«Écrire, penser, représenter, chorégraphier la violence, se situer en son sein, la regarder en face ou de biais, la prendre à revers, est-ce une façon d’y survivre, de se sauver, de se réparer soi, de prendre soin de nous?»
En publiant Se défendre - Une philosophie de la violence (Éditions Zones - La Découverte, 2017), Elsa Dorlin dressait un inventaire des pratiques d’autodéfense des minorités, appelant les corps issus des minorités de genre, de race et de classe à se protéger par l'auto défense. Professeure de philosophie politique contemporaine à l’université Toulouse Jean Jaurès, elle travaille une autre histoire des corps à travers la généalogie des rapports de pouvoir modernes. Elle a récemment dirigé l’ouvrage collectif Feu! - Abécédaire des féminismes présents (Libertalia, 2021). Poursuivant sa réflexion sur la complexité des mécaniques de la domination, du sexisme, du racisme et du capitalisme, la pensée d'Elsa Dorlin se tient au plus près des résistances saisies à l’échelle de la chair, des muscles et des sens.

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Séminaire Elsa Dorlin: Travailler la violence - Rencontre au Centre national de la danse
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Chorégraphie de la puissance par Elsa Dorlin
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Pressure area / Zone de pression par Elisabeth Lebovici
«Zone de pression: des mots empruntés à un manuel d’ameublement de bureau traitant des façons de rendre tangible le “quotient de pouvoir” de celleux qui l’occupent. Avec ce titre, trouvé dans l’extraordinaire ouvrage de photocopies en deux volumes qu’elle a publié récemment, je veux dire l’histoire de l’artiste Cady Noland. Faire sa connaissance me paraît urgent et indispensable pour “Travailler la violence”. Entre 1984 et 1999, Cady Noland expose sans relâche les zones de pression du capitalisme colonial et patriarcal. Vers 2000, elle arrête l’art pour mobiliser la loi, poussant la critique jusqu’à réclamer son effacement, en tant qu’autrice, d’un travail auquel elle conteste le statut d’œuvre. Le travail de Cady Noland mobilise la violence dans la production comme dans la réception des objets fabriqués. Il dévoile également la violence structurelle des mondes de l’art contre et avec laquelle Cady Noland bataille.»
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Violences sourdes, violence figurée par Sandra Lucbert
«Le discours hégémonique veut nous convaincre que les violences physiques ont le monopole des atteintes physiques. Mais la violence des rapports sociaux, et celle de leur habillage discursif, atteignent les corps tout autant. La psychanalyse nous apprend que les violences subies, quand elles restent sans contours, sans cause aperçue, nommée et figurable, sont impossibles à repousser, produisent la corrosion impitoyable de
qui les subit. Ainsi celles du capitalisme financiarisé. Je m’appuierai sur quelques situations marquantes, depuis l’incendie de Lubrizol jusqu’aux Assises de la santé mentale, pour travailler la violence qui s’y exerce effectivement mais n’est pas reconnaissable comme telle. Et pour indiquer l’un des pouvoirs de la littérature. La littérature peut s’occuper de ces malversations langagières routinisées qui infigurent ou défigurent. Elle sait attraper les enchaînements signifiant automatiques, les démonter, et mettre en évidence les mécanismes qu’ils rendent méconnaissables. Travailler la violence par la littérature, c’est œuvrer à la rendre figurable, à faire surgir les mécanismes structurels qui la produisent. Et ce faisant: contribuer à déchirer la camisole symbolique qui paralyse la riposte.»
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Se rendre ou rendre la violence par Kaoutar Harchi
Vers où va la violence? De quelles manières dirige-t-elle les esprits, les corps, les existences? Est-il possible de rediriger la violence? Selon quelles orientations? Quelles méthodes? Comment rendre la violence? Et que rend-on en la rendant? Ce rendu demeure-t-il une violence? Partant de ces quelques questions, l’écrivaine et sociologue Kaoutar Harchi propose de penser l’écriture autobiographique minoritaire en
tant que travail d’extériorisation des violences historiquement intériorisées. Ainsi, en revenant sur le processus de composition du récit Comme nous existons (Actes Sud - 2021), Kaoutar Harchi suggère de penser l’écriture de soi comme forme offensive qui emprunte, notamment, le chemin de la dénomination. Nommer les choses comme forme de réarmement collectif.
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Ne pas toucher / Rien d’intouchable par Catherine Malabou
Catherine Malabou s’interrogera sur la violence qui accompagne nécessairement toute analyse de la violence. Celle-ci doit
en effet nécessairement couper, mutiler, choisir et ce faisant aussi réprimer. Situation particulièrement tendue dans le «féminisme» lorsqu’il s’agit de travailler les violences faites... à qui? Qui sont les sujets du féminisme aujourd’hui? J’écris: clitoris. Qui en a un? Qui n’en a pas? Catherine Malabou parlera des voix que l’on est obligé.e de faire taire quand on parle. De cette violence là. Et de comment faire le moins de mal possible, si possible, quand on parle, quand on écrit, quand on entend des voix.
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Elsa Dorlin : biographie, actualités et émissions France Culture
Chaîne Vimeo du Centre national de la danse
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Novembre 2023 - Nouveau podcast en trois épisodes:
Elsa Dorlin et Gisèle Vienne poursuivent une réflexion sur les cadres de la perception de la violence. Elles travaillent la violence à l’aune d’une réflexion sur l'histoire et la philosophie de la danse.