Je me souviens de ce funeste 7 janvier 2015, comme je me souviens du 11 septembre 2001.
Comment l'oublier ?
Au milieu des années 90, Charlie Hebdo est le journal qui a fait mon éducation politique.
J'y ai découvert Cavanna, dont j'ai dévoré les livres les Ritals et les Russkoffs. Je me suis marré avec les dessins de Charb.
J'y ai découvert le sous-commandant Marcos et la rebellion zapatiste, l'antiracisme et la lutte contre le FN, l'antilibéralisme et l'altermondialisme ainsi que l'anticléricalisme potache et voltairien de Charlie.
Le lycéen que j'étais en 1996-1997 lisait Charlie Hebdo et ne manquait pas les Guignols de l'info.
Il est arrivé à Charlie Hebdo de me décevoir.
Par la suite, je me suis abonné à PLPL que je trouvais plus incisif, à Siné Hebdo, au Canard enchaîné que je trouvais mieux informé. Je me suis réabonné à Charlie Hebdo pour un temps et je continue de l'acheter occasionnellement en kiosque.
Dix ans déjà...
Quelques années avant la Révolution française, Voltaire ridiculisait les juges fanatiques qui avaient condamné le Chevalier de La Barre, torturé et décapité pour ne s'être pas découvert devant une procession et, partant de là, accusé de profanation de crucifix.
C'était il y a 250 ans...
Comment imaginer qu'en 2015, on puisse vouloir assassiner des humoristes pour des caricatures ?
Charlie Hebdo est devenu un objet d'étude en EMC et ça me rend un peu triste, quand j'en parle avec mes élèves, qu'ils ne mesurent pas à quel point Charlie est un journal de qualité, un journal qui fait réfléchir, un journal rebelle et subversif.
J'ai l'impression que mes élèves n'y voient pas ce que moi, je voyais dans Charlie Hebdo quand j'avais 15 ans.
Pire, certains croient parfois que "Charlie" est le nom d'une personne qui serait morte en 2015 et sont étonnés d'apprendre que c'est le nom d'un journal, qui est toujours vivant...
Les Guignols n'existent plus et une partie de mes élèves se socialisent politiquement sur Tiktok en regardant des vidéos de Jordan Bardella.
Pour le prof que je suis, c'est désespérant...
Dix ans déjà...
Charb, Wolinski, Bernard Maris et tous les autres nous manquent...
Je suis toujours Charlie.