Dans le dernier debrief de Regards, Pablo Pillaud-Vivien a eu des propos tout à fait justes sur le poids des mots et admis qu'il avait évolué sur cette question. Alors que dans les milieux militants, on a l'habitude de peser et soupeser le moindre mot d'un communiqué, d'évaluer les mots des autres et d'en faire des motifs de rupture, et si, pour accepter les différences des autres et pouvoir marcher ensemble, on apprenait à accepter que ses alliés emploient parfois des mots différents des nôtres ?
Je suis assez d'accord avec cette idée.
La Nupes a explosé de cette impossibilité à accepter les mots des autres, qui sont l'expression de nuances légitimes, nuances qui s'inscrivent dans nos histoires respectives.
Sur les violences policières, le racisme et les discriminations, l'écologie, les questions internationales, les quatre partis de la Nupes ont des nuances et des différences, qui ne justifiaient pas pour autant l'excommunication.
Excommunier les hérétiques, c'est l’œuvre d'inquisiteurs sectaires, pas de militants progressistes.
Comme communiste, je partage l'approche qui est celle de mon parti sur la question de la police et des violences policières. Je suis d'accord avec les termes employés dans nos communiqués. J'avais trouvé parfaitement légitime la présence de Fabien Roussel au rassemblement d'hommage à Eric Masson au printemps 2021 et tout à fait justifiées nos positions sur ce que devrait être une police républicaine. On peut tout à la fois vouloir s'attaquer à la politique du chiffre et aux préjugés racistes qui gangrènent une partie de notre police, tout en rendant hommage à un policier lorsqu'il se fait tuer dans l'exercice de son travail. Une partie de la gauche et de l'extrême gauche nous a reproché notre présence et nous a excommuniés, et il en est allé de même au moment des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, le comble étant atteint lors de la fête de l'Humanité avec les propos indignes de Sophia Chikirou comparant Fabien Roussel à Jacques Doriot.
Je partage l'approche de mon parti sur la question israélo-palestinienne, son soutien à une solution à deux États et l'analyse selon laquelle le Hamas est un mouvement d'extrême droite réactionnaire et terroriste qui fait le malheur des Palestiniens. Certains nous ont excommuniés pour cela, comme, en parallèle, d'autres excommuniaient LFI qui ne parlait pas d'actes terroristes mais de crimes de guerre. Dans les deux cas, on érige des murs artificiels alors que sur le fond, nos positions sont similaires et ne se distinguent que par le vocabulaire, c'est-à-dire par la forme.
Des articles ubuesques ont même cru déceler une inflexion du PCF sur la question palestinienne, alors que notre secrétaire national s'est rendu en Palestine, que des dizaines de municipalités communistes sont jumelées avec des villages de Palestine, que nous faisons campagne pour la libération de Marwan Barghouti depuis des années et que nous avons toujours plaidé pour une solution à deux États.
Excommunier ses alliés parce que nos mots sont différents, parce que nous exprimons des nuances et transformer ses alliés en ennemis alors que le péril brun nous menace est tout simplement irresponsable. Le progressisme politique peut s'exprimer de différentes manières et la radicalité des mots n'est pas toujours la radicalité des idées. Par exemple, la Sécurité Emploi Formation (SEF) prônée par le PCF, qui rejoint sur beaucoup d'aspects le Nouveau statut du travail salarié (NSTS) de la CGT, est une position extrêmement radicale.
Finalement, et si on apprenait à relativiser le poids des mots pour mieux accepter nos différences et marcher ensemble ?