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Billet de blog 4 janvier 2015

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Rapport Gezi : Bonne année à vous, M. Erdogan!

Le 30 décembre 2014, l’Observatoire juridique de Gezi a tenu une conférence de presse pour annoncer le Rapport intitulé : « La Turquie entre la démocratie et le totalitarisme ». Produit d’un travail collectif qui aurait duré un an et demi, le rapport d’une centaine de pages, enquêtant sur la répression des événements de Gezi de l’été 2013, est une preuve solide et structurée de la tendance totalitariste de Recep Tayyip Erdogan.

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Le 30 décembre 2014, l’Observatoire juridique de Gezi a tenu une conférence de presse pour annoncer le Rapport intitulé : « La Turquie entre la démocratie et le totalitarisme ». Produit d’un travail collectif qui aurait duré un an et demi, le rapport d’une centaine de pages, enquêtant sur la répression des événements de Gezi de l’été 2013, est une preuve solide et structurée de la tendance totalitariste de Recep Tayyip Erdogan.

Les manifestations de Gezi avaient commencé fin mai 2013, initialement pour défendre la ville et ses espaces publics, puis s’étaient transformées en un gigantesque soulèvement social, avec des revendications politiques communes des différentes composantes de la société turque. Ainsi, un jamais vu dans l’histoire de la République de Turquie, la contestation qui avait débuté à Taksim, Istanbul, avant de se répandre dans toutes les villes du pays, réussissait de rassembler des millions de personnes de toute tendance et idéologie sous un même objectif : contester contre la dérive autoritaire de M. Erdogan.

Présidé par Ibrahim Kaboğlu, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Marmara, l’Observatoire est formé de plusieurs chercheurs en droit, des avocats et des représentants d’ONG, notamment le DISK (Confédération des Syndicats d’ouvriers révolutionnaires), l’Union des barreaux de Turquie et l’ordre des Ingénieurs de l’Environnement d’Istanbul.

Le rapport dévoile les entraves  aux droits de l’Homme et la tendance totalitaire du régime actuel d’un point de vue juridique, et ce, depuis le 31 mai 2013. Par ailleurs, le rapport a pour objectif de faire connaître à l’opinion publique le processus juridique, y compris les procès en cours, et propose des solutions à la démocratisation dans le pays.

En réprimant violemment les manifestants pacifiques de Gezi, le pouvoir de l’AKP a ainsi créé une situation politique dans laquelle les droits et les libertés fondamentaux ont été bafoués, avec outrage à l’état de droit et à la démocratie. Le pouvoir a présenté le rassemblement pacifiste à Gezi comme une tentation de coup d’état et a même accentué cette accusation dans les mises en examens qui ont suivi. Tous les développements après Gezi montrent que l’on s’éloigne de plus en plus de la démocratie pour la remplacer par un régime autoritaire, voire totalitaire.

Le rapport souligne essentiellement les points ci-dessous :

-L’opposition sociétale qui a émergé avec Gezi prend sa source directement dans les politiques du pouvoir AKP. Forte de son intolérance au pillage urbain et écologique, à la confiscation de la liberté personnelle et aux interventions dans la vie privée, lassée d’un discours politique instrumentalisant le corps de la femme et de la volonté de rendre la société de plus en plus conservatrice, et intolérante devant une violence policière accrue, il est impossible de lier le mouvement Gezi à quiconque complot ou coup d’état

-Les contestations de Gezi sont tout à fait pacifistes du point de vue du droit constitutionnel et des droits de l’homme. L’interdiction systématique de ces manifestations et leur répression violente constituent une enfreinte à la loi et à la constitution.

-Suite aux manifestations, les libertés d’expression et de la presse, ainsi que la liberté de la recherche ont été violées, des centaines de personnes ont été licenciés et/ou ont fait l’objet de poursuites judiciaires.

-Les cas juridiques (enquêtes et/ou procès) ayant fait l’objet de ce rapport établissent que les personnes qui ne réclamaient que leur droit de manifester de manière pacifique ont fait l’objet des poursuites pénales démesurées, voire accusés de délits politiques graves.

-La violence démesurée et infondée utilisée par les forces de l’ordre ont couté la vie à plusieurs personnes et des centaines d’autres ont été blessés. Certaines des victimes de cette violence policière sont aujourd’hui handicapées à vie. Par ailleurs, les auteurs de ces abus et violations des droits fondamentaux n’ont pas été poursuivis ou sanctionnés par la justice turque. L’impunité a pris le dessus des sanctions.

-Finalement, pour éviter toute résurrection de la contestation populaire, de nouveaux dispositifs pour restreindre le droit d’expression et de rassemblement ont été mis en place. L’espace de libertés ainsi pris en otage, la nouvelle modification de la législation de sécurité intérieure (en cours) renforcera le pouvoir des forces de l’ordre.

Les médias européens ont (justement) couvert l’arrestation de journalistes proches du réseau de l’imam Fetullah Gülen comme une violation de la liberté de la presse et de l’expression en Turquie. Cependant, le rapport Gezi propose une perception plus profonde de la dérive totalitaire du pouvoir en Turquie.

Defne Gursoy

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