Quand la nuit est noire et profonde, j’ai rendez-vous avec un homme qui n’était rien, qui ne sera jamais rien et qui ne pouvait vouloir être rien. Cela dit il portait en lui tous les rêves du monde. C’était un chercheur de l’âme humaine. Il la découpait au scalpel en très fines tranches et l’ étudiait sur des lames au microscope. Pour cela il rentrait dans la peau de différents auteurs que l’on appelle "hétéronymes", au début du 20ème siècle Fernando écrivait; "l’œuvre pseudonyme est celle de l'auteur (en propre personne) moins la signature de son nom; l’œuvre Hétéronyme est celle de l'auteur hors de sa personne." Il a intuitivement compris que nous étions multiples et que cela ne valait pas la peine de chercher notre vrai moi intérieur, puisque nous sommes et resterons plusieurs.
Celui que je rencontre le plus en ce moment, c’est Bernardo Soares l’auteur de « Le livre de l’intranquillité », « Livro do Desassossego” dans sa langue d’origine le portugais. C’est celui qui a touché le cœur d’un de mes moi-mêmes en premier, il y a une vingtaine d’année. En effet si Pessoa était pluriel, je le suis également; et je ne sais pas toujours qui parle à qui?
Bernardo Soares était un homme d’une lucidité incroyable, à faire peur parfois, son écriture est un verre translucide teinté de poésie lyrique. Après plusieurs lectures, tout au long de ces années, j’ai eu envie de passer ce livre au tamis de mon âme et de le partager avec des lecteurs errants, passant par là au hasard. Y présenter quelques pépites et les soumettre au néant, juste pour le plaisir de les voir briller en y ajoutant quelques mots inutiles, impressions personnelles jetées comme le faisait Pollock avec ses pinceaux.