix TTC : 13,00 €
(1) La cas Sonderberg, par ELIE WIESEL, GRASSET, Paris, aoüt 2008