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Tribune 12 octobre 2025

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Yom Kippour, mon grand-père et l'héritage de la résistance : lettre depuis la flottille pour Gaza

Embarqué à bord de la Global Sumud Flotilla, j'ai écrit cette lettre peu de temps avant d'être intercepté par les autorités israéliennes. Je me suis joint à cette flottille comme n'importe quel autre : pour défendre l'humanité, avant qu'il ne soit trop tard. Mais en écrivant en ce jour de Yom Kippour, je me me suis rappelé que je suis également ici parce que mon héritage juif l'exige. 

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Embarqué sur une flottille pour Gaza, j'ai écrit des missives régulières au cours du trajet. J'ai écrit cette lettre peu de temps avant d'être intercepté par les autorités israéliennes, le 30 septembre 2025. Depuis, j'ai par ailleurs témoigné des conditions d'incarcération en Israël et notamment de mon traitement en tant que juif par les autorités israéliennes. 

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Aujourd'hui, je vous adresse une lettre très personnelle, une lettre sur ce que signifie pour moi être juif dans le cadre d'une mission qui doit arriver dans la « zone rouge » pendant Yom Kippour, le jour le plus sacré du calendrier juif.

Je n'écris presque jamais « en tant que Juif ». Je partage l'épuisement d'être obligé de faire passer les sentiments juifs avant tout, alors qu'un génocide a été commis au nom de « l'intérêt national » sioniste et que des militants ont été détenus, torturés et expulsés au nom de notre « sécurité ».

Mais aujourd'hui, je me suis senti obligé d'écrire dans ce registre, en tant que l'un des seuls Juifs de cette mission qui rassemble plus de 500 personnes de plus de 40 pays à travers le monde.

Je pense que le moment choisi pour notre flottille n'est pas une coïncidence. Au contraire, je pense que c'est une bénédiction que nous approchions de l'interception au début de Yom Kippour, notre jour annuel d'expiation, qui nous invite à réfléchir à nos péchés et à ce qui peut être fait pour les réparer dans l'esprit du tikkoun olam.

Comment pouvons-nous expier ce qui a été commis en notre nom ? Comment pouvons-nous demander pardon pour des péchés qui se multiplient d'heure en heure, alors que les bombes et les balles pleuvent sur Gaza ? Comment pouvons-nous prendre au sérieux notre mission de « guérir le monde » alors que l'État d'Israël est si déterminé à le détruire ?

S'il y a une partie de la Torah dont je me souviens encore, c'est bien cette obligation qu'elle nous impose : « Tu rechercheras la justice, rien que la justice. » Comment pourrions-nous rester les bras croisés alors que l'État d'Israël pervertit cette obligation sacrée, supervisant un holocauste du peuple palestinien ?

Je me suis joint à cette flottille comme n'importe quel autre délégué : pour défendre l'humanité, avant qu'il ne soit trop tard. Mais en ce jour de Yom Kippour, je me rappelle que je suis également ici parce que mon héritage juif l'exige. 

Alors qu'il n'était encore qu'un adolescent, mon grand-père Jacques Adler [voir photo ci-dessous] a rejoint la résistance parisienne contre les nazis, risquant sa vie pour saboter leurs opérations alors même que ses amis et sa famille étaient envoyés à la mort dans les camps de concentration. 

Illustration 1

C'est la tradition à laquelle je suis appelé, et la définition de la « justice » qui me semble fidèle à mon identité juive — car la même rage génocidaire qui a visé mes ancêtres est aujourd'hui reprise par ses principales victimes.

Yom Kippour est un jour de jeûne, une manière de manifester notre expiation sous une forme physique. Mais depuis deux ans, les habitants affamés de Gaza n'ont d'autre choix que de renoncer à leur pain quotidien.

Si les forces israéliennes nous interceptent le jour de Yom Kippour, qu'elles voient alors à quoi ressemble une véritable expiation. Il ne s'agit pas de jeûner confortablement pendant que leurs voisins meurent de faim. Il ne s'agit pas de prier en toute sécurité pendant qu'elles larguent des bombes sur leurs têtes. L'expiation passe par l'action.

Alors que le soleil se couche ce soir et que le jeûne commence, j'espère que mes frères juifs se joindront à moi pour redéfinir leur approche de l'expiation, par une prière silencieuse et par une action courageuse visant à mettre fin à cet horrible génocide.

G'mar chatima tova.