Obscurantisme ambiant ! Comment en prendre conscience, comment s’en-sortir ?
Tafta : un Accord euro-étatsunien bi-multinational de libre échange, en cours de négociations discrètes sinon secrètes, visant à contourner, voire à discréditer les missions chaotiques des Accords négociés au sein d'institutions multilatérales comme l'Organisation mondiale du Commerce (OMC). Malgré les rapports de forces, à tout le moins déséquilibrés et insatisfaisants, dans le système multilatéral, des Etats membres, leurs médias, leurs parlements, leurs experts, leurs sociétés civiles, même à titre symbolique, sont impliqués et peuvent faciliter la prise de conscience citoyenne et construire, si nécessaires, des campagnes de protestation et d'indignation. La décision prise hier le 12 mai par le Sénat étatsunien, y compris sa composante démocrate, pour dénoncer l'opacité outrancière du processus de négociation en cours et répondre aux campagnes naissantes de protestations d’organisations de la société civile et de syndicats, a consisté à refuser la poursuite du mandat confié à l'Autorité étasunienne spéciale de négociation, bloquant provisoirement le processus.
Hasard ou incongruité du calendrier, le même jour, mais très tôt le matin, le Conseil du 14ème Arrondissement de Paris votait, à l'initiative des associations, organisations de la société civile et des partis politiques qui ont reconstitué, à cette occasion, l'Union de gauche du début de la décennie des années 1980, un vœux, aussi symbolique fut-il, déclarant l'Arrondissement ''Zone hors TAFTA''. Ce faisant, cet Arrondissement et d'autres de Paris, comme beaucoup d'autres collectivités locales en France, s'affichent aujourd'hui, par anticipation et sans attendre la fin des négociations et l'entrée en vigeur de cet Accord, ''Zones hors TAFTA'', comme pour démontrer que l'indignation des forces populaires commencent à s'exprimer contre cette monstruosité.
Malheureusement, malgré ce volontarisme naissant, il est fort à parier que le TAFTA dans sa forme et son contenus actuels ou à peine édulcorés sera adopté un jour prochain, tant la puissance des lobbies des classes dirigeantes, ces maîtres absolus d'une mondialisation au service prioritaire des intérêts privés, est dominante. Dans cette union euro-étatsunienne en constrction, le partenenaire américain apportera dans la corbeille de mariage tous les avantages des dispositifs des Accords, signés ou en négociation, bilatéraux ou bi-multinationaux, tels que l'Accord portant sur les échanges commerciaux entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (ALENA) ou l'Accord transpacifique (TPP) ou le Traité de libre-échange des États-Unis d'Amérique avec six pays d'Amérique Latine (l'ALEAC), ou l'Accord en cours d'extension à d'autres pays d'Amérique Centrale et d'Amérique du Sud (Traité de la zone de libre échange des Amériques : ZLÉA).
L'Europe apportera de son côté les nombreux avantages des Accords de libre échange finalisés ou en cours de négociation avec l'Afrique dans sa globalité, mais aussi avec les organisations sous-régionales africaines, et également avec les pays d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique (Accord UE/ACP). Autant d'Accords et de Traités internationaux dont l'objectif principal est de réduire toutes chances d'aboutissement d'Accords multilatéraux de régulation, au plan mondial, des échanges dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou de toutes autres institutions mondiales plus efficaces, à mettre en place dans le cadre d'une réforme en profondeur du Système onusien défaillant.
L'Union européenne dont certains des vingt huit Etats membres pèsent, chacun, aux plans de la puissance économique, financière et ou militaire, bien plus que l'ensemble de l'Union africaine, n'hésite pas à améliorer les rapports de force déjà fort déséquilibré, entre les deux Unions multipliant des Accords sous-régionaux voire bilatéraux. A cet effet, l'Union européenne dans sa puissance démesurée face à son homologue africaine, incite ses partenaires africains à délaisser les Accords d'Union à Union pour des formules d'Union européenne à Unions sous régionales ou mieux encore d'Union européenne à pays africain pris individuellement. Ce fut le cas par exemple de l'Accord de partenariat économique, plus précisément de libre échange, signé en juillet 2014, à Accra, entre l'Union européenne et 16 chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, 15 Etats de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) plus la Mauritanie1. Et, pire encore la mise en place à l'initiative des européens d'Accords bilatéraux monstrueux proposés, imposés peut-on dire, par la toute puissance des 28 Etats européens aux Etats partenaires pris l'un après l'autre dans une stratégie de création de compétitions destructives et de pillage du Continent africain au bénéfice des européens. C'est le cas, entre autres, de ces nouveaux types d' Accords de libre-échange complets et approfondis (ALECA) visant à soumettre chacun des pays africains au diktat du marché européen et par le biais des Accords transatlantique (TAFTA) du marché mondial. C'est ainsi que la Monarchie marocaine négocie, avec fierté, gloire et honneur, ce type d’accord espérant tirer des avantages par rapport aux pays qui suivront, après lui, la même démarche suicidaire.
L'humanité semble s'être installée passivement dans un processus de mondialisation facilité par les progrès des sciences et des techniques en général, et par la pénétration des technologies de l'information et de la communication en particulier. L'état de mondialisation se consolide par des tendances à la globalisation tendant à faire de cette humanité domestiquée un ensemble d'une multitude de villages planétaires au sein desquels les individus fantasment et se croient être déjà ou en devenir des maîtres du monde.
On aurait pu croire que les processus de mondialisation et de globalisation allaient consolider les organisations multilatérales dans lesquelles les citoyens du monde s'impliqueraient dans des forces et des combats en faveur de la défense des droits et des devoirs de tout être humain à jouir des mêmes chances d'accomplissement et d'épanouissement. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Charte Universelle des Droits de l'Homme a constitué un moment fort de prise de conscience sur la situation fragile de l'humanité devant les risques apocalyptiques des guerres du futur. L'ONU a été mise en place par les puissances sorties victorieuses de la guerre. Cela a été fait dans l'urgence pour installer durablement les rapports de forces du moment. Cette mission première fondatrice fut de maintenir la paix de par le monde. Il est évident que cette mission de l'ONU, de son Conseil de sécurité et de ses multiples agences, fonds et programmes, aura été un échec total2.
Un constat d'échec incontestable au regard de la non réalisation des buts des Nations Unies tels que définis dans l'Article 1er de la Charte, à savoir3 : i) maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression … ; ii) développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde; iii) réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion; iv) et être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
1 Cf : https://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/les-parlements-africains-ethttps://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/les-parlements-africains-et.....Les Parlements africains et européen doivent refuser l’accord de « partenariat » économique (APE) article de Jacques Berthelot, Jean Gadrey, Susan George et Majdouline Sbaï
2 Cf. Une autre ONU pour un autre monde, ouvrage collectif ATTAC, publié par les Editions Tribord, 2010.
3 http://www.un.org/fr/documents/charter/chap1.shtml