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Billet de blog 30 octobre 2015

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Le programme social du FN en action : 13 degrés dans les classes de maternelle pour les enfants des écoles publiques

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cela fait maintenant 19 mois que notre ville est administrée par une équipe qui s'était présentée durant la campagne électorale comme une liste de « vraie droite », mais dont le maire a ensuite rejoint le Front National (1), pour lequel il a été candidat aux élections départementales de ce printemps. Alors, comment c'est de vivre dans un village transformé un peu malgré lui en commune périurbaine, dans le département qui a constitué une des principales bases militantes de la « manif pour tous », avec une municipalité d'extrême-droite ?

Je n'ai pas la prétention de traiter le sujet dans son intégralité, d'une part car cela pourrait alimenter un long essai, d'autre part car il y a certaines choses auxquelles il vaut mieux réfléchir avant de les rendre publiques. D'une part parce que le huis clos villageois a alimenté des rancœurs dont on ne prend conscience qu'année après année. D'autre part parce que les pratiques détestables de l'extrême-droite, via ses nervis (réels ou virtuels) catalysent ce qu'il y a de meilleur en chacun de nous (insulte, délation, rejet des autres, paranoïa...).

Malgré tout, un petit bilan municipal s'impose dans un domaine, pour lequel je suis un peu documenté, c'est la politique scolaire de cette mairie FN.

L'obligation de procéder discrètement pour mettre en œuvre le programme de l'extrême-droite dans le domaine scolaire

Avant de décrire les évolutions dans ce domaine il est nécessaire de préciser que la politique scolaire a été le fleuron des politiques municipales, que le maire soit de « droite » ou de « gauche ». Que la volonté soit d'attirer de nouveaux habitants ou de satisfaire des objectifs sociaux, cela a permis que la dotation municipale versée aux écoles par élève soit l'une des plus élevées de la région (100€ par enfant scolarisé!). C'est un confort dont tout le monde se félicite : ainsi personne n'a à dépenser de l'argent pour les fournitures scolaires à la rentrée, qui sont donc financées par la collectivité. Et la nouvelle municipalité est assez maligne pour comprendre qu'il est hors de question de s'en prendre frontalement à ce principe.

D'autre part, vivant à quelques kilomètres d'Orange, administrée depuis 20 ans par le clan Bompard, tout le monde ici connaît l'état de délabrement des écoles publiques de cette ville, ce qui nous rend d'autant plus vigilants sur ce point. L'autre point indispensable à mettre en avant est que l'extrême-droite est arrivée au pouvoir en étant minoritaire (36,6% des voix au deuxième tour), par la grâce d'une triangulaire qui mériterait à elle-seule de longs développements, hors de propos ici. Tous ces facteurs incitent donc à préserver les apparences d'un attachement au bon fonctionnement des écoles publiques laïques de la ville.

Malgré cela, le choix des personnes donne une première indication assez claire des orientations idéologiques de l'équipe municipale. Le « directeur général des services » (DGS) est Yann Baly, qui a été le secrétaire général de Chrétienté-Solidarité (2), une association catholique traditionaliste, et le délégué aux affaires scolaires est Jean-François Leroy, qui était auparavant membre du bureau de L'OGEC (Organisme de gestion des écoles catholiques) de l'école privée de Camaret sur Aigues. A priori on peut nourrir quelques doutes sur leur attachement au service public et laïque d'éducation, mais même François Mitterrand a fini par gagner la Résistance, donc tentons de surmonter nos préjugés, et jugeons sur pièce...

Les errements de l'Éducation nationale précarisent systématiquement les structures pédagogiques dans les écoles

Quelques semaines après son élection, le maire a fait face au rituel de fin d'année scolaire que connaissent toutes les écoles dont les effectifs sont proches d'un multiple de 25 (en France, c'est le seuil statistique pour créer une classe dans le primaire, soit quasiment deux fois l'effectif d'une classe finlandaise...). Ce qui est le cas des trois écoles publiques de la ville.

