Le retour au bilatéralisme Etats unis/Russie comme au temps de celui Etats-unis/URSS
(De Djilali)
Le premier trimestre 2014 aura été marqué par la fin d'une nouvelle phase importante dans la définition des rapports mondiaux déstabilisés après la chute du Mur de Berlin, l'implosion de l'Union Soviétique et l'instauration d'un unilatéralisme sous domination étasunienne qui a mis fin au bilatéralisme (USA/URSS) et à l'hégémonie partagée par les deux puissances qui a prévalu de la sortie de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1990. Un événement d'apparence secondaire, la rupture de la Crimée d'avec l'Ukraine et son rattachement à la Russie , vient de marquer le renversement des rapports de force.
En effet, l'ébranlement du monde soviétique s'est traduit par un processus majeur de rejet des Etats composant l'URSS et une volonté manifeste de leurs populations à échapper à toute emprise de la Russie et pour ce faire à se placer au plus vite sous protection des États-Unis et de leurs alliés, acceptant d'adhérer aux institutions politiques et militaires, euro-étasuniennes (OTAN et Union européenne). Le processus était bien entamé, voire en cours de parachèvement ce qui pouvait donner l'illusion de son irréversibilité et même le luxe de mettre en place des conditionnalités plus rigoureuses à l'encontre des Etats retardataires comme l'Ukraine.
On ne refait pas l'Histoire, mais force est de constater aujourd'hui que si les puissances euro-étasuniennes, dans les toutes premières années de l'effondrement de l'URSS, avaient donné à l'Ukraine la priorité pour aider à sa rupture définitive d'avec la Russie en crise et son absorption, aussi coûteuse soit-elle dans leurs institutions impériales dominantes, il aurait été autrement plus difficile, sinon impossible, l'émergence d'un tel processus de démantèlement de l'Ukraine quia commencé avec le retour de la Crimée dans le camp russe.
Plus significatif encore, la question du devenir de l'Ukraine et de la Crimée devait concerner l'Europe et particulièrement les pays européens voisins de ce lieu de tension, or les discussions tendant à rechercher et à trouver une solution politique pour éviter le pire, se déroulent exclusivement entre les Etats unis et la Russie. Ce sont Barak Obama et Vladimir Poutine et leurs plus hauts responsables diplomatiques qui s'en chargent. Le monde aujourd'hui quitte l'unilatéralisme étasunien pour entrer dans une nouvelle ère de bilatéralisme Etats unis/Russie devenant de plus en plus explicite, puisque même lorsqu'au plus fort de la crise, John Kerry et Serergueï Lavrov, se rencontrent à Paris, le 30 mars, pour convenir des bases d'une solution négociée à la crise, ils n'éprouvent pas, la moindre honte à ne pas associer à ses discussions, ne serait-ce que par courtoisie diplomatique, les représentants de l'Europe, de la France et pourquoi pas de l'Ukraine ou de l'ONU .
En ce cas d'espèce, comme ce fut ou c'est encore le cas de la multitude de guerres qui ont ravagé l'Afghanistan, l'Irak, la Syrie, le Mali ou la République Centrafricaine, l'ONU, plus dépendante que jamais des Etats unis et des puissances occidentales, aura marqué son incapacité à anticiper et résoudre les situations de conflits et de guerres. Elle finira pas sombrer dans son inutilité jusqu'à disparaître pour laisser naissance à une autre institution mondiale capable de régner sur un autre monde recomposé et animé par une humanité composée de citoyens du monde, conscients de leurs responsabilités à l'échelle locale et mondiale. La timide et laborieuse renaissance de la Russie sous l'ère Poutine, l'éveil des peuples dans les pays à économie émergente et même certains signes avant-coureurs, perçus parmi les populations révoltés lors de phénomènes éphémères appelés parfois les printemps arabes et africaines, autant d'indicateurs de transformations en profondeur de ce monde insatisfaisant.