Le Rwanda sauve l'honneur de l'Afrique
(de Djilali)
L'Ambassadeur de France s'est vu interdire de participer aux cérémonies de commémoration des 20 ans du génocide des Tutsis au Rwanda. Un fait rare dans les relations franco-africaines toujours sous l'emprise de pratiques néocoloniales banalisées, de politiques assumées pour la persistance de rapports consolidés de la ''françafrique''.
Il est vrai qu'un tel acte diplomatique exceptionnel de la part des autorités rwandaises s'inscrit dans un contexte de tension accentuée dans les rapports franco-rwandais, à un moment sensible de réexamen critique sur ce qui s'est passé ou sur ce qui a pu se passer lors des massacres perpétrés contre la population tutsie, en présence reconnue des forces armées françaises. La France, prompte à intervenir et à s'impliquer en toutes circonstances en Afrique et dans le monde arabe, considère son intervention au Rwanda lors du génocide de 1994 comme ayant répondu à un devoir d'ingérence pour apaiser les protagonistes au conflit et éviter le pire. De telles interventions, en général peu risquées pour ses troupes, sont décidées généralement unilatéralement, en lieu et place d'institutions multilatérales comme l'ONU, l'Union européenne, l'Union africaine, institutions au sein desquelles, la France a un pouvoir réel d'instrumentalisation.
Lors des événements du 7 avril et l'exclusion officielle du Haut Représentant de la France aux cérémonies commémoratives du génocide, un crime de lèse majesté a été commis par les autorités rwandaises qui venaient juste d'être réprimandées pour leur légèreté verbale, osant continuer à prétendre que le rôle des forces armées françaises durant le génocide était loin d'avoir été clarifié, tant étaient nombreux les soupçons sinon les preuves de leur implication partisane dans le génocide.
Face à une telle outrance, comme de coutume, la France, puissance tutélaire sur les proto-nations africaines prématurément affranchies du joug colonial, a décidé, unilatéralement comme il se doit, d'annuler la présence annoncée de la Ministre de la justice et de la délégation officielle aux cérémonies et de procéder à son remplacement par son Ambassadeur accrédité sur place à Kigali.
A l'occasion d'une manifestation historique de portée africaine sinon davantage, un acte de condamnation universelle des crimes de génocides, de leurs auteurs directs et de leurs complices actifs ou complaisants, ne voilà-t-il pas qu'au cœur d'un Continent conquis, un ''petit'' pays par la taille de sa superficie ou de sa population, comme par sa puissance économique ou militaire, ose prétendre à un statut de dignité et revendiquer le droit et le devoir d'exiger la réciprocité dans les rapports diplomatiques et décider souverainement de refuser la présence du haut représentant de la France au Rwanda, aux cérémonies de commémoration du génocide qu'a subi une partie de la population rwandaise, dans l'indifférence de la communauté internationale et pire encore, avec une intervention contestable d'une des plus grandes puissances du monde, au nom d'un droit d'ingérence toujours d'actualité.
L'Afrique s'éveillerait-elle ? Qu'adviendra-t-il de l'audacieux président Paul Kagame ? Ne serait-on pas tenté de lui réserver, pour l'exemple, le sort d'un précédent président africain rebelle, ce héro burkina bé un Sankara dont l'insoumission aux rapports néo-coloniaux lui a valu un assassinat vite oublié.