Diverses personnes commentant l’action du navire le Maldeen ont expliqué (au cas où le public serait trop stupide pour ne pas l’avoir compris sans leur aide) qu’il s’agissait d’une action de communication et que l’équipage et les passagers devaient savoir qu’ils allaient être arrêtés par les forces israéliennes. Parfois, on les accuse même d’exploiter la misère et la détresse des habitants de Gaza.
Il y a une certaine indécence, lorsqu’on est politicien ou éditorialiste, à critiquer les autres parce que ceux-ci feraient ou diraient des choses pour se faire remarquer en exploitant des évènements dramatiques. Constatons : une surveillante a été assassinée par un adolescent, et depuis on a un défilé devant des caméras de gens qui expliquent que c’est la faute de l’immigration, des réseaux sociaux, des jeux vidéos, etc., ou qui proposent des mesures inapplicables, qui n’auraient pas empêché cette agression, ou qui en fait existent déjà dans la loi française.
Prenons maintenant une perspective historique. C’est une méthode d’action classique, notamment en matière de droits humains, que de se mettre dans une position où l’on va forcément se faire arrêter, en tablant sur le fait que cette arrestation apparaîtra comme injuste, scandaleuse. Rosa Parks s’est délibérément mise en situation d’être arrêtée, par lassitude d’être traitée comme une citoyenne de seconde classe. Son arrestation a été utilisée pour réclamer des mesures en faveur des droits civiques. On m’objectera que Rosa Parks n’avait pas prémédité son action en montant dans le bus. Soit. Il ne reste pas moins qu’il y a eu une exploitation politique réfléchie de son action. Par exemple, les activistes avaient auparavant décidé de ne pas utiliser un incident similaire impliquant Claudette Colvin, au motif que cette adolescente enceinte sans être mariée ne serait pas la meilleure personne à mettre en avant.
Je n’ai pas non plus le souvenir que les politiciens et la presse françaises aient critiqué Alexandre Navalny pour sa décision de revenir en Russie, décision certes beaucoup plus risquée que celle des passagers du Maldeen. Je me souviens, en revanche, de Jack Lang se prenant en selfie sur le balcon de son bureau devant Notre-Dame brûlant.
Bref, un peu de décence, si cela n’est pas trop demander.