Je tombe ce matin sur cette new, en soi rien de très important, selon laquelle la SNCF a choisi l'équipementier Américain VeriFone pour équiper ses agents de 12.000 terminaux portables connectés.
Pas besoin d'être spécialiste pour mesurer les enjeux : au-delà du terminal, il y a une grosse logistique de services et serveur, qui permet au contrôleur SNCF d'avoir accès à ne nombreuses informations sur son terminal (c'est tout l'enjeu), en sus de générer les ordres de paiements (des passagers).
Apparemment, deux sociétés participaient à l'appel d'offre : VeriFone (Américain) et Ingenico (Français). Je ne connais ni l'une ni l'autre, mais voilà peut être un bel exemple auquel nous devrions nous intéresser. Nous, c'est-à-dire les citoyens, et leurs élus, gouvernement compris.
Sans doute la SNCF a de bonnes raisons de préférer l'offre qu'elle retient ; meilleur prix, meilleure qualité, offre plus adaptée, meilleure maintenance, que sais-je ?
Mais à l'heure ou F. Hollande et ses ministres nous assènent à longueur de journée que nous avons un problème d'emploi et de compétitivité, et nous répète que la droite a soigneusement détruit l'industrie française ces 10 dernières années, eh bien, voilà un exemple qui permet d'aborder le sujet. Car c'est ainsi que l'on construit ou détruit des filières.
La compétitivité est le fruit d'un ensemble de paramètres, parmi lesquels l'un des plus important est l'écosystème qui entoure les entreprises, c'est-à-dire la qualification des personnes qu'elles peuvent recruter, les sous traitants avec lesquels elles entretiennent des relations de confiance, leurs propres équipements et méthodes, la culture interne.
Or, pour que tout cela prenne corps, il faut … un marché et des commandes. Rien ne peut se développer sans la contrainte des livraisons à assurer, des contrats à honorer, et bien évidemment, sans l'argent qui accompagne tout cela.
Résumons : pour développer la compétitivité, il faut des projets et des moyens.
Des projets et des moyens, et non des "bas salaires". La compétitivité ne peut se réduire à cette vision étriquée, pourtant si souvent induite par les intervenants et journalistes. Le prix de revient induit par les salaires n'est vraiment qu'un des paramètres de l'équation, surtout à l'heure ou les machines produisent plus qu'elles ne l'ont jamais fait. Par exemple, un cadre fiscal pérenne est fondamental.
Je ne peux m'empêcher de penser à quel point il est dommage que l'état, actionnaire SNCF, puisse prendre (ou laisser prendre) de telles décisions, au moment ou l'on nous rabâche que les priorités sont l'emploi et la compétitivité … Car, encore une fois, c'est ainsi que l'on construit ou détruit des filières.
Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec le discours ambiant, par ailleurs anxiogène, de notre gouvernement, qui trouve tellement plus simple de fustiger les autres, notamment les précédents gouvernements, quand bien même ils le méritent.
Cette (triste) dialectique est cependant insupportable, et parfaitement contre productive, car chacun imprime, même inconsciemment, la part d'impuissance qu'elle révèle.
Il en va de même avec la dialectique "de l'engagement". Par exemple, nul ne se soucie de savoir si les ministres prennent des vacances ou non (ou sommes nous rendus ?). Là encore, ce genre de détail, sans doute sensé nous rassurer quant à leur engagement, ne fait qu'exacerber la perception de leur impuissance. On ne joue pas impunément avec la forme.
Ce que l'on attend de gouvernants, ce n'est surtout pas qu'ils justifient leur impuissance, ou adoptent une position défensive. On attend d'eux qu'ils expriment clairement leur vision, exposent le chemin qu'ils proposent pour y parvenir, et posent des actes fondateurs dans cette direction. Et non pas qu'ils nous répètent qu'ils sont engagés.
En termes d'actes, la SNCF confie ses 12.000 équipements portables et la logistique liée à une entreprise Américaine. Bravo, bien vu, c'est sans doute malin.