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Billet de blog 24 août 2022

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Texte-témoignage d'une contractuelle de l'éducation nationale

Se faire radier de la liste des lauréats du CAPLP interne le jour de la nomination en tant que stagiaire : c'est ce qu'il m'est arrivé. Je publie ce texte/témoignage afin de lancer un appel à l'aide et réveiller les consciences.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte où notre pays peine à recruter de nouveaux professeurs, je souhaite vous alerter sur ma situation personnelle qui est pour le moins incohérente…

Voilà cinq années maintenant que je travaille au sein de l’éducation nationale en tant qu’enseignante en Sciences et Techniques Médico-Sociale (STMS). Cinq années sous le statut de contractuel, à rendre service à cette institution que je vois souffrir et se dégrader d’année en année.

Tout le long de mon parcours, j’ai pu évoluer, apprendre de mes collègues qui dans la grande majorité ont été d’une bienveillance sans précédent. Ce sont eux d’ailleurs, ainsi que mes chefs d’établissement et inspecteurs de discipline qui m’ont poussé à passer le concours en interne dans ma matière en m’encourageant et en me rappelant que j’étais une bonne pédagogue et que, si je me présentais à ce fameux concours, je l’aurais.

Alors en cette année 2022, je tente pour la deuxième fois d’accéder au corps des professeurs en lycée professionnel par la voie du concours CAPLP interne d’STMS. Au mois de décembre, je fais un nouveau dossier RAEP dans lequel je suis censée présenter en deux pages mon parcours de professeur, témoin qu’il m’a permis d’acquérir les 14 compétences communes à tous les enseignants. Le reste du dossier constitue en une présentation d’une séquence pédagogique selon les mêmes exigences demandées à un étudiant d’un master MEEF. Tout comme à ma première tentative, ce dossier est validé et me voilà partie pour l’épreuve orale, qui se déroulera au mois d’avril.

Mais c’était sans compter la survenue, à deux semaines de cette dite épreuve, d’une ombre au tableau. Alors que le bureau chargé d’étudier la recevabilité des candidatures au concours avait mon dossier depuis le mois de janvier, ces derniers m’envoient un mail pour m’alerter qu’ils rencontrent des difficultés à reconnaître mon niveau de diplôme. En effet, j’ai validé mes deux premières années d’école infirmière et une grande partie de la troisième année, sans obtenir le diplôme car j’ai souhaité arrêter mes études pour des raisons personnelles. La validation de ces semestres me confère un niveau d’étude post-secondaire compris entre le bac +2 et le bac +3. Le responsable de mon dossier me demande une attestation de réussite afin d’avoir un document officiel pour valider mon dossier. Chose que je m’empresse de faire faire à mon ancienne école infirmière. Une fois le document en leur possession, on envoie mon dossier au ministère pour étude, mais, on m’assure qu’il n’y aurait aucun souci à sa validation. On me conseille donc vivement d’aller à l’épreuve orale de mon concours.

Je m’exécute, la boule au ventre entre le stress lié à l’épreuve même, mais aussi, quant à la validation de mon dossier. Quelques jours plus tard, les résultats tombent et je vois apparaître sur la liste des lauréats mon nom. Quelle fierté et quel soulagement, après toutes ces années en contrats précaires, à ne pas être certaine d’avoir un poste, un temps plein à chaque rentrée, à déménager chaque année, de pouvoir goûter enfin au luxe de la stabilité professionnelle à l’âge de 29 ans. Quel apaisement de pouvoir me dire que je pourrai enfin, avec mon compagnon aussi enseignant titulaire, entreprendre des projets personnels sur le long terme (fonder une famille, contracter un prêt pour devenir propriétaire, …). J’avais enfin mon identité professionnelle après plusieurs années de combat et de travail.

Les semaines passent, je réalise mes vœux pour choisir mon académie de stage et le 8 juillet, j’apprends que j’obtiens l’académie de Créteil, mon académie actuelle.

Mais, 5 jours plus tard, le drame : je reçois une lettre en RAR m’informant de la radiation de mon nom de la liste des lauréats de mon concours car mon niveau de diplôme ne convient pas. Le courrier est signé du 8 juillet. C’est-à-dire que le même jour, on est capable à la fois de me nommer en tant que stagiaire au sein d’une académie et, me radier d’une liste de lauréats d’un concours.

La raison : je n’ai pas un titre ou un diplôme bac +2 mais juste un niveau d’étude bac +2. De plus, depuis le Covid, un arrêté stipule que le bureau chargé de l’étude de la recevabilité des dossiers se réserve le droit de vérifier les dites-conditions d’accès au concours jusqu’au jour de la nomination du candidat.

Donc en résumé, voilà maintenant cinq années que mon niveau de diplôme ne gène en rien pour être recrutée en qualité de contractuelle, et donc, être payée au rabais pour effectuer les mêmes missions qu’un titulaire. Cependant, pour être recrutée de façon pérenne malgré l’avis positif d’un jury constitué d’inspecteurs, d’une expérience de cinq années en tant qu’enseignante, d’un cursus d’étude correspondant au champ de compétence de la matière que j’enseigne ne peut être possible ? Tout cela pour une subtilité administrative ? Dans un contexte où l’on manque cruellement de professeurs ? Qui plus est dans l’académie dans laquelle j’exerce ?

Comment peut-on me dire qu’humainement il est compliqué d’évaluer un dossier sous un délai de 4 mois ? Comment humainement, peut-on m’enlever une chose que j’ai mérité par le fruit de mon travail ? Comment peut-on me dire décemment que si j’avais été mère de trois enfants ou sportive de haut niveau, je n’aurais pas eu besoin de diplôme et, par conséquent, aurais pu garder le bénéfice de mon concours ?

Sans compter que malgré cette décision, j’ai tout de même obtenu une affectation dans un établissement de l’académie de Créteil, et, que j’ai dû justifier auprès du proviseur de cet établissement qu’il n’aurait pas de stagiaire, de professeur, cette année scolaire sur un poste…

Voilà maintenant cinq années que je travaille pour l’éducation nationale et que je peine à comprendre parfois la cohérence de son fonctionnement et de ses décisions.

Je vais donc effectuer ma 6ème rentrée de professeure en tant que contractuelle, le cœur lourd, avec l’immense regret que je ne pourrai jamais être enseignante titulaire…

J’écris donc cette lettre, dans un ultime espoir que l’on me vienne en aide.

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