David Monniaux

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Billet de blog 8 février 2025

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Droits de douane, tranches d’impôts, et compréhension des sociétés complexes

L’électeur trumpiste est bête. Mais est-il bien le seul ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le président Trump aurait expliqué à ses électeurs que les droits de douane sont payés par le gouvernement du pays exportateur et non par les consommateurs américains (j’avoue que je n’ai pas le courage de m’infliger sa logorrhée incohérente pour savoir comment il a dit cela). Une vidéo (dont je ne sais pas si elle a vraiment été tournée « sur le vif » ou avec des acteurs) montre une personne travaillant dans l’import / export expliquant patiemment à un électeur trumpiste ce que sont les droits de douane, comment ils peuvent servir à une politique économique, et comment, en revanche, ils sont in fine payés par le consommateur et en tout cas en aucun cas par le gouvernement du pays exportateur.

Il serait facile de sourire de l’ignorance des Américains, comment aiment souvent à le faire les Français. Pourtant, regardons chez nous. Combien d’électeurs français pensent-ils que lorsque leur revenu augmente, ils peuvent « sauter une tranche » de l’impôt sur le revenu et soudainement payer beaucoup plus en raison de la progressivité de celui-ci ? La même croyance existe aussi aux États-Unis : un Américain m’avait soutenu que peut-être qu’en France l’impôt ne « saute » pas au passage des tranches, mais aux États-Unis si (la vérité est : non il ne saute pas non plus là-bas). En termes fiscaux, ces gens confondent le taux marginal d’imposition avec le taux global.

Ces croyances erronées sont à mon avis l’illustration d’un phénomène assez général : nous vivons dans des sociétés très complexes, avec des systèmes financiers, organisationnels, juridiques etc. très complexes, que le citoyen ou la citoyenne a du mal à appréhender. Il s’en remet donc à ce que lui racontent les médias, les partis politiques, les activistes… Ceci a d’ailleurs comme conséquence que les personnes « politisées » ne sont pas forcément mieux informées, mais croient l’être, comme cet électeur trumpiste qui croyait comprendre les droits de douane. La prétention à « faire ses propres recherches » et « avoir ses propres idées » sur des sujets non maîtrisés conduit en fait souvent à la répétition de faussetés.

J’ai pris ici des exemples fiscaux, mais ces problèmes touchent toutes les questions politiques. Par exemple, sur l’écologie, des gens croient des choses sur les consommations de carburant qui, tout simplement, ne collent pas avec ce disent les statistiques officielles de l’INSEE, et en tirent des conséquences politiques fantaisistes. Certains y croient dur comme fer même lorsqu’on leur pointe les chiffres, car ce sont ces conséquences politiques qui leur plaisent.

J’ignore ce que nous pouvons faire par rapport à cela. La réponse usuelle, dans les cercles de l’enseignement et de l’université, est qu’il faut plus d’éducation, c’est-à-dire plus d’heures, plus de points aux programmes (programmes par ailleurs déjà pléthoriques). Je ne suis pas sûr que cela soit pertinent par rapport à des gens qui, tout en étant ignorants, croient savoir, refusent de s’informer, voire croient que ceux qui tentent de leur expliquer la réalité sont des menteurs ou des ignorants, et deviennent agressifs.

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