Après avoir lu le parti pris de François Bonnet et les commentaires qui s'y rapportent, je voudrais tenter une analyse qui fasse un tant soit peu abstraction des individus ce qui dans un pays comme l'Italie (où la surmediatisation communicante sur toutes les petites phrases et la psychologie des candidats remplit tout l'espace public et privé) est une véritable gageure.
L'Italie boit jusqu'à la lie le maintien, contre vents et marrées, du système electoral que nous avons connu sous la 4ème République en France et contre lequel De Gaulle a édifié la 5ème. L'incapacité à réformer la loi electorale pour aller vers un système plus majoritaire à l'allemande ou à la française est sans doute, du point de vue institutionnel et politique le plus grave échec des dernières décennies, tous gouvernements et tendances politiques confondus.
Le retour de Berlusconi est à mettre sur le compte de cette incapacité. Il serait trop long de faire l'historique de cette réforme nécessaire pour laquelle de nombreuses tentatives n'ont abouti à rien. Si l'on considère ce fait crucial, on est d'autant plus étonné de voir les analyses des éléctions italiennes se focaliser sur les mérites ou les faiblesses de Prodi, Berlusconi, Veltroni ou Bossi.....
Ces bêtes politiques sont en réalité, en raison du système politique et de l'ingouvernabilité de l'Italie et malgré tout leur charisme politique ou populiste, de véritables nains dans la gestion politique de l'"entreprise Italie" (pour reprendre l'expression de Berlusconi 2).
Pour bien comprendre ce qui se passe en Italie, seule une analyse en termes de cercle vicieux est éclairante : En raison de sa faiblesse et de son émiettement la classe politique de gauche comme de droite reste incapable de résoudre les problèmes économiques, politiques et sociaux du pays
Structurellement et historiquement l'Etat italien est faible sinon inexistant comme en témoigne son incapacité à combattre et éradiquer la mafia ou à instaurer et conduire une politique fiscale ou encore la cogestion des déchets avec la mafia. Les citoyens livrés à eux mêmes (et non pas ceux dont la richesse leur permet de se passer des politiques publiques comme la santé) ne font plus confiance à l'Etat et donc aux hommes politiques dans la résolution concrète de leurs problèmes quotidiens. Alors ils s'abstiennent ou s'ils votent, ils le font, dans le cas présent, pour Berlusconi.
Et pourquoi Berlusconi et pas Veltroni ? Parce que "il professore" Prodi est passé par là et ne pouvait que décevoir les italiens étant donné que sa majorité attrappe tout, écartelée entre l'extrême gauche et le centre droit, était incapable d'entreprendre les réformes structurelles aujourd'hui vitales pour l'Italie. Les italiens en ont assez des discours politiques et des effets de tribune (sauf peut être encore ceux de Berlusconi) : ils voient que rien ne change pour eux et que l'Italie des PME sans fonds propres se fait racheter par des entreprises étrangères ou délocalisent en Europe centrale ce qui fait dire à la nouvelle Président de la Confindustria (Medef italien) : "nous avons gardé en Italie la production de qualité, et délocalisé le reste. L'essentiel, c'est que la matière grise reste en Europe "
Ainsi il faut se résoudre à ne plus tirer sur les ambulances que sont les hommes politiques italiens pour faire porter notre attention (comme a tenté timidement de le faire Veltroni avant d'être emporté dans le maelstrom médiatique où Berlusconi domine largement) sur les réformes institutionnelles, economiques et sociales cruciales à engager très rapidement.
Le peuple italien désepéré a donné à Berlusconi (considéré encore comme un entrepreneur riche ayant réussi et non comme un professionnel de la politique) une majorité (bien plus nette que celle de Prodi) lui assurant une stabilité gouvernementale pour 5 ans.
Savoir ce qu'il va en faire est une autre question.