Guerre et propagande de guerre
Les peuples sont toujours les victimes des guerres, rejoindre les bataillons de mercenaires au côté de l'armée ukrainienne, ce n'est certainement pas lutter pour le peuple ukrainien, c'est prolonger la guerre et les souffrances du peuple ukrainien. Les va-t-en-guerre ne savent pas ce qu'ils font.
Le résultat de la guerre risque d'être l'annexion de l'Ukraine. Il serait préférable de négocier un plan de paix pour le fédéralisme et la neutralité et garantir l'existence de l'Ukraine plutôt que de s'orienter vers la perspective funeste de l'annexion après la destruction.
La première victime d'une guerre est la vérité. Tout belligérant tend à défendre la version des faits qui se conforme à ses propres intérêts.
Les pacifistes ne défendant aucun camp seront à mes yeux toujours plus crédibles que ceux qui n'envisagent de paix qu'à la condition de la défaite du camp opposé et sont prêts à transformer les faits en leur faveur et contre leur adversaire.
Pour un usage pacifiste de la politique
Comme l’écrivait le stratège Carl von Clausewitz « Il est naturel que celui qui met le premier en action le concept de guerre et qui conçoit l’idée de deux partis opposés [...] soit le défenseur ». Autrement dit c’est l’idée même qu’il y ait des camps ennemis ou qu’il y ait un ennemi qui produit conceptuellement la guerre, qui fait qu’il y a guerre. Si la guerre est une continuation de la politique, cela n’implique nullement que la politique elle-même ne puisse exister que comme guerre, c’est-à-dire en présupposant la nécessité d’adversaires comme le pensait Carl Schmitt. La tendance actuelle à cliver tout débat politique et l’injonction à choisir un camp plutôt qu’un autre tend à ce que l’objet de la politique ne soit plus la recherche d’un intérêt commun mais la réduction de la complexité de toute question relative à cet intérêt commun à une question partisane. La transformation et la réduction de la politique à l’affrontement des camps plutôt que des idées procède d’une fascisation du politique, ce à quoi encourage le monarchisme présidentiel qui reste trop profondément ancré dans l’habitus politique français.
Peut-être qu’une sixième République permettrait d’assainir ce rapport au pouvoir politique qui fascise les esprits, à condition qu’elle ne se limite pas à une transformation des textes mais également des mentalités, car en vérité ce n’est pas tant notre constitution qui définit le peuple comme souverain que la pratique et l’usage de cette constitution qu’il serait souhaitable de réformer pour que le pacifisme insuffle la vie politique.
Convergence des luttes
Cet optimisme kantien qui vise à une paix perpétuel et au cosmopolitisme pourrait être interprété comme un déni de la lutte des classes et des inégalités sociales et justifier la conservation de l’ordre existant. Or il n’en est rien, c’est justement une ruse des classes dominantes d’opposer les dominés les uns aux autres pour mieux régner, par exemple les étrangers contre les autochtones. Au contraire l’objectif d’une société de l’entre-aide et non de la mise en concurrence néo-libérale des uns contre les autres implique une convergence des luttes pour sortir des schémas identitaires et individualistes selon lesquels chacun devrait s’adapter ou périr sans souci du bien commun d’une adaptation commune. Comme le disait Baldwin : « The price of the libération of the white people is the libération of the blacks ». La libération des uns ne peut se faire sans celle des autres. Autrement dit, politiquement toute libération est une libération collective et non une libération individuelle qui se ferait au dépend de celle des autres et en combattant les intérêts des autres. La mise en concurrence des individus, c’est leur aliénation.