
Les nuits de France Culture - Claude Régy, l'état d'incertitude
«L'acteur est le pivot qui supporte le texte et à partir duquel le texte rayonne, peut s'amplifier, déboucher à l'infini dans des représentations imaginaires. C'est ce travail-là que j'essaye de faire. J'essaye de marquer ma différence avec ce qu'on appelle d'habitude la mise en scène, et peut-être ce qu'on appelle d'habitude le théâtre. C'est une position tout à fait personnelle, particulière et qui est vraiment marginale.»
Claude Régy est né à Nîmes en 1923. Après avoir suivi des études de Droit et Sciences politiques, il s’oriente vers l’art dramatique et se forme auprès de Charles Dullin et Tania Balachova. Sa famille protestante installée dans le Tarn-et-Garonne ne l’avait pourtant pas encouragé à poursuivre ses rêves de fiction et de lumières. Ses parents lui coupent les vivres, contraignant l’aspirant metteur en scène à vivre de petits boulots. Il commence sa carrière au théâtre en tant qu’assistant de l'acteur et metteur en scène Michel Vitold au Théâtre de l'Atelier.
«Je suis allé au bout de quelque chose et peut-être au-delà.»
C’est en 1952 qu’il présente sa première mise en scène, Doña Rosita du dramaturge espagnol Federico Garcia Lorca, au théâtre des Noctambules du quartier latin à Paris. Très vite, Claude Régy s’intéresse aux auteurs contemporains, français ou étrangers, ouvrant le champ du répertoire dramatique. Il monte plusieurs œuvres de Marguerite Duras comme Les Viaducs de la Seine-et-Oise ou L'Amante anglaise, d’Harold Pinter: le Retour, de Nathalie Sarraute: Isma et Elle est là, d’Edward Bond: Sauvés ou encore de l'autrichien Peter Handke: La Chevauchée sur le lac de Constance, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition et Par les villages, avec qui il entretient une relation parfois tumultueuse.
«Avec Peter Handke, je n'ai jamais pu vraiment parler. La parole avec lui est différente. Il est capable d'un amour et d'une douceur incroyable, mais il peut aussi être d'une violence et d'une méchanceté corrosives.»
Dans ses spectacles, peu de décor et une attention portée aux jeux de lumière, car «le spectacle n'a lieu que dans l'imagination du public», aimait-il à expliquer. Ainsi, comme il l'écrivait dans l'État d'incertitude (les Solitaires intempestifs, 2002), cette mise en scène permettait d'engager différemment l'attention du spectateur et de créer une expérience esthétique propice à une compréhension nouvelle du texte joué.
«Mettre le spectacle dans l'ombre et parler très bas, c'est faire bouger pour l’œil, pour l'oreille, les seuils de perception. (...) Nous vivons dans un réglage de seuils moyen, qui convient pour la vie courante, comme notre langage convient pour la vie courante, mais il y a une autre manière d'utiliser le langage, et donc une autre perception du monde sans doute qui pourrait s'explorer en dehors des seuils qui sont les nôtres habituellement. En faisant travailler une ouïe plus subtile et moins utilitaire, peut-être entendra-t-on autrement.»
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Et encore:
Claude Régy à propos de la lenteur - Des mots de minuit, programme TV (1999) - Archive INA
Claude Régy - Textes publiés aux Solitaires intempestifs
Et aussi:
Claude Régy, autoportrait d'un maître qui ne voulait pas l'être - Hors Champs, programme en cinq épisodes sur France Culture (2012)
Je sens que je cherche comme une bête obscurément quelque chose - Premier volet de cinq entretiens avec Laure Adler sur France Culture (2006)
Nul mieux que Régy - David Tuaillon le 13 février 2020 dans AOC média (créer un compte lecteur pour accéder gratuitement à un article par mois)
Claude Régy: «Je suis allé au bout de quelque chose et peut-être au-delà» - Alexandre Demidoff le 24 février 2017 dans le quotidien le Temps
Claude Régy (4.48 psychose) Sarah Kane ou le théâtre de Caïn - Entretien avec Yan Ciret (2002-2003, texte repris en 2019)