La dramaturgie de ce rituel est bien huilée :

Premier temps : l'Inspection académique sous-évalue le nombre de futurs inscrits, et décide, lors d'un comité technique paritaire printanier, de fermer (ou de ne pas ouvrir, selon les cas) une classe.

Deuxième temps : les équipes pédagogiques, les parents d'élèves et la municipalité se mobilisent (pétition, occupation d'école, sit-in à l'Inspection académique...)

Troisième temps : l'IA répond que tout se jouera sur la quantité d'élèves inscrits en septembre (s'il y a 174 élèves, 6 classes, s'il y en a 175 7 classes...)

Quatrième temps : à l'approche de la rentrée, le nombre d'inscrits effectifs, à la surprise générale, est supérieur à la prévision scientifiquement étudiée de l'IA, et il faut alors ouvrir ou rouvrir une classe...

Des errements instrumentalisés par la municipalité FN pour se donner le beau rôle dans la politique scolaire...

Comment la nouvelle équipe a-t-elle assumé son rôle dans ce petit jeu?

La première année, cela a concerné l'école maternelle et les écoles élémentaires. Le maire, fraîchement élu, a assuré le service minimum, c'est à dire qu'il est venu soutenir un rassemblement-occupation symbolique de l'école maternelle, et a invité ses administrés, par le biais d'un affichage discret au Point Information jeunesse et à la crèche municipale, à se dépêcher d'inscrire leurs enfants à l'école maternelle. L'opération de communication est ensuite relayée dans le journal municipal du mois de juin.

Les apparences de l'attachement à la qualité et au confort de la scolarisation des élèves de maternelle ont donc été préservées, pour des raisons politiques évidentes, décrites plus haut.

alors qu'elle diminue en réalité les effectifs d'ATSEM*

Cependant les choses se sont vite gâtées. En effet, à la rentrée scolaire, la 7e classe de maternelle a finalement été maintenue (3). Mais la municipalité n'a pas, pour sa part, maintenu le 7e poste d'ATSEM (4) pour assurer l'encadrement des enfants. Les enseignants et les parents d'élèves ont dû se mobiliser (interpellations devant le conseil d'école, pétition signée par toutes les familles d'enfants scolarisés dans l'école maternelle) pour finalement obtenir un demi-poste. Il a donc fallu mettre en place un roulement pour permettre aux classes de moyenne et de grande section de bénéficier équitablement de cet encadrement inférieur.

La situation s'est à nouveau dégradée avec l'arrêt longue maladie d'une des ATSEM, qui n'a pas été remplacée par la municipalité. On est donc passé, de juin 2014 à octobre 2015, de 7 à 5,5 ATSEM pour 7 classes de maternelle.

Les nuisances de la conjonction des mauvaises volontés académique et municipale affectent aussi les élèves des écoles élémentaires

Par ailleurs, la génération 2006 étant particulièrement nombreuse (5), il a fallu, chaque année, créer une classe supplémentaire (petite section, moyenne section, grande section, CP, CE1, CE2), et chaque année, il a fallu arracher cette structure à l'Inspection académique. La rentrée 2014 n'a pas fait exception, avec l'ouverture d'un 3e CE2 décidé la semaine de la rentrée... La particularité de Camaret sur Aigues est que ces classes de CE2 se répartissent entre deux écoles élémentaires (une école accueillant les élèves de cycle 2 [CP-CE], l'autre plutôt les élèves de cycle 3 [CM], mais avec au moins un CE2), et qu'il a donc fallu organiser un transfert d'élèves entre les deux écoles pour créer cette nouvelle classe (finalement un double-niveau CE1-CE2). Entre temps, les fournitures des élèves de cette classe semblent s'être volatilisées, et il a fallu attendre la mi-octobre pour que ces élèves bénéficient de tout le matériel nécessaire à leur scolarité, car la mairie a fait traîner les commandes.

