ParcourSup est une plateforme de mise en relation entre des étudiants et des formations. Les formations reçoivent les dossiers des étudiants et les classent selon des critères qui leur sont propres. Ces critères, que normalement chaque formation affiche, peuvent se baser sur les notes et sur les courriers de motivations. Ensuite, la plateforme appelle les candidats par rang de classement par les formations, plus quelques subtilités (elle remonte des candidats pour faire respecter des quotas d’étudiants boursiers et d’étudiants locaux, etc.). Le processus algorithmique simple mis en œuvre par la plateforme est décrit dans des documents du Ministère chargé de l’enseignement supérieur (documents dont je soupçonne que l’immense majorité des gens qui s’expriment dans les médias au sujet de ParcourSup ne les ont pas lus).
Les formations examinent les dossiers en prenant en compte les notes qu’elles estiment pertinentes par rapport à leur cursus (on peut par exemple soupçonner qu'une formation d’informatique prendra en compte français, maths, anglais et pas biologie ou éducation physique et sportive), et peuvent prendre en compte les courriers de motivation. La difficulté est qu’il y a des milliers de dossiers à traiter, et qu’il faudrait donc payer du personnel humain à lire des milliers de lettres de motivation. Or, les universités manquent de personnel enseignant ; il est très courant que les enseignants titulaires travaillent en « heures complémentaires », c’est-à-dire enseignent plus que leurs obligations, au détriment de leurs recherches, et qu’on complète avec des contractuels et des vacataires payés à l’heure.
Certaines formations « non sélectives » se retrouvent à, in fine, accueillir tous les étudiant(e)s qui les ont demandées et ne sont pas allés ailleurs. On comprend qu’on n’ait alors pas envie de payer du personnel à lire les courriers de motivation pour affiner le classement. Dans d’autres formations, les collègues me disent qu’on ne lit les courriers de motivation que des candidatures sur lesquelles on peut avoir des doutes, et donc notamment pas les courriers des dossiers avec de toute façon des notes suffisamment élevées.
Il est déplorable que la presse se fasse l’écho de ce genre d’incidents sans expliquer les conditions budgétaires et matérielles qui les rendent inévitables. Là où cela va devenir plus embêtant, c’est qu’avec les choix budgétaires de l’État, et les difficultés financières des universités, les formations non sélectives risquent de le devenir ; en d’autres termes, les licences générales ne seront plus forcées d’accepter tout bachelier. Or il n’y aura pas plus de personnel pour lire les dossiers. La suggestion sera-t-elle alors de faire lire les dossiers par des « intelligences artificielles » ? Des courriers de motivation rédigés par IA puis évalués par des IA…