DavidNoel62 (avatar)

DavidNoel62

Docteur en histoire contemporaine et chargé d'enseignement vacataire à l’Université de Lille. Président de la LDH 62.

Abonné·e de Mediapart

12 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 avril 2024

DavidNoel62 (avatar)

DavidNoel62

Docteur en histoire contemporaine et chargé d'enseignement vacataire à l’Université de Lille. Président de la LDH 62.

Abonné·e de Mediapart

Hénin-Beaumont, le RN et les procédures bâillons des rois de la plainte

Le Rassemblement national s’est fait une spécialité d’intenter des procédures bâillons à tous ses opposants pour les réduire au silence à coups de procès en injure ou diffamation : l’exemple d’Hénin-Beaumont est effarant et révélateur d’une stratégie de harcèlement judiciaire.

DavidNoel62 (avatar)

DavidNoel62

Docteur en histoire contemporaine et chargé d'enseignement vacataire à l’Université de Lille. Président de la LDH 62.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Rassemblement national s’est fait une spécialité d’intenter des procédures bâillons à tous ses opposants pour les réduire au silence à coups de procès en injure ou diffamation.

A Hénin-Beaumont, conquise par le RN en 2014, les procès politiques sont intentés à une échelle industrielle par le maire et conseiller départemental, Steeve Briois, et ses proches. 

Élus d’opposition, syndicalistes, journalistes... Tous ceux qui ont à un moment ou à un autre émis une critique sur la gestion et les méthodes de l’extrême droite locale ont vu débarquer un huissier porteur d’une assignation.

Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes, en a fait les frais pour son livre Nouvelles du Front pour lequel elle a été relaxée.

Mais c’est moi qui ai sans doute été, depuis maintenant 13 ans, le militant le plus poursuivi de France en diffamation.

Depuis 2011, j’ai été poursuivi par Steeve Briois, son ex-adjoint et aujourd'hui député Bruno Bilde, par Marine Le Pen, par l’ex-directeur général des services de la mairie d’Hénin-Beaumont, Laurent Morel, aujourd'hui directeur du Centre communal d’action sociale et par le directeur de la communication de la ville, Ivan Jarte, par ailleurs conseiller municipal RN de la ville voisine.

J’ai été poursuivi pour des articles de blog, des posts Facebook, un communiqué de presse paru dans l’Humanité et même un discours de conseil municipal.

Le RN aime l’argent : ils réclament systématiquement des dommages et intérêts pour ces prétendues injures ou diffamations.

En tout, j’ai fait l’objet, depuis 2011, et surtout après 2014 et mon entrée au conseil municipal dans l’opposition de neuf plaintes, mais l’une n’est pas allée jusqu'au bout, faute de consignation versée par le RN.

Huit plaintes ont été jugées, la dernière étant actuellement examinée devant la Cour de cassation.

Sur le premier dossier, en 2011, j’ai perdu en première instance, devant la XVIIe Chambre du tribunal correctionnel de Paris qui m’a condamné à 500 euros d’amende avec sursis et aux frais de justice pour avoir évoqué la participation possible de Steeve Briois, plus jeune, à une réunion de l'Oeuvre française, rapportée par un ex-militant FN purgé par Steeve Briois.

Dans les six dossiers suivants, j’ai été relaxé six fois en première instance pour bonne foi. Steeve Briois et ses amis ont fait appel à cinq reprises : j’ai gagné à cinq reprises. Sur ces cinq victoires en appel, Steeve Briois et ses amis se sont pourvus trois fois en cassation : j’ai gagné les trois fois.

Un dernier dossier est en cours, suite à une plainte déposée contre moi durant la campagne municipale de 2020. Condamné en première instance devant le tribunal correctionnel de Béthune en 2022, j’ai été relaxé par la Cour d’Appel de Douai. L’affaire est donc actuellement examinée par la Cour de cassation.

Cette fois, Steeve Briois me reproche de l’avoir qualifié d’autocrate "raciste" en raison de la charte anti-migrants qu’il a faite adopter en 2016 et de "patron-voyou" en raison de ses pratiques de management toxique.

Un procès en diffamation coûte entre deux et trois mille euros en honoraires d’avocats en première instance, autant en appel et entre trois et quatre mille euros en Cour de cassation. Au total, toutes ces procédures m’ont coûté près de cinquante mille euros, qui ont heureusement été pris en charge par mon parti, le PCF, qui m’à toujours fait confiance et à toujours su que mes écrits n’ont jamais été en cause.

Les procès en diffamation ne sont pas une affaire de style d’écriture, c’est une question de harcèlement judiciaire et moral d’un despote qui ne supporte pas que ses opposants écrivent des textes offensifs et percutants.

Le harcèlement judiciaire atteint parfois son but : il contraint certains à l’autocensure et à abandonner le combat, coûteux et moralement épuisant. Pour des syndicalistes, le risque est encore plus grand que pour des opposants politiques : c’est celui de la mise au placard, de la mise à pied pour manquement au devoir de réserve, voire de la révocation.

La justice a rarement été dupe, du caractère politique de ces procès, sauf qu’il est très rare, en matière d’injure ou de diffamation, de pouvoir condamner un harceleur pour procédure abusive. Il suffit que le plaignant ait pu estimer que son image et sa considération étaient affectées pour que la procédure ne soit pas abusive. 

La législation européenne protège désormais mieux les lanceurs d’alerte contre les procédures bâillons. Il faut espérer qu’elle protégera aussi un jour les élus d’opposition qui n’ont jamais droit, en pareil cas, à la protection fonctionnelle de leur commune, réservée aux serial-plaignants de la majorité municipale...

L’exemple d’Hénin-Beaumont démontre aussi et surtout ce qu’est le RN au pouvoir : l’autoritarisme, le harcèlement, le mépris de la démocratie. Espérons que ces gens-là n’arriveront jamais au pouvoir suprême... 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.