Restriction masquée des dépenses par élève

Durant l'année scolaire 2014-2015, la municipalité a continué à préserver les apparences de la continuité par rapport aux politiques des équipes précédentes : la dotation par élève a été maintenue à son niveau élevé. Cependant, cette réalité officielle cache des restrictions budgétaires officieuses : en effet le budget photocopies des écoles a été transféré des comptes de la ville vers le budget des écoles, ce qui a abouti, d'après le calcul des enseignants d'une des écoles, à retrancher 9€ de dotation par élève, soit une baisse réelle de 9% de la dotation par élève des écoles publiques.

Par ailleurs, si la municipalité se sent obligée de maintenir la gratuité des activités périscolaires des TAP (temps d'accueil périscolaire), décidée par la municipalité précédente, elle utilise des moyens de communication informels (remarques en commission de suivi, remarques de parents d'élèves proches de la municipalité) pour faire savoir que cette gratuité n'est pas un dû. Au vu de la communication municipale sur le scandale, authentique, de la diminution des dotations des collectivités territoriales par l'État qui leur a transféré une multitude de missions, nous sommes inquiets pour la pérennité de cette mesure de justice sociale (6).

Une autre mesure qui coïncide avec l'arrivée du FN à la mairie est la suppression des heures d'étude. Dès la rentrée 2014, le système de ticket à 2€30 pour une séance d'étude surveillée par les enseignants des écoles élémentaires a été supprimé, prétextant la mise en place des TAP, qui provoquait l'avancée de l'heure de sortie de cours le mardi et le vendredi. Cette formule permettait à des familles n'ayant pas les moyens d'aider leurs enfants dans le travail scolaire de les faire encadrer pendant une heure par un enseignant pour leurs devoirs. La CAF pouvant fournir une aide financière, le coût de telles séances était extrêmement modique pour toutes les familles.

La municipalité a affirmé qu'en fait elle mettait en place une amélioration, puisque les enfants restant à la garderie le soir pouvaient bénéficier gratuitement d'une aide au devoir sous la surveillance d'un agent municipal non-enseignant...

Les négligences concernant la question du chauffage des écoles publiques, dont les enfants et les personnels des écoles publiques payent les conséquences

Durant la semaine de cours précédent le début des vacances de la Toussaint (semaine du 12 au 16 octobre) les températures extérieures ont fortement chuté, comme Météo France l'avait annoncé une semaine auparavant. Ce rafraîchissement s'accompagnant d'un mistral vigoureux, qui aide le froid à s'engouffrer dans les bâtiments mal isolés, ce qui est le cas des écoles de Camaret, comme celui de milliers d'écoles dans le pays, les températures ont fortement baissé dans toutes les salles de classe publiques de la commune. Faisant ce constat le lundi 12 octobre au matin, Jean-François Suc, le directeur de l'école maternelle, a demandé la mise en route immédiate du chauffage. La mairie n'a donné aucune réponse à cette demande, et aurait même donné une consigne inverse le mardi à l'entreprise prestataire du chauffage, selon l'employé qui était venu mettre en route le chauffage du centre de loisirs de la ville le mercredi.

La multiplication des coups de téléphones et des déplacements à la mairie de parents d'élèves excédés n'ont guère semblé émouvoir la municipalité avant le jeudi. La température avait alors atteint 13 degrés dans certaines classes de l'école maternelle (moyenne et grande sections, des enfants de 4 et 5 ans...), d'après les enseignants ! Dans toutes les écoles de Camaret, dans toutes les classes de l'école publique, des enfants ont dû garder leurs manteaux et autres doudounes pour suivre les cours le jeudi 15 et le vendredi 16 octobre.

Ce n'est donc que le jeudi que la municipalité a montré un signe de vie, après qu'une mère d'élève s'invite à une réunion à laquelle participait le DGS. C'est elle qui souffle au DGS l'idée insensée de placer des chauffages d'appoint, afin de compenser partiellement l'absence de chauffage central. C'est ce qui fut fait par les services techniques dans la journée du jeudi, priorité étant donnée aux salles de classe et aux dortoirs de petite section de maternelle. Mais vendredi matin, patatras ! Les chauffages d'appoint font tout disjoncter.

