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Billet de blog 16 novembre 2022

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Hanouna vs Boyard: au-delà de l'écume du buzz...

Ce texte était une réaction au billet de Gilles Kujawski sur l'incident Hanouna vs Boyard. C'est devenu une réponse plus développée, où je mets mon grain de sel, en demandant si on ne risque pas de retrouver nos deux pitres, ou leurs clones, face à face au second tour de l'élection présidentielle 2032... Je n'ai pas de réponse, mais j'ai des questions!

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A propos du "clash Hanouna vs Boyard", j'ai malheureusement l'impression que les deux protagonistes de cet épisode iront loin, surtout...

La prise de contrôle économique et idéologique des grands capitalistes français sur les medias


Dans un univers médiatique profondément vicié par le Grand capital, qui a réduit l'essentiel de la profession au rôle de monteur d'informations marchandisées, produisant des séquences standardisée par la faute de l'accélération et de la réduction du format des "reportages" et "articles". On produit désormais de l'info comme on produit des saucisses dans les usines Herta...


Tout ça limite l'expression politique médiatique à un ramassis de lieux communs manichéens où aucune analyse approfondie, aucun recul critique, n'a sa place. (Noam Chomsky l'a démontré de façon imparable: en 600 mots, il est absolument impossible de développer une pensée subtile ou complexe).


Une fois le forfait de cette rationalisation économique accompli, il ne reste plus qu'à imposer une ligne éditoriale réactionnaire pour conditionner les masses à l'individualisme forcené et/ou au rejet des minorités. Le communautarisme exacerbé par les réseaux sociaux permet, en plus, de libérer une parole encore plus radicale dans la haine pure des "minorités" (qui incluent les femmes dans notre société encore bien trop patriarcale!), provoquant en réaction des radicalisations communautaires parmi ces minorités. Bolloré, Arnaud, Niel et consorts boivent du petit lait...

Hanouna et Boyard, des prototypes du "courtisan 2.0"


Leur petit laquais de l'Elysée, autre grand malade, participe avec délice à cette entreprise de désintégration de la pensée critique et de la volonté collective, âme de la démocratie, car ses sophismes, sa rhétorique opportuniste et creuse, sont des armes de destruction massive de toute réflexion politique articulée. Et depuis son minaret télévisuel, il peut librement et régulièrement travestir le sens des mots, le sens du réel, afin de briser tout concept même de critique efficiente (les "Amish" vs le "progrès", par exemple...).


Dans de telles conditions, dans ce microcosme désormais totalement détaché des véritables  préoccupations de la grande majorité de la population (la santé, l'alimentation, l'éducation, le logement, un revenu décent, la pérennité de la civilisation humaine...), pour progresser il faut faire le buzz. Et peu importe qu'il soit bon ou mauvais.


En terme de stratégie politique et médiatique, nos deux protagonistes ont donc marqué des points pour une ascension "prometteuse". Si j'étais un brin provocateur, je poserai la question suivante: "N'aurions-nous pas assisté au 1er round du débat présidentiel du Second tour de l'élection présidentielle de 2032, ou pire encore, de 2027?" Si nous ne parvenons pas à trouver de véritable réponse politique, collective, organisée et intellectuellement autonome du Capitalisme agonisant et cannibale, je pense que Hanouna pourrait bien être notre Trump.


La boucle serait alors bouclée, et les grands capitalistes français auraient réussi le tour de force de recréer une nouvelle monarchie absolue, utilisant les médias qu'ils possèdent comme Louis XIV utilisa la Cour de Versailles: recruter des courtisans divertissants et serviles, qu'on présente comme une élite, afin d'ancrer un sentiment d'impuissance parmi le reste de la population.

Quelle stratégie pour imposer la solidarité, la fraternité/sororité comme valeurs fondatrices du nouveau contrat sociale?


Nous avons donc besoin de construire une réponse "de la vie" face à ce capitalisme mortifère, dans les conditions de réflexion indépendante, d'organisation autonome et démocratique, afin d'ancrer la fraternité/sororité comme valeur fondamentale parmi une portion la plus large possible de la population. C'est la condition de nouvelles mobilisations collectives conquérantes pour les droits sociaux et la défense de notre planète.

Une telle "réponse de la vie" , par essence, ne pourra pas se construire à la seule échelle de la France, et ne pourra qu'être internationaliste.


C'est pourquoi tous les outils qui sont à notre disposition doivent être saisis, malgré leurs évidentes imperfections: les organisations syndicales, les associations de défense de l'environnement, les services publics pas encore morts, la presse indépendante du Grand capital. Ces outils devront être dépassés, cela me paraît également évident, afin de construire et pérenniser nos victoires futures...

Vive la presse libre, même quand on est loin d'être d'accord avec sa ligne éditoriale!


Cette presse indépendante financièrement était un point majeur du programme du Conseil National de la Résistance, un texte de référence, à dépasser, lui aussi, mais à intégrer dans notre réflexion, car il était un programme politique et social "holiste" qui doit nous inspirer pour ça, l'heure est à l'audace!


Cela justifie à mes yeux mon abonnement à Mediapart, car malgré les fréquents désaccords politiques que je peux avoir avec la ligne éditoriale de ce journal, j'y trouve des articles longs, qui poussent à la réflexion. Plusieurs salariés de ce journal mènent un puissant travail de vulgarisation de la réflexion théorique, et le Club reste ouvert à des expressions radicales et développées, parfois sur des milliers de lignes. 


(C’est ici que je juge opportun de placer une petite demande de ristourne pour mon abonnement… ;-) )

Conclusion: quelles conséquences politiques tirer de ce médiocre moment politique?


Est-ce que Louis Boyard a apporté une pierre à l’édifice de cette réponse basée sur la solidarité internationale? Non.


Etait-ce seulement envisageable dans ces conditions, c’est-à-dire en direct du théâtre d’ombre de Vincent Bolloré, encadré par son sinistre petit kapo ? Non.


Je pense que la FI a un problème de stratégie évident que révèle cet épisode : elle n’a pas l’assise sociale et organisationnelle dont elle a besoin pour accéder au poids politique auquel elle aspire. Elle n’en est pas entièrement responsable, ce n’est pas là que se situe mon reproche. Mon reproche à la FI, c’est que plutôt que de tâcher d’étendre cette assise, en devenant plus ouverte et démocratique, trop de «  ses « dirigeants » considèrent que l’accès aux médias capitalistes est un moyen essentiel pour gagner en audience politique. 


S’il y avait un bureau politique, ou un autre truc vaguement démocratique de ce style à la FI, il devrait se réunir et discuter d’une conclusion à tirer de ce triste épisode : arrêter les frais, a minima  avec Bolloré, et communiquer ouvertement là-dessus, en dénonçant le rôle des médias bolloréens dans la création d’un climat de guerre civile dans le pays. Une telle décision est-elle envisageable ?

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