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Billet de blog 2 novembre 2015

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La victoire de la peur en Turquie

Dimanche soir, la Turquie est sous le choc du raz-de-marée du parti islamo-nationaliste AKP, qui remporte 49,2 % des voix. L’AKP obtient donc non seulement une majorité absolue au parlement avec 314 sièges, mais cela lui permettra de se rapprocher du score nécessaire des deux tiers requis (367) pour changer la constitution.

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Dimanche soir, la Turquie est sous le choc du raz-de-marée du parti islamo-nationaliste AKP, qui remporte 49,2 % des voix. L’AKP obtient donc non seulement une majorité absolue au parlement avec 314 sièges, mais cela lui permettra de se rapprocher du score nécessaire des deux tiers requis (367) pour changer la constitution.

Personne ne s’y attendait, pas même l’AKP. Les sondages les plus optimistes leur donnaient 45 %. Pourtant, un électeur sur deux a choisi de voter pour garder l’AKP, ou plutôt, le Président Erdogan et son entourage au pouvoir. Après les élections du 7 juin, qui voyaient fondre de 10 pour cent les voix de son parti, ce dernier a joué la carte de la terreur et de la violence durant cinq mois. Cette « politique de la peur », où Erdogan a pris la population en otage en prédisant que la violence n’arrêterait que si l’AKP obtenait la majorité absolue, a fonctionné. Après les massacres des de Suruç et d’Ankara, les électeurs sont tombé dans le piège tendu par le président, celui de l’appel à la « double guerre » contre l’Etat Islamique d’une part, et de l’autre, les rebelles du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) tendu par le président.

Petits bonheurs : les ultra-nationalistes du MHP ont reculé à 11 % et le parti progressiste pro-kurde, le HDP a passé (de justesse) le cap des 10% en obtenant 59 sièges au parlement. Sous la pression des violences consécutives contre ses sympathisants dans tout le pays, le HDP n’a pas pu faire une campagne équitable puisque tous ces rassemblements pré-électoraux ont dû être annulés par crainte d’attentat. De plus, la reprise de la lutte armée par le PKK n’a pas su dissuader ceux qui sont convaincus que PKK et HDP sont indissociables.

La moitié des électeurs qui ont voté pour les trois autres partis d’opposition (CHP, MHP et HDP) sont aujourd’hui sous le choc de devoir vivre dans un pays qui ne représente pas leurs valeurs, leurs convictions, leurs aspirations. « Nous n’avons pas pu nous débarrasser de cet Erdogan », disent-ils dans les médias sociaux. Ils sont, nous sommes inquiets pour l’avenir du pays. Espérons que l’ivresse de cette victoire apaisera la soif de guerre et de violence de l’homme fort de la Turquie. Seule possibilité, bien que dévastatrice pour le peuple de Turquie, une grande crise économique, qui balaiera la confiance de son propre électorat. Depuis plusieurs années, la bulle de l’économie turque est prête à exploser.

Par ailleurs, les dirigeants européens qui ont préféré jouer la « carte Erdogan » (pour une stabilité dans la région ? pour contenir les flux migratoires ?) devront maintenant réfléchir comment contenir la folie des grandeurs de M. Erdogan. La visite officielle du Président Hollande en Turquie en janvier 2014 (la première depuis François Mitterrand en 1992), un mois avant les élections municipales en Turquie offrait aux candidats du parti de M. Erdogan une victoire sur un plateau en or. Mme Merkel suivait le courant, en rendant visite au Président omnipotent deux semaines avant le scrutin du 1er novembre. Il va falloir aller au-delà de la realpolitik pour que les migraines passagères que leur infligeait  M. Erdogan ne virent pas en un énorme « casse-tête (de) Turc »…

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