Finalement, le système de chauffage central des écoles ne sera mis en route que durant les vacances, ce qui était initialement prévu, et les ATSEM ont donc continué de travailler dans le froid pendant les deux jours de permanence de la première semaine des vacances.

La multiplication d'écrans de fumée pour masquer des dysfonctionnements, le FN est finalement un parti comme les autres...

La « gestion de crise » de la mairie a été la suivante :

Dans un premier temps, on ne fait rien... Malgré les prévisions de Météo France datant au plus tard du mercredi de la semaine précédente, rien n'a été anticipé. L'entreprise prestataire du chauffage n'est contactée qu'en début de semaine pour lancer le chauffage... du centre de loisirs. Le lundi passe, le directeur de l'école maternelle envoie une demande, on fait les morts. Le mardi passe, les parents d'élèves passent des coups de fil, on fait les morts. Le mercredi passe, les parents d'élèves envoient des mails, passent des coups de téléphone, on fait les morts. Le jeudi, on ferait bien les morts, mais on est dérangé en réunion par une mère d'élève, alors il faut bien faire quelque chose...

Dans un deuxième temps, on essaie de réparer les dégâts politiques avec des jolies fables... À partir du vendredi, la mairie se rend compte que la colère monte. Le service communication publie un communiqué sur la page Facebook de la mairie, dont voici la teneur :

« CHAUFFAGE DE LA MATERNELLE : LA MUNICIPALITÉ VOUS INFORME

Face à la chute rapide des températures, la municipalité a immédiatement pris contact avec la société chargée du chauffage des bâtiments municipaux. En effet, pour d’évidentes raisons de sécurité, la mise en service des chaudières ne peut être réalisée que par les professionnels d’une entreprise agréée.

La mise en fonction de la totalité des chauffages n’étant pas possible avant la fin de la semaine, la municipalité a décidé en urgence de mettre à disposition de l’école maternelle accueillant les tout-petits des chauffages électriques d’appoint. La montée en température par le chauffage central nécessite en effet plusieurs jours et n’aurait donc pas été suffisante pour assurer le confort des enfants. Par ailleurs, il faut savoir que les autres écoles n'ont sollicité la mairie que jeudi matin.

Or, le réseau électrique n’étant pas en mesure de supporter sept radiateurs allumés simultanément, les services techniques de la commune ont demandé à l’école d’organiser ce raccordement, par ordre de priorité, d’abord dans les petites classes, aux dortoirs et au réfectoire… Il va sans dire que le chauffage central sera totalement rétabli pour la rentrée après les vacances de Toussaint. Nous prions les parents de bien vouloir nous excuser pour ce désagrément.

Par ailleurs, contrairement aux rumeurs colportées par certains esprits malveillants, et pour les mêmes raisons qu’énumérées ci-dessus, l’Hôtel de Ville n’est pas non plus chauffé. A titre d’exemple, la température culmine actuellement à 15° dans le bureau du maire.

Le service communication »

Dans le même temps, on fait circuler de façon informelle des rumeurs selon lesquelles la situation serait la même dans toutes les communes voisines. Vérification faite, c'est faux. On prend soin de préciser que la mairie est coincée par un prestataire débordé, que la municipalité précédente avait engagé. Cette tendance à se défausser sur les autres de leurs responsabilités, tout en s'appropriant les initiatives des autres, caractérise le communiqué municipal : la faute à la chute rapide des températures, la faute à une entreprise pas assez réactive, la faute à des directeurs d'école qui n'ont demandé le chauffage que le jeudi. On déplorera l'absence de réponse sur les vraies questions que se sont posées les parents d'élèves et les travailleurs sur site :

  • Sachant que le système de chauffage central nécessite une période notable de mise en chauffe, pourquoi l'entreprise prestataire n'a-t-elle pas été contactée dès que Météo France a annoncé la baisse de température ?

