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Billet de blog 13 janvier 2015

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Un peu d’humour, M. Erdogan !

« Qu’est-ce qu’ils font là ? ». Cri étouffé qui nous remonte jusqu’aux lèvres en voyant la photo de « la nouvelle alliance de Paris ». Davutoglu, Nétenyahou, Orban, Bongo, Lavrov et bien d’autres représentants d’états où la liberté d’expression est plus que muselée, pour rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo, de Vincennes et de Montrouge, quelle ironie !

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« Qu’est-ce qu’ils font là ? ». Cri étouffé qui nous remonte jusqu’aux lèvres en voyant la photo de « la nouvelle alliance de Paris ». Davutoglu, Nétenyahou, Orban, Bongo, Lavrov et bien d’autres représentants d’états où la liberté d’expression est plus que muselée, pour rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo, de Vincennes et de Montrouge, quelle ironie ! Qu’auraient pensé Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré ? Seront-ils morts de rire, ou morts de colère d’être instrumentalisés par tous ceux qu’ils ont critiqué sans relâche depuis des années ?

Pour ne prendre que l’exemple turc, celui qui nous est le plus familier, je me souviens des dessins récents dans Charlie Hebdo signés Tignous et Charb. Lectrice fidèle mais irrégulière, la revue n’a cessé de donner de l’air sous mes ailes à chaque lecture, avec cet  humour sans limites, sans tabous, sans interdits… tellement interdits dans mon pays d’origine ! Si j’ai choisi de vivre en France, il y a quinze ans, c’est aussi pour cette liberté sans craindre ni la répression, ni la chasse aux sorcières, ni la stigmatisation, fortement coutumières en Turquie. 

De plus, avec Charlie, j’avais retrouvé le bonheur de rire de tout, même lors des moments de pire cauchemar. Je voyageai dans le temps, me rappelant comment l’humour nous avait sauvé la santé de notre esprit après le coup d’Etat sanglant de 1980, alors que j’étais à la fac. L’hebdomadaire satirique GIRGIR avait atteint les 500 000 exemplaires à cette époque, du jamais vu depuis ses débuts en 1972. Nous attendions tous les mercredis matins (triste coïncidence) la revue en noir et jaune, où on disait que (pour l’époque), tout était permis.

GIRGIR a tenu le coup sous les années de dictature militaire. La répression étant plus ou moins synonyme de putsch de par le monde, on ne s’étonnait même pas de la violence de celle-ci. Mais aujourd’hui, comment expliquer, raisonner, accepter d’être confronté sans cesse à une répression de la liberté d’expression, de pensée, de croyances (ou plutôt de non-croyance—et nous sommes nombreux en Turquie !) par un exécutif élu au suffrage universel?

                                                

Au lendemain du rassemblement du 11 janvier à Paris, le Président turc R.T. Erdogan accueillait son homologue palestinien Mahmoud Abbas à Ankara. Cela lui donnait une occasion en or pour une récupération fondée sur des propos critiques d’une autre récupération, celle de Nétenyahou. Il «  se demandait de quel droit Benjamin Netenyahou avait défilé à Paris » le 11 janvier. Question judicieuse et juste, certes.  Mais n’est-elle pas plutôt fabriquée en hâte pour répondre aux diverses interrogations de ceux qui ont vu défiler à Paris son premier ministre Ahmet Davutoglu ? Trop facile, aurait dit l’autre ! 

Mais revenons à l’humour, sans tabous, sans limites pour nous soulager du poids de toutes ces questions, qui, je le crains, ne trouveront pas de réponses dans l’avenir proche.  

Les photos de l’accueil fantasmagorique que M. Erdogan a préparé pour Mahmoud Abbas dans son nouveau palais présidentiel, surnommé « le Palais Blanc » (Aksaray), nous sont parvenues en premier d’une collègue grecque, qui envoyait la moquerie du très populaire (et populiste ?) journal du dimanche grec, Protothema. L’omni-président turc avait décidé d’accueillir son homologue palestinien avec une représentation de 16 personnes déguisées en guerriers « des 16 états turcs de l’histoire ». Tragicomique ? Oui, parce que nous savons que Tignous, Charb  et les autres auront sauté sur l’occasion pour en faire des dessins sans pitié!

Nous avons besoin plus que jamais d’humour pour survivre à la colère et la consternation que nous ressentons en voyant les larmes de crocodiles des uns et des autres de passage à Paris, qui, une fois rentrés dans leurs pays respectifs, continueront hélas, « comme d’hab ! ». Mais sans humour, on meurt…

Nous étions, nous sommes, et resterons Charlie !  

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