Dépourvue d’une ligne politique claire et nette, l’opposition turque est le grand perdant des élections municipales en Turquie. Même le renforcement des voix du BDP, parti kurde, ne suffit pas à calmer l’inquiétude que suscite la montée de l’extrême droite dans plusieurs provinces et villes.
Lors de son « discours de balcon » (expression utilisée pour les discours mis en scène de victoire par le parti au pouvoir), le chef du gouvernement savourait son triomphe. Au lieu d’apaiser l’inquiétude de plus de la moitié de la population, ses paroles appellent à combattre le clan de Fetullah Gulen, sombre leader d’une confrérie religieuse ayant retiré son soutien au parti au pouvoir. « Nous allons les renvoyer dans leurs grottes », disait-il hier soir, en le visant ouvertement comme cible. Avec le groupe Gulen, tous les contestataires sont également visés.
Le lendemain des résultats, Istanbul semble envahie par une vague de dépression collective. Après une participation record pour le pays, près de la moitié du pays, a décidé de continuer avec un dirigeant aveuglé par son orgueil. Le CHP, le Parti Républicain du Peuple, n’a pas fait la percée tant attendue par une bonne partie des électeurs.
Restent les leçons à tirer de ces résultats… Il n’est plus possible d’interpréter ce soutien comme une contestation populaire, comme il y a dix ans. Aujourd’hui, l’AKP au pouvoir n’est plus un mouvement sociale et sociétale, mais est devenu le nouveau visage du système étatique turc. Cependant, hormis le BDP, l’opposition se voulant « de gauche » n’a plus aucune solution à proposer.
Cette indécision et imprécision politiques ne permettent donc plus de relayer les attentes des opposants turcs. L’arrogance sans limite de M. Erdogan ne pourra être contenue que par la force de la rue, décidée à combattre l’obscurantisme, les répressions politiques et sociétales, ainsi que l’ignorance massive qui s’est installée dans le pays.
A deux mois de l’anniversaire des événements du parc Gezi, les mouvements contestataires et la mobilisation civile doivent s’organiser rapidement pour trouver une solution politique et sociale pour le pays. La société civile turque, forte d’une expérience de trente ans de contestations, devra donc assumer la mission de rassembler tous ceux qui veulent œuvrer pour un pays plus démocratique, libre et égalitaire.

La plateforme de Taksim, qui a été à l’origine de la contestation du parc Gezi l’été dernier, appelle depuis plusieurs mois tous ceux qui veulent une nouvelle gouvernance civile à signer la « Charte d’Istanbul » à travers le mouvement « Istanbul est à nous tous ! ». Cette charte vise à appeler les citoyens d’Istanbul et tous ceux qui ont un mot à dire sur la gestion de la ville à signer cette charte qui devient peu à peu une « constitution » urbaine, déjà suivie par d’autres grandes villes du pays.
Pour consulter et signer la charte (en français) : http://www.istanbulhepimizin.org/causes/sozlesme/#francaise