  • Pourquoi les demandes de mise en route de chauffage ont-elles été superbement ignorées jusqu'au jeudi ?

  • Pourquoi l'entreprise prestataire a-t-elle pu mettre en route le chauffage du centre de loisirs dès le mercredi, et pas au moins entamer la période de préchauffage pour le reste ?

Tout cela laisse une impression de charlatanisme et de déni, qui caractérise parfois (souvent?) le comportement du personnel politique à tous les échelons. Cela permet de réaliser à quel point le FN n'est en rien une rupture si on cherche à mettre fin à la médiocrité du personnel politique. Finalement, en ne s'attachant qu'à cet angle d'analyse, on pourrait dire que le FN semble bien « normal », un peu moins compétent à cause de son inexpérience, que dans beaucoup de collectivités territoriales, étranglées par l'État, et qui sacrifient en priorité les dépenses sociales. Sauf que...

Les petits arrangements avec la laïcité, ou comment soutenir discrètement l'enseignement catholique et le communautarisme …

Sauf que ces restrictions et ses négligences, outre qu'elles s'accumulent (le « coût » annuel moyen d'un élève camarétois a ainsi diminué de 28 € en deux ans), coïncident avec une politique pleine d'égards vis-à-vis de l'école privée catholique de la ville, ainsi qu'une approche pour le moins particulière de la laïcité.

Tout d'abord l'école Saint-Andéol, bénéficie de la sollicitude de la mairie. Par exemple, alors que lors du vote des subventions, il est proclamé au conseil municipal qu'il faut accorder un traitement équitable aux enfants de la ville scolarisés, que ce soit dans le public ou dans le privé, ce qui impose de ne subventionner l'école privée qu'à la hauteur des enfants de Camaret qui y sont scolarisés (7), mais durant un autre conseil municipal, on vote une subvention « exceptionnelle » pour une classe verte organisée par l'école privée. Par la grâce de cette subvention exceptionnelle, la commune a ainsi fourni une aide financière de 46,02€ par élève du privé pour les sorties scolaires, alors qu'elle n'est que de 30€ par élève du public. Sachant que cette classe verte est une réponse commerciale à la classe verte organisée tous les ans par l'une des écoles élémentaires publiques, on prend conscience de la difficulté de certains représentants de la municipalité à distinguer le bien commun de l'intérêt de leur réseau.

D'autre part, la municipalité FN a pris une mesure qu'on peut juger a priori positive, celle de faire revenir la cuisine centrale sous régie municipale suite à des manquements de la société sous-traitante par rapport aux engagements qu'elle avait pris pour emporter l'appel d'offres sous la municipalité précédente. Mais cette décision nous est apparue sous un autre jour quand nous avons appris que la cuisine centrale sous régie municipale, donc financée par la collectivité, fournit depuis la rentrée 2015 des repas à la cantine de l'école privée. Cela permet à l'école privée de baisser notablement le prix de revient des repas proposés, grâce à des économies d'échelle (les prix par repas sont plus intéressants pour 500 repas par jour que pour une petite centaine), payées par nos impôts. Si cela aboutit à une baisse du prix des tickets de cantine pour tous les enfants de l'école privée, cela revient à faire subventionner par les impôts locaux communaux les repas des enfants inscrits à l'école privée de Camaret, mais qui ne résident pas à Camaret. Si cela ne provoque pas de baisse du prix des tickets, on parle d'un transfert financier des ressources fiscales communales vers les caisses de l'école privée. En tout cas, le principe de la mutualisation des coûts et de la privatisation des bénéfices est bien mise en œuvre dans le domaine éducatif.

Ce soutien discret, mais très efficace, à l'école privée catholique est révélateur des intentions du FN si on le compare aux négligences et aux restrictions qui touchent les écoles publiques.

