L’abstention a été la grande surprise des régionales : tel est le message des politiques de droite comme de gauche aux soirs des résultats. C’était pourtant prévisible, surtout quand un sondage (LH2 du 9 décembre) rappelait que seuls 8 % des électeurs du Nord-Pas de Calais pouvaient nommer spontanément le nom de leur président de région. Ajoutez y une campagne électorale ne répondant pas aux urgences quotidiennes, l’écoeurement parait légitime…
Les journalistes, de leur côté, ont préféré faire leur choux gras sur la renaissance du Front National. Analyse facile le plus souvent, où l’incapacité à résolver le sentiment d’insécurité (le terme ‘‘sentiment’’ a toute son importance), le chômage de masse, la crise dans la durée ou encore le débat sur l’identité nationale, expliquaient ce regain populiste nationaliste.
A ce propos, je regrette que les journalistes n’aient pas eu une vision régionale du problème. Toutes les analyses parlaient du FN dans sa globalité, comme si ce vote avait la même signification sur tout le territoire. Mais comment peut-on comparer le Poitou-Charentes avec la région Nord-Pas de Calais ? Chez Ségolène Royal, les villes de 150 000 habitants n’existent pas, l’immigration s’avère quasi-nulle, les ghettos des Trente Glorieuses presque inexistants, et l’insécurité se résume majoritairement à quelques destructions de mobilier urbain. Le vote ultranationaliste n’a donc aucun sens, si ce n’est la crainte éprouvée à l’écoute des médias proche du pouvoir. Pour y être né, je sais de quoi je parle.
Que Marine Le Pen recueille 22,20 % des suffrages sur des terres péri-urbaines sinistrées, où le chômage de masse se transmet depuis deux générations, cela n’a rien de surprenant. Il suffit de faire preuve de lucidité. Face au désespoir, les extrêmes ont toujours représenté une solution dans l’inconscient collectif. « Droite et gauche ne peuvent plus rien pour vous, optez pour un vote audacieux », tente de convaincre l’avocate, dans la même veine que son père.
Les 60 % de Ségolène Royal n’ont donc rien de glorieux, surtout avec un FN absent au second tour. Le démantèlement des services publics touchent en priorité les zones rurales reculées, qui sont légion en Poitou-Charentes. Avec un représentant du gouvernement (Dominique Bussereau) comme principal opposant, la sanction semblait inéluctable. Et Ségolène Royal avait l’avantage d’être une notoriété publique beaucoup plus présente dans les médias que Daniel Percheron (président socialiste du Nord-PDC), ce qui permet de mettre en avant son bilan de manière plus fréquente. Pour preuve, le même sondage faisait de l’ex-candidate à la Présidentielle la responsable de région la plus connue, avec 85 % des électeurs capables de la citer spontanément.
Le choix du vote FN en région Paca a encore une autre explication. Il serait bon que les analystes politiques le comprennent et évitent de proposer un commentaire commun face à des réalités divergentes.