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Billet de blog 16 juillet 2025

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L’insaissisable islamogauchiste

Un défunt et très distingué mathématicien dirigeait jadis les Écrits de Paris, mensuel associé à l’hebdomadaire Rivarol. Je n’ai cependant entendu personne réclamer une commission d’enquête sur l’extrême-droite pétainiste dans la recherche mathématique française.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mme Elisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’est exprimée au sujet de l’« islamogauchisme » à l’université, semblant contredire les propos de M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle définit ainsi l’« islamogauchisme » :

« des gens d'extrême gauche qui considèrent que les musulmans sont une force électorale, qui les courtisent en encourageant le communautarisme et en banalisant l'islamisme radical »

Je ne m’exprimerai pas sur le reste de sa théorie, qui serait que cette position d’instrumenter le communautarisme et l’islamisme à des fins électorales serait pratiquée par La France Insoumise. Peut-être Mme Borne a-t-elle accès à des informations confidentielles au sujet des discussions de stratégies électorales au sein de ce parti, mais ce n’est pas mon cas ! Je ne vais pas non plus évoquer son classement de LFI à l’extrême-gauche, terme qu’en France on applique normalement plutôt aux trotskistes et aux anarchistes qu’à un parti qui n’a, après tout, que des revendications et des propositions qui n’auraient pas dépareillé du temps du programme commun de la gauche et de la campagne de François Mitterrand en 1981. Je voudrais plutôt évoquer son raisonnement :

« Ce courant existe dans la société, donc nécessairement à l'université. »

J’ai vu certains moquer ce raisonnement comme stupide. De mon point de vue, il n’a surtout aucun intérêt, si ce n’est, bien sûr, la commodité politique.

Faisons l’hypothèse, pour les besoins de la démonstration, qu’il y ait effectivement une proportion, même faible, de la population française qui souscrit à l’idée d’une alliance objective entre forces de gauche et islamisme, ou toute autre combinaison du même genre. Alors, oui, si c’est le cas, on doit retrouver aussi des gens avec les mêmes idées à l’université ; le contraire serait statistiquement très surprenant.

Il y a presque 3 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur en France. Statistiquement, tout courant de pensée présent dans la population générale doit s’y retrouver, ou alors c’est qu’il y a une raison très spécifique et qui mérite étude. Il en va de même pour les personnels enseignants : il y a environ 55000 enseignants-chercheurs, il serait extrêmement surprenant, et même statistiquement très anormal, qu’un courant politique présent dans la population adulte ne soit pas présent du tout chez eux.

C’est ainsi qu’il y a des universitaires d’extrême-droite, des étudiants d’extrême-droite. Un défunt et très distingué mathématicien dirigeait jadis les Écrits de Paris, mensuel associé à l’hebdomadaire Rivarol, dont on a récemment reparlé car Mme Marine Le Pen y avait donné un entretien en 2007. J’encourage mon lectorat qui ne connaîtrait pas Rivarol à aller écouter les propos de son directeur de la publication, Jérôme Bourbon, qui voit des juifs partout pour contrôler la France. Je n’ai cependant entendu personne réclamer une commission d’enquête sur l’extrême-droite pétainiste dans la recherche mathématique française.

La question n’est donc pas de savoir si un courant de pensée existe à l’Université (ou chez les fonctionnaires des Finances publiques, ou dans la Police nationale ou tout autre service public), car il est statistiquement très difficile qu’il n’y existe pas s’il existe dans la population générale, mais s’il y pose un problème particulier. Je lis, par exemple, que les « islamogauchistes » auraient pris le pouvoir à l’université. Que l’on me nomme un·e seul·e président·e d’université « islamogauchiste ». Voire, que l’on me nomme un·e président·e « gauchiste »…

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