Comme si cela ne suffisait pas, la municipalité outrepasse la neutralité qu'impose la laïcité dans les écoles publiques. En effet, depuis des années les municipalités successives ont offert, en coordination avec les enseignants de l'école maternelle, un livre à tous les élèves de cette école avant les vacances de Noël. Avant les vacances de Noël 2014, nous avons tous eu la surprise de découvrir que le cadeau de la ville de Camaret était « Titounet et Titounette. Le Noël de Pluchon », édité par les Éditions du Triomphe, maison d'édition proche de l'extrême-droite, mais surtout que ladite BD s'achevait par une scène de la Nativité. Face à la réaction outragée des enseignants et des représentants de parents d'élèves devant ce manquement au devoir de neutralité religieuse, la seule réponse de la municipalité en conseil d'école a été de dire que des familles musulmanes avaient répondu qu'elles n'avaient pas été offensées. Et les familles athées ?

Cette provocation était savamment calculée, car la municipalité ne peut en retirer que du bénéfice politique, idéologique et/ou financier. En effet elle refuse de reconsidérer, jusqu'à présent, l'idée de demander leur avis aux enseignants sur les ouvrages à offrir, et même de les informer de leur titre avant la distribution aux élèves. Donc, il ne reste que deux options pour l'équipe enseignante :

  • soit elle se soumet à l'ultimatum et apporte un soutien passif au prosélytisme catholique de la mairie.

  • soit elle le refuse et les livres ne sont plus offerts dans le cadre scolaire, et demande à la municipalité de distribuer ces livres ailleurs.

Dans le deuxième cas de figure, nul doute que la municipalité utilisera la presse municipale et ses réseaux informels pour accuser les enseignants et les représentants de parents d'élèves de priver les enfants des écoles de leur cadeau. Alors que dans le même temps, elle réduirait ses dépenses pour les enfants des écoles publiques, ce qui était le but recherché...

Un peu de mise en perspective pour conclure

  • Au quotidien les municipalités FN ne valent donc pas mieux que les autres : à court terme elles font des erreurs, mentent effrontément pour les cacher. Leur priorité est de réduire les dépenses sociales, comme c'est le cas malheureusement dans beaucoup de communes. Cette politique s'accompagne d'une stratégie de communication-marketing qui n'a rien à envier à celle des autres partis de l'axe UMPSFN par ses silences coupables et ses demi-vérités assénées comme des évidences.

  • À long terme, l'accumulation de ces « maladresses » fait sens, et c'est là qu'il est indispensable de revenir à l'idéologie qui inspire cette équipe municipale, dirigée par des activistes de l'extrême-droite traditionaliste. Leur objectif est de revenir au « bon vieux temps » de l'Ancien régime, quand l'Église catholique dictait les comportements et les croyances, et contrôlait l'enseignement. À ce titre, l'école laïque doit être combattue, ce qu'ils font discrètement tant qu'ils ne se sentent pas en position de force. Cette tendance ultra-catholique du FN voudrait nous faire revenir 150 ans en arrière, avant la généralisation de l'école gratuite et laïque.

  • Il est également nécessaire de souligner le rôle équivoque de l'État et des pouvoirs politiques nationaux successifs dans les dégradations sociales introduites par ces municipalités : que ce soit par des réformes ineptes et mal réfléchies dans le secteur de l'Éducation, ou par la gestion quotidienne de l'Éducation nationale, où la seule obsession est d'ordre comptable, les politiques éducatives nationales ouvrent les failles dans lesquelles s'engouffrent ces collectivités territoriales profondément réactionnaires pour saper les conditions de travail dans les écoles publiques.

  • Car les objectifs du FN et de ses satellites (Ligue du Sud de par chez nous) en matière scolaire collent tout à fait, à la fois, aux idéologies traditionaliste et ultra-libérale : soutien par tous les moyens de l'école privée, qui est à 95% catholique en France. Cela montre bien l'imposture du discours de pseudo-rupture du FN avec le « capitalisme financier », alors qu'il mène concrètement une politique qui est à la pointe de la régression sociale dès qu'il le peut.

