J’ai eu des réticences à l’égard de JL Mélenchon.
Je n’ai pas accepté la voie non démocratique qu’il a choisie, en février 2016, pour se proposer comme candidat, et je trouve, encore aujourd’hui, contre productives la distance qu’il prend avec les partis du Front de gauche, qui pourtant le soutiennent, ainsi que sa volonté de présenter dans chaque circonscription un candidat de la France Insoumise (même contre des sortants du PCF qui ont fait leurs preuves)
J’ai voté pour Benoit Hamon aux Primaires du PS : je voulais utiliser ces élections pour condamner la politique de F. Hollande, éliminer de la compétition son premier ministre M. Valls et soutenir les positions des frondeurs du PS.
J’ai fait partie de ceux qui ont espéré une union entre Hamon et Mélenchon, dans l’espoir que la gauche radicale qui défend un programme social et écologique soit présente au second tour des Présidentielles.
Or voilà qu’aujourd’hui cet espoir renait dans cette campagne pleine de surprises !
La percée de J.L. Mélenchon dans les sondages nous offre cette chance exceptionnelle : nous pouvons élire un président de gauche, qui initie les politiques de rupture et de transformation que nous attendons.
En effet selon un sondage Kantar Sofres du 10 avril : « la dynamique de Jean-Luc Mélenchon s'est confirmée et installée. Le candidat de la France insoumise a vu ses intentions de vote augmenter progressivement, jusqu'à rattraper François Fillon et à lui passer devant pour se retrouver à la troisième place.
Dans cette étude, Jean-Luc Mélenchon obtient 18% des intentions de vote ( et 19% hier, le 13 avril) en hausse de 6 points par rapport à l'étude précédente, réalisée mi-mars. François Fillon est lui quatrième avec 17%.
Le candidat de la France insoumise a donc été testé face aux deux candidats donnés favoris: Emmanuel Macron et Marine Le Pen, donnés une nouvelle fois en tête avec 24% chacun.
En cas de duel au second tour, il arrive en tête face à Marine Le Pen, avec 57% contre 43% pour la candidate frontiste. Face à Emmanuel Macron en revanche, il perd à 47%, contre 53% pour le candidat d'En Marche. »
Dans cette situation inimaginable il y a encore 15 jours, notre bulletin de vote va peser son poids !
Les sondages qui mesurent et « font » la cote des candidats, ces sondages qui, avec l’aide des medias dominants, nous avaient présenté le vote pour E. Macron comme le seul politiquement correct, le seul efficace face à Marine Le Pen, doivent nous servir aujourd’hui d’indicateurs, nous guider dans notre choix : nous pouvons le 23 avril, infléchir les politiques en France.
En votant pour J. L. Mélenchon, nous avons le pouvoir, non pas simplement d’éviter le pire (l’installation d’une société haineuse, raciste, antisémite, inégalitaire, violente, inhospitalière, fermée et récessive) mais aussi celui de promouvoir un vrai projet qui réponde aux urgences démocratiques, économiques, sociales, écologiques…
Je sais que certains à gauche ont eu, comme moi, des réticences vis à vis de J.L. Mélenchon, qu’ils ne supportent pas le personnage, le traitent de bonapartiste, craignent ses dérives autoritaires et critiquent certains points de son programme.
Je sais qu’il existe à gauche des sensibilités différentes et que certains se sentent plus proches de Hamon, Poutou ou N. Arthaud… Mais si nous laissons, pour le moment, de côté nos différences partisanes à gauche, une possibilité s’offre à nous d’initier un changement de cap : devons-nous la laisser passer ? C’est la droite du PS qui, en lâchant son candidat officiel, B. Hamon, l’a démonétisé et fait chuter, pour faire monter le parti du centre : Macron, allié à F. Bayrou. C’est un triste échec pour les frondeurs du PS qui, derrière Hamon, espéraient changer leur parti.
Dans le nouveau paysage politique dessiné par les derniers sondages, J.L. Mélenchon est le seul à avoir une chance d’accéder au pouvoir avec un projet de rupture.
Les électeurs potentiellement de gauche, qui avaient décidé, faute de mieux, de voter pour l’ancien ministre de l’économie de F. Hollande, doivent réfléchir à leur choix. Voter pour E. Macron, c’est, ni plus, ni moins, voter pour la poursuite des politiques libérales de Sarkozy, reprises, hélas, en grande partie, par F. Hollande et Manuel Valls. La loi El Khomri en a résumé la philosophie : s’attaquer aux « normes édictées au niveau national et même au niveau des branches , poursuivre la démolition coûte que coûte du code du travail et des conventions collectives, en clair, supprimer, peu à peu, toutes les protections sociales que les salariés ont gagnées de haute lutte. Faire entrer ainsi les salariés dans des guerres fratricides pour toujours plus de flexibilité et d’abaissement de leurs droits. (Comme l’a dit J.L. Mélenchon, dans un des débats TV : « Quand Macron propose que les droits des travailleurs soient différents dans chaque entreprise, cela s’apparente à proposer un code de la route différent pour chaque route ! »)
Interrogé ces jours derniers, E. Macron dit vouloir continuer dans la même voie : « introduire dès l’été un projet de loi d’habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation » et précise que cela se fera « par ordonnances, pour procéder de manière rapide et efficace » !
