Comme d’habitude, les personnes intéressées n’ont pas la parole, je parle des enfants.
Entr’autres, de ceux que nous avons été.
Je n’ai pas oublié la petite fille désarmée que je regarde aujourd’hui « du haut » de mes 73 ans.
La première fois que j’ai été agressée, j’avais 5 ans ½ et cela s’est passé dans le hall de mon immeuble. J’étais accompagnée de mon frère âgé d’un an de plus que moi. L’homme m’a entraîné dans un recoin, a mis sa main dans ma culotte et ce sont certainement les cris poussés par mon frère et moi-même qui l’on fait fuir. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivais et j’ai eu très peur. Je me suis tue.
La seconde fois s’est déroulée dans les toilettes des filles à l’école primaire, je devais avoir 7 ans. Heureusement, d’autres fillettes ont dénoncé le comportement de cet homme et il a été écarté rapidement. Je doute fort qu’il ait été condamné. Je me suis tue.
La troisième fois, c’est le dernier mari de ma mère qui a mis, une nuit, sa langue dans ma bouche. J’avais 8 ans. Et là je me suis débattue et j’ai parlé. La famille a implosé. Un conseil de famille a eu lieu et je me suis retrouvée en pension. Ma mère m’a cru mais n’a rien fait. Elle avait 5 autres enfants. Et mes petites sœurs adultes au décès de notre mère, à qui j’ai fait part de mon vécu, ne m’ont pas cru.
J’ai passé toute mon adolescence à craindre qu’il récidive et il a fallu des années de psychanalyse pour ne plus me sentir coupable et accepter que je n’avais fait que me préserver puisque aucun adulte ne le faisait.
Comme me l’a dit un jour ma sœur ainée, qui vivait chez une grand-mère : « tu en a fait des histoires pour pas grand’chose ». Alors estomaquée, j’ai compris plus tard, que j’avais bien fait de parler car inéluctablement, mon silence m’aurait condamnée à d’autres agressions et vous savez, vous, où commence le viol?
C’est le silence qui conduit à l’impunité et l’impunité à la récidive.
Alors, comme le disait Desproges : on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui.
Messieurs (débatteurs masculins essentiellement) lorsque vous aurez envie de ricaner et vous insurger contre les « puritains » en lisant les BD de Bastien Vives… pensez à vos filles, vos mères, vos amies car 10% d’elles ont subi ce genre d’agression. Et quand vous fantasmerez sur des enfants, mettez vite ces pensées dans votre poubelle avec un couvercle par-dessus. Vous ne ferez que vous distinguer de l’animalité que nous possédons tous pour participer à l’évolution de notre civilisation. Et je ne peux en rire avec vous car toucher à mes cicatrices me fait encore souffrir.
Et c’est pour cela que les femmes parlent beaucoup aujourd’hui. Il est temps que les homme les entendent car cela fait des siècles que l’organisation sociale (faite par et pour eux) ne parle que d'eux.
Marion DT