David Monniaux

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Billet de blog 8 février 2025

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L’avion à hydrogène et les billets de train

On parle de rendre les transports plus « verts ». Mais le voulons-nous vraiment ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je voudrais ici évoquer tout d’abord quelques faits au sujet des voyageurs d’affaires, et notamment le fait que des choix administratifs conduisent à privilégier l’avion. J’entends par voyageurs d’affaires celles et ceux qui voyagent pour leur travail.

Les voyageurs d’affaires, notamment dans les administrations ou grandes entreprises, achètent leurs billets de train ou d’avion via des « agences de voyages » (je mets intentionnellement des guillemets) sous contrat avec leur employeur. Ces agences rendent souvent, de fait, plus facile de commander des billets d’avion que de train : par exemple, elles sont souvent incapables d’acheter un trajet en train où figure une correspondance à l’étranger ; ou encore, elles imposent qu’un trajet comportant un TER soit validé financièrement dans la journée (ce qui est compliqué dans les administrations ou entreprises très bureaucratiques) — par comparaison, il est bien plus aisé et sans surprise d’acheter un trajet sur une compagnie aérienne classique, ou sur des services grand public (Trainline, 12train…).

Lorsqu’un billet d’avion comporte plusieurs segments de trajet, même exécutés par des compagnies différentes, les compagnies aériennes s’occupent de retrouver des places pour les voyageurs qui n’auraient pu prendre un segment suivant du fait d’un retard dû à la compagnie. Il ne me semble pas qu’il y ait pareille protection concernant le train, ou, du moins (on m’a parlé d’une réglementation européenne), elle ne semble pas aussi facile à mettre en œuvre. Concrètement, j’ignore par exemple comment je serais censé faire ce lundi si mon TER arrive en retard à Lyon Part Dieu pour passer sur un TGV. Peut-être faut-il même que je téléphone à l’agente qui a passé la commande à l’agence de voyages ? En tout cas, c’est pénalisant par rapport à l’avion.

Tout ceci relève, finalement, de choix administratifs et contractuels. Revenir dessus ne nécessiterait ni découverte scientifique, ni innovation technologique, ni investissements dans des infrastructures coûteuses. Nous ne pouvons que constater que cela ne se fait pas, ou du moins pas à une allure discernable.

Par comparaison, constatons la popularité auprès des pouvoirs publics et des médias des solutions technologiques, je dirais même « techno-solutionnistes », quand bien même celles-ci supposeraient, au minimum, des progrès scientifiques et technologiques important, au pire, la violation des lois de la physique. La liste des innovations annoncées pour bientôt mais qui n’ont au mieux pas dépassé l’étape des essais est longue : le véhicule 100 % autonome fiable, les taxis aériens en zone urbaine, l’hyperloop… et hier on annonçait qu’Airbus stoppait son projet d’avion à hydrogène.

Le cas de l’avion à hydrogène, et plus généralement de tout ce qui concerne l’hydrogène, est particulièrement intéressant : les difficultés technologiques pour transporter et stocker l’hydrogène sont considérables et connues depuis longtemps (par exemple, l’hydrogène se stocke à très haute pression, il pénètre l’acier des réservoirs et le rend cassant, il brûle avec une flamme peu visible de jour de sorte qu’on peut très bien ne pas voir un incendie, etc.), ainsi que celles concernant sa production (le produire à partir de méthane n’a aucun intérêt écologique, le produire par électrolyse à partir d’électricité nécessite actuellement un catalyseur à base d’iridium, métal rare, sans parler de la difficulté à produire l’électricité nécessaire…). Il ne me semble pas que ces aspects étaient traités par les médias qui parlaient des futurs avions à hydrogène.

Ainsi, paradoxalement, la société se réfugie dans des rêves technologiques alors qu’elle semble incapable de régler de simples questions administratives et commerciales. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a là un manque de volonté politique. Peut-être est-ce aussi qu’annoncer des avions à hydrogène fait plus rêver que restructurer des billeteries.

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