Cet article examine de manière détaillée la réglementation et la pratique judiciaire vietnamiennes en matière de garde d’enfants après séparation ou divorce, met en perspective la notion de « résidence alternée » au sens européen, compare la situation vietnamienne avec la proposition de loi française n°819 (PPL 819) portant sur la présomption de résidence alternée en cas de désaccord, et conclut par le cas médiatique de Frédéric Chau et son soutien public à la PPL 819.
Le cadre légal vietnamien : principes et textes applicables
La discipline vietnamienne de la garde d’enfants après divorce repose principalement sur la Loi sur le mariage et la famille de 2014 ainsi que sur des textes d’application et de jurisprudence administrative. Principes clés à retenir :
- La loi privilégie l’attribution de la garde à un parent chargé « directement » de l’éducation et des soins (formule de « garde unique ») lorsque les parents ne s’accordent pas.
👉 Texte complet : Law on Marriage and Family 2014 (thuvienphapluat.vn) - L’intérêt supérieur de l’enfant est la pierre angulaire de la décision judiciaire : le juge évalue objectivement les capacités des parents (conditions matérielles, temps disponible, stabilité, aptitude à protéger l’enfant, etc.).
- Pour les enfants de moins de 36 mois, la mère est en pratique prioritaire pour l’exercice de la garde directe, sauf circonstances particulières qui l’empêcheraient de s’en occuper.
👉 Référence : blawyersvn.com – Parental rights for direct custody of children under 36 months - L’opinion de l’enfant est prise en compte à partir d’environ 7 ans, selon sa maturité, sans toutefois le transformer en décision autonome.
👉 Voir : lawnet.vn – When do children have the right to choose to live with either parent in Vietnam - Le parent non‑gardien conserve des droits de visite et l’obligation de contribuer à l’entretien de l’enfant.
Conséquence pratique : le modèle vietnamien n’instaure pas une présomption légale de résidence alternée (alternance 50/50) ; il favorise un parent « résident principal » choisi pour être celui qui élève l’enfant.
Textes, orientations récentes et clarifications (2023–2024)
👉 Resolution 01/2024/NQ‑HĐTP – Lawnet.vn
Ces dernières années, des résolutions et directives judiciaires ont précisé les critères d’évaluation que doivent appliquer les tribunaux pour statuer sur la garde. Les documents d’orientation insistent sur le caractère factuel de l’évaluation (logement, revenus, environnement familial, risques, preuves de la capacité parentale, etc.) et sur la protection contre tout risque d’abus.
Sur le terrain, des avocats spécialisés et des cabinets d’aide juridique indiquent que la garde conjointe ou des accords de garde partagée peuvent exister si les parents s’entendent et si l’arrangement sert l’intérêt de l’enfant — mais cela reste contractuel et dépend largement de la volonté parentale, plus que d’une logique légale prescriptive.
Garde alternée vs garde exclusive : quels points de différenciation ?
- Modèle vietnamien (prévalent) : garde confiée à un parent (parent « directement responsable ») + droits de visite pour l’autre parent. Priorité pratique à certaines catégories (ex. mère pour les très jeunes enfants) et appréciation au cas par cas par le juge.
- Modèle de résidence alternée (ex. PPL 819 en France) : instaure une présomption judiciaire favorable à l’alternance quand il y a désaccord entre parents, sauf preuve du contraire (danger, éloignement, violence, etc.). Le juge peut toutefois en écarter l’application si l’alternance est contraire à l’intérêt de l’enfant.
👉 Dossier législatif officiel : Proposition de loi n°819 – Assemblée nationale
En clair, la France — si la PPL 819 venait à s’appliquer telle que rédigée — irait vers une présomption d’égalité de temps de résidence en cas de désaccord, ce qui s’oppose au principe vietnamien de désignation d’un parent comme principal responsable.
Avantages, limites et risques pratiques de chaque approche
Avantages d’une présomption de résidence alternée
- Favorise le maintien du lien équilibré avec les deux parents.
- Réduit le risque d’exclusion d’un parent (souvent le père) dans la vie quotidienne de l’enfant.
- Peut stabiliser les relations parentales si bien encadrée (calendrier clair, règles de scolarité, médication, etc.).
Limites et risques
- L’alternance n’est pas pertinente si les parents vivent loin l’un de l’autre (problèmes scolaires, logistiques).
- En cas de violences conjugales, l’alternance peut exposer l’enfant ou le parent vulnérable à des risques.
- Exige un haut niveau de coopération entre parents ; sans coopération, l’alternance peut générer instabilité et conflits.
Pourquoi le Viêt Nam reste prudent
- Contexte culturel et judiciaire valorisant la stabilité d’un foyer unique pour les très jeunes enfants.
- Méconnaissance ou absence d’infrastructures sociales (médiation familiale, services de suivi) permettant de sécuriser les alternances sur le long terme.
Pratiques recommandées pour les parents et les praticiens au Viêt Nam
- Chercher un accord parental écrit : le meilleur scénario pour qu’un arrangement partagé tienne dans le temps est un accord clair, signé, qui détaille jours, vacances, frais, scolarité, santé, etc.
- Documenter les conditions d’accueil : preuves de logement, de prise en charge, de revenus, de disponibilité—pour convaincre le tribunal si nécessaire.
- Prévoir des mécanismes de médiation : la médiation familiale (privée ou associative) peut faciliter des ententes équilibrées sans recours judiciaire long.
- Veiller à l’intérêt réel de l’enfant : scolarité, maintien de réseau amical et familial, stabilité psychologique.
Conclusion : l’exemple de Frédéric Chau — quand une expérience personnelle emmène le débat public
Le cas de Frédéric Chau illustre la portée symbolique d’un témoignage personnel sur un débat juridique et social. Acteur d’origine vietnamienne très exposé en France, il a rendu public son combat pour obtenir la résidence alternée — indiquant avoir essuyé plusieurs refus judiciaires — et a exprimé son soutien à la proposition de loi n°819, déposée à l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025, visant à instaurer une présomption de résidence alternée en cas de désaccord.
👉 Article – Frédéric Chau et la PPL 819
Son engagement a contribué à médiatiser la proposition, à renforcer la mobilisation citoyenne (pétitions, réseaux sociaux) et à attirer l’attention des parlementaires.
Cet exemple français met en lumière les tensions entre logique de stabilité (telle qu’on la trouve souvent au Viêt Nam) et logique d’égalité parentale (que promeut la PPL 819) — tensions qui se jouent au plus près de la vie des enfants et des familles.