David Monniaux

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Billet de blog 8 février 2025

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Quelques souvenirs de François Bayrou

L’actualité me rappelle un épisode vieux de près de 20 ans, où j’avais été amené à rencontrer plusieurs fois François Bayrou et à échanger par mail avec lui, avec quelques incidents qui m’avaient donné à penser.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le gouvernement de l’époque tentait de faire passer un projet de loi appelé DADVSI, dont certaines dispositions risquaient d’accorder une position dominante durable dans les industries culturelles à des acteurs de l’informatique. De puissant lobbys étaient à l’œuvre (sociétés de répartition des droits, industries culturelles…). De l’autre côté, plus artisanalement, des gens intervenaient auprès d’élus. On m’a alors proposé de me retrouver dans un groupe chargé de fournir des argumentaires à François Bayrou, alors député. Je me suis donc retrouvé à quelques réunions en petit comité avec celui-ci.

C’était la première fois que j’avais affaire à un politicien d’envergure nationale, habitué de la télévision. Je me souviens qu’il serrait les mains de ses interlocuteurs en les regardant bien dans les yeux. Une amie qui a eu affaire au président Emmanuel Macron m’a dit qu’il dégage un certain charisme, une certaine force de conviction…

Deux points me marquèrent dans ces discussions. Le premier était que François Bayrou semblait apprécier d’être appelé « président ». Il était certes président de son parti, et c’était à se titre qu’il était appelé ainsi, mais j’avais l’impression qu’il y avait autre chose — après tout, je ne me fais pas appeler « directeur » en réunion. Mon interprétation était qu’il se serait bien vu président, non pas de son parti, mais de la République. (Il finit d’ailleurs troisième au premier tour de l’élection présidentielle de 2007.)

Le second était un petit épisode en fin d’une des réunions. François Bayrou nous dit qu’il y avait des inquiétudes quant à l’accès à la pornographie que les jeunes ont par Internet, et nous demanda, en tant que personnes connaissant bien Internet, ce qu’il pouvait répondre à ce sujet. Nous commençames par évoquer la nécessité d’une éducation sexuelle des jeunes (et non de les laisser seuls face à la pornographie en ligne), mais nous sentions que ce n’était pas la réponse attendue, qu’il fallait proposer quelque chose relatif à la technologie. Nous suggérâmes alors de blâmer les Américains, qui auraient été opposés à ce que l’on crée un domaine .xxx qui aurait permis de rassembler les sites pornographiques. C’était bidon, mais… L’impression que François Bayrou m’avait donnée était qu’il ne cherchait de toute façon pas une vraie solution (comme l’éducation à la sexualité aurait pu l’être), mais quelque chose à dire à des gens pour calmer leur ressenti envers la pornographie et les jeunes.

Bien entendu, on ne saurait juger une personne sur la base du souvenir vieux de vingt ans de quelques réunions. Toutefois, je vois quelques parallèles entre mes constats de l’époque et certains évènements actuels.

François Bayrou, dit-on, aurait insisté pour devenir premier ministre. J’interprète cela, peut-être à tort, comme une dernière volonté, à un âge déjà avancé, d’avoir un des grands postes nationaux : faute d’être président, au moins être premier ministre…

François Bayrou aurait, suivant certaines accusations, été au courant de violences physiques et sexuelles dans un pensionnat catholique où il scolarisait ses enfants, mais les aurait niées. La protection de l’enfance face aux menaces sexuelles est souvent, en politique, à géométrie variable.

Elisabeth Borne serait revenue sur certains points du programme d’éducation sexuelle et affective qui avait été proposé, sous la pression d’associations conservatrices. Comme toujours, il y a ce ressenti qu’on parle aux enfants de choses inappropriées pour leur âge, alors qu’on tente de leur en parler avant que des gens malintentionnés ne leur en parlent, ou qu’ils ne se tournent vers des sources peu fiables en ligne.

François Bayrou a récemment embrayé sur le « sentiment de submersion migratoire », alors qu’il aurait tenu par le passé des positions différentes. Ceci est parfaitement cohérent avec une position politique consistant à trouver des réponses (qui n’ont pas besoin de faire preuve d’une quelconque efficacité par rapport aux problèmes réels) par rapport à des ressentis de la population. Là encore, rien d’extraordinaire. On m’avait expliqué à l’époque qu’un politicien est quelqu’un à qui des foules de gens apportent leurs plaintes (qu’elles soient fondées ou infondées, on parle bien ici du ressenti), auxquelles il va chercher à apporter une réponse (ou non, suivant orientation politique et origine des plaintes).

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