Le socle de son programme est le même que celui de François Fillon , c’est l’obsession du « coût » du travail, à l’origine, selon eux , de tous les maux. Tous deux culpabilisent les salariés pour mieux épargner les actionnaires (qui vivent pourtant, comme le disaient les slogans de Nuit Debout « au dessus de nos moyens ») Cette idéologie au service des entrepreneurs plait beaucoup aux héritiers de la démocratie chrétienne de François Bayrou bien sûr, ainsi qu’ aux néolibéraux acharnés comme Alain Madelin (qui a déclaré en mars 2017 : « la réforme des retraites de Macron est excellente »)
Pour ces gestionnaires de l’économie de marché, s’il y a du chômage, ce n’est pas à cause des trente années de politiques néolibérales qui ont mené à une insuffisance de la demande au niveau global et aux délocalisations. Ce n’est pas à cause des politiques d’austérité qui, depuis 2009, ont aggravé le problème, menant l’Europe au bord de la stagnation… Non, à les suivre, le chômage de masse subi en France serait dû aux insiders, les travailleurs ayant l’exorbitant privilège d’avoir un emploi ! ( Quand Marine Le Pen, elle, trouve d’autres boucs émissaires : les migrants, les Roms , les étrangers…)
Le seul candidat qui s’attaque vraiment au système, en analyse le fonctionnement et propose un programme de transformation radicale est JL Mélenchon et il apparait désormais, comme celui qui, en battant le FN, Fillon et Macron , pourrait rompre avec ces logiques mortifères.
Il faut lui reconnaître le mérite d’avoir su utiliser le système très personnalisé des élections présidentielles de notre 5ème République finissante, pour faire avancer ses propositions. L’élaboration d’un programme sérieux, popularisé dans ses meetings, son site Youtube, les débats… ont fait progresser le discours anti-libéral. Comme au moment des grèves contre la loi El Khomri, on perçoit dans l’opinion des mouvements de colère de révolte, de passion, d’espoir… et le désir d’agir, de faire de la politique autrement.
L’idée fait son chemin que nous ne sommes pas condamnés à l’austérité, au chômage, à la disparition des services publics, au déserts médicaux, à la malbouffe de l’agriculture intensive, à la pollution de l’eau par les pesticides, à l’Europe des paradis fiscaux, des délocalisations et du dumping social, aux guerres d’intervention , au réchauffement climatique, et aux rivalités entre les peuples… et qu’il pourrait exister des solutions progressistes, humaines, heureuses, à la crise que nous traversons.
L’idée d’en finir avec notre « monarchie présidentielle » et d’instaurer une 6 ème République progresse aussi dans l’opinion.
Si nous voulons changer de constitution, mettre fin au cumul des mandats, au pouvoir des lobbies, élire nos députés à la proportionnelle, supprimer le sénat, permettre aux étrangers de voter aux élections locales etc… l’accession de JL. Mélenchon au poste de dernier président de la 5 ème République est une étape nécessaire.
Non pas parce que nous serions d’accord avec lui à 100%, mais parce qu’il est en position de gagner ces élections si toute la gauche qui se bat, depuis des années pour ce changement démocratique, se rassemble autour de lui.
Si nous l’élisons, il devra ensuite travailler à créer une majorité sur son projet. Rassembler au delà des partisans directs de la France Insoumise, des citoyens de différentes appartenances, partis, organisations… B. Hamon a déjà déclaré que si JL. Mélenchon accédait au second tour, c’est lui qu’il soutiendrait : cette union des gauches radicales, qui n’a pas pu se faire avant le 1er tour, sera fondamentale, obligatoire, pour le second tour, si Mélenchon y accède, pour les législatives ensuite, et bien sûr au delà : car si, en 2012, une fois Hollande élu, nous étions restés mobilisés pour lui rappeler ses promesses, nous n’en serions peut-être pas là !
La Présidentielle n’est qu’une étape, la bataille sera rude et demandera la mobilisation des citoyens et des partis de toute la gauche, dans lesquels nous nous reconnaissons ((frondeurs du PS, écologistes, Communistes, Ensemble, NPA etc…)
Les oppositions ne manqueront pas, elles se manifestent déjà, de Hollande à Le Pen, pour critiquer le programme de la France Insoumise, nous menacer de représailles, de catastrophes.
Comme en 2005 au moment du referendum sur la constitution européenne, comme en 2008 au moment de la crise financière, quand on nous a condamné à l’austérité pour renflouer les banques, comme en 2012, quand F. Hollande a renoncé à négocier avec A. Merkel pour réorienter les politiques européennes.
Ne nous laissons pas faire encore une fois !
Ce serait une erreur de ne pas saisir la chance qui nous est offerte: elle est à portée de vote !