Annie Lacroix-Riz : Le rôle de
l’URSS dans la deuxième guerre mondiale
par Olivier Berruyer dans Crise Démocratique
21 mai 2015

Annie Lacroix-Riz : Le rôle de l’URSS dans la deuxième guerre mondiale
- Mots-clefs :
- Imprimer
Annie Lacroix-Riz, ancienne élève de l’école normale supérieure (Sèvres), élève de Pierre Vilar, est agrégée d’histoire, docteur-ès-Lettres, et professeur d’Histoire contemporaine à l’université Paris VII-Denis Diderot. (voir son site ici)
Elle est spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXe siècle. Ses travaux portent sur l’histoire politique, économique et sociale de la Troisième République et de Vichy, sur la période de la Collaboration dans l’Europe occupée par les nazis, sur les relations entre le Vatican et le Reich ainsi que la stratégie des élites politiques et économiques françaises avant et après la Seconde Guerre mondiale. Elle est également connue pour son engagement communiste.
Ses principaux livres sont :
- Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre Froide (1914-1955),
- Industriels et banquiers français sous l’Occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy
- L’Histoire contemporaine sous influence
- Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930
- De Munich à Vichy : L’assassinat de la Troisième République (1938-1940)
- L’intégration européenne de la France : La tutelle de l’Allemagne et des États-Unis
- Aux origines du carcan européen (1900–1960)
Elle traite ici du rôle de l’URSS dans la deuxième guerre mondiale :
LE RÔLE DE L’URSS DANS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE (1939-1945)
1
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, Paris 7 Mai 2015
Deux ans après sa victoire sur la Wehrmacht et le nazisme, la « Guerre froide » officiellement installée, l’Armée rouge, chérie de tous les peuples européens depuis juin 1941, 1 passa chez ceux de l’« Ouest » pour une menace . Aujourd’hui, l’historiographie française, sa mutation pro-américaine vieille de trente ans achevée, voue l’URSS aux gémonies tant pour la phase du pacte de non-agression germano-soviétique que désormais pour celle de la « Grande guerre patriotique ». Nos manuels, assimilant nazisme et communisme, surenchérissent sur les historiens d’Europe orientale recyclés à l’Ouest. Lesglesrands médias, qui encensent « 2 3 historiens du consensus » à l’« « esprit dégagé de tout sectarisme » , ont transformé le débarquement « américain » (anglo-américain, Commonwealth inclus) du 6 juin 1944 en événement militaire décisif. Martèlement efficace. Les sondages IFOP sur la contribution respective de l’URSS et des États-Unis à la conduite militaire de la Deuxième Guerre mondiale ou « à la victoire sur les nazis » se sont, entre mai 1945 et mai 2015, strictement inversés : 57% pour l’URSS à la première date (20% pour les États-Unis); 54% pour les États-4 Unis aujourd’hui, et jusqu’à 59% chez les moins de 35 ans , victimes prioritaires de la casse de l’enseignement de la discipline historique. Cette inversion politique consacre le double triomphe, en France, de l’hégémonie américaine et d’une russophobie obsédante depuis 1917, limitée pendant plusieurs décennies par l’existence d’un parti communiste puissant et présent sur le terrain de l’histoire mais considérablement accentuée par la chute de l’URSS. Elle est sans rapport avec le tableau que dressent les sources originales du rôle joué par l’URSS dans la Deuxième Guerre mondiale.
DU SABOTAGE FRANCO-ANGLO-POLONAIS DE L’ENTENTE AU PACTE GERMANO-SOVIÉTIQUE
Ce que fit l’URSS quand leBlitzkrieg écrasa l’Europe (septembre 1939-mai 1941) a 5 suscité depuis quelques décennies de nombreux travaux scientifiques, anglophones surtout .
1 Annie Lacroix-Riz, « 1947-1948. Du Kominform au “coup de Prague”, l’Occident eut-il peur des Soviets et du communisme? »,Historiens et géographes (HG)n° 324, août-septembre 1989, p. 219-243.
2 Diana Pinto, « L’Amérique dans les livres d’histoire et de géographie des classes terminales françaises »,HGSoucy, historien américain du fascisme303, mars 1985, p. 611-620; citation, Robert n° français, et Lacroix-Riz,L’histoire contemporaine toujours sous influence, Paris, Delga-Le temps des cerises, 2012.
3 Le Figaro, 11 janvier 2007, recension d’Olivier Wieviorka,Histoire du débarquement en Normandie : Des origines à la libération de Paris 1941-1944, Paris, Seuil, 2007, ouvrage encensé par les médias et les institutions officielles comme celui niant l’intérêt militaire de la Résistance et omettant sa composante communiste,Histoire de la Résistance : 1940-1945, Paris, Perrin,2013.
4 Sondages 1944-1945 et 2004, Lacroix-Riz, « Le débarquement du 6 juin 1944 du mythe d’aujourd’hui à la réalité historique »,http://www.lafauteadiderot.net/Le-debarquement-du-6-juin-1944-dumai, juin 2014; 7 2015,http://www.metronews.fr/info/sondage-exclusif-8-mai-1945-a-qui-les-francais-disent-ils-merci-pour-la-victoire-sur-les-nazis/moef!FRK7nFX0GWZds/
5 Geoffrey Roberts,The Unholy Alliance: Stalin’s pact with Hitler, Londres, Tauris, 1989;The Soviet Union and the origins of the Second World War.Relations and the Road to War, Russo-German 1933-1941, New York, Saint Martin’s Press, 1995; et surtout,Stalin’s Wars: From World War to Cold War, 1939-1953. New Haven & London: Yale University Press, 2006, enfin traduit,Les guerres de Staline, Paris, Delga, 2014; Gabriel Gorodetsky,Soviet Foreign Policy, 1917-1991 : a retrospective, Londres, Frank Cass, 1993 (dont Teddy J. Uldricks, « Soviet Security in the 1930s »); Michael J. Carley,1939, the alliance that never was and the coming of World War 2, Chicago, Ivan R. Dee, 1999 (traduit en français, PU de Montréal, 2001); Hugh Ragsdale,The Soviets, the Munich Crisis, and the Coming of World War II, Cambridge, Cambridge UP, 2004
Source : http://www.les-crises.fr/annie-lacroix-riz-le-role-de-lurss-dans-la-deuxieme-guerre-mondiale/