 *Erratum:

Depuis la rentrée des vacances de la Toussaint 2015, grâce à l'obstination des parents d'élèves et de l'équipe pédagogique, l'effectif des ATSEM est revenu à une par classe. Un bémol à apporter à ce succès de la mobilisation: ce n'est désormais qu'à partir de deux agents absents que la mairie veut embaucher un remplaçant. La vigilance est donc toujours de mise dans ce domaine.

Notes :

1- Philippe de Beauregard a travaillé pour la municipalité « tête haute, mains propres » de Toulon sous Jean-Marie Le Chevallier, puis pour la municipalité médiévale d'Orange de Jacques Bompard, qu'il a suivi lorsqu'il a quitté le FN, avant de revenir au bercail depuis qu'il est devenu maire. Le Vaucluse étant sous l'influence des réseaux catholiques intégristes, dont Marion Maréchal la Voilà est proche, les passerelles entre la Ligue du Sud et le FN sont nombreuses, même si les querelles de personnes ne sont pas à négliger. Ces aller-retour de notre édile n'ont donc rien d'extraordinaire.

2- L'attachement au catholicisme traditionaliste de la municipalité s'est manifesté en plusieurs occasions:

- pour les commémorations du 11 novembre 2014, elle a invité un conférencier très particulier : Yves-Marie Adeline, pour disserter sur le déclenchement de la Première guerre mondiale. M Adeline est docteur, mais en histoire de l'art, mais il a surtout été le président de l'Alliance royale, association royaliste légitimiste (les purs, les vrais, ceux pour qui le bon vieux temps, c'était avant 1789, quand même...) de 2002 à 2008.

- le 12 juin 2015, la commune de Camaret et ses habitants ont été consacrés au Sacré Coeur de Jésus (le symbole de ralliement des catholiques intégristes) et mis sous la protection de la Sainte Vierge par le maire.

3- Cette 7e classe suit des cours dans un préfabriqué depuis 2009 grâce à la remise en cause permanente de cette structure pédagogique par l'Inspection académique, qui permet aux municipalités successives de remettre les travaux d'aménagement aux calendes grecques.

4- Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles : personnels territoriaux, en principe formés à l'encadrement de la petite enfance, qui assurent le bon fonctionnement matériel des enseignements. La loi ne les rend obligatoires que pour les classes de petite section, mais de nombreuses municipalités, comme c'était le cas avant 2014 à Camaret sur Aigues, font le choix d'un encadrement supplémentaire sur toutes les années de maternelle.

5- C'est un cas général dans le pays, toutes les générations nées à partir de 2005 ayant dépassé les 800 000 enfants. Ce sont ces générations nombreuses qui arrivent au collège, ce qui explique les motivations budgétaires de la réforme du collège (moins d'heures de cours pour tous les élèves). Pour plus d'informations sur ce point, voir ici :

http://blogs.mediapart.fr/blog/david-l/140915/pour-une-ecole-democratique

6- Là-aussi, force est de reconnaître la responsabilité partagée entre le pouvoir national actuel et les collectivités réactionnaires dans le creusement des inégalités scolaires. La mise en place des TAP, dont les écoles privées ont été opportunément dispensées, a suscité un transfert d'élèves vers l'école privée catholique de Camaret (de 79 à 88 élèves en 2 ans). D'autre part, en ne garantissant pas de compensation financière pérenne à ce surcoût pour les communes, l'État pousse, de fait, les petites communes à transférer la charge du périscolaire vers les communautés de communes, voir ici, encore :

http://blogs.mediapart.fr/blog/david-l/140915/pour-une-ecole-democratique

7- Il est à noter que le soutien financier à l'école privée catholique de Camaret était déjà supérieur à l'obligation légale, dans la mesure où les municipalités ne sont tenues de subventionner que les élèves dont la scolarisation est obligatoire (à partir de 6 ans), et que la commune de Camaret a subventionné tous les élèves scolarisés dans le privé, y compris les élèves de maternelle, depuis de longues années.

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