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Billet de blog 8 mars 2025

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Les deux visages des États-Unis : idéal démocratique et violence institutionnelle.

Trump, une surprise pour qui ? Si l’Europe a été sidérée par Trump, c’est sans doute parce qu’elle a longtemps voulu croire à une version idéalisée des États-Unis. Mais l’histoire américaine est faite d’un équilibre précaire entre idéaux démocratiques et réalités brutales.

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Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’image des États-Unis s’est largement construite à travers le soft power : Hollywood, les grandes universités comme Harvard et le MIT, la Silicon Valley, la conquête spatiale, le jazz et le rock’n’roll, l’idée d’un pays terre d’immigration et de liberté. L’Amérique de la Déclaration d’Indépendance (1776), de la Constitution (1787), des droits civiques et du rêve américain est celle que l’Europe a souvent voulu voir.

Mais l’autre face de l’Amérique, plus brutale, a été tout aussi déterminante. L’histoire américaine est marquée par des dynamiques d’exploitation, de violence et d’inégalités systémiques qui expliquent en partie l’émergence de figures comme Trump.

L’exploitation des hommes et des ressources : une constante

Dès les débuts de la colonisation européenne, le territoire américain a été conquis au prix de l’extermination des peuples autochtones. Les guerres indiennes, les traités systématiquement trahis, le massacre de Wounded Knee (1890) et les politiques d’assimilation forcée ont été des éléments structurants du développement du pays.

L’économie américaine s’est ensuite appuyée sur l’esclavage, qui a été un moteur essentiel de l’accumulation de richesses, notamment dans le Sud. Le système esclavagiste, aboli tardivement en 1865 après la Guerre de Sécession, a laissé des séquelles profondes avec les lois Jim Crow, la ségrégation, et aujourd’hui encore, les inégalités raciales massives. Michelle Alexander, dans The New Jim Crow (2010), montre comment le système carcéral contemporain perpétue les discriminations raciales à travers la criminalisation massive des Afro-Américains.

L’exploitation des ressources naturelles a également été une constante. L’or, le charbon, le pétrole et le gaz de schiste ont été extraits sans limites, causant des dégâts environnementaux majeurs. Le Dust Bowl des années 1930, brillamment décrit par Steinbeck dans Les Raisins de la colère, est une illustration des excès de l’exploitation agricole à outrance et de l’impact social d’un capitalisme sauvage.

L’impérialisme américain : entre coups d’État et interventions militaires

Dès le XIXe siècle, la politique américaine s’appuie sur une doctrine expansionniste. La Doctrine Monroe (1823) affirme la mainmise des États-Unis sur le continent américain, ce qui justifiera une longue série d’interventions en Amérique latine. Au XXe siècle, la CIA soutiendra des coups d’État et des dictatures militaires :
 • Guatemala (1954) : renversement du président Jacobo Árbenz pour protéger les intérêts de la United Fruit Company.
 • Chili (1973) : soutien au coup d’État de Pinochet contre Salvador Allende.
 • Nicaragua (années 1980) : financement des Contras contre le gouvernement sandiniste.

Ces ingérences se poursuivent au Moyen-Orient, avec la guerre d’Irak (2003), justifiée par des mensonges sur des armes de destruction massive, et plus récemment le retrait brutal d’Afghanistan en 2021, qui a laissé le pays aux mains des Talibans.

La violence et le capitalisme : un cocktail explosif

Les États-Unis sont l’un des rares pays développés où la violence par arme à feu est une pandémie sociale. Avec près de 400 millions d’armes en circulation et des fusillades de masse régulières, le droit au port d’armes, sanctuarisé par le 2e amendement, est défendu au nom de la liberté individuelle, au mépris des conséquences humaines.

Le capitalisme américain, ultra-libéral, favorise les inégalités extrêmes. En 2020, les trois Américains les plus riches (Jeff Bezos, Elon Musk et Bill Gates) possédaient plus de richesses que la moitié de la population américaine réunie. Le coût de la santé est prohibitif, l’éducation supérieure est inaccessible pour les classes populaires, et l’absence de régulation sociale exacerbe les fractures.

Trump : le symptôme plus que la cause

Donald Trump ne représente pas une rupture mais l’aboutissement d’une dynamique de longue date. Son slogan Make America Great Again s’inscrit dans une nostalgie réactionnaire pour une Amérique blanche, dominatrice et agressive. Sa politique de repli isolationniste, son mépris des normes démocratiques et sa glorification du capitalisme débridé sont des traits que l’on retrouve tout au long de l’histoire américaine.

Son élection en 2016 a révélé la colère d’une classe moyenne blanche paupérisée par la mondialisation et délaissée par le Parti démocrate. Mais elle a aussi montré le poids des courants nationalistes, racistes et complotistes qui ont toujours existé aux États-Unis, du Ku Klux Klan à l’Alt-Right actuelle.

L’assaut du Capitole du 6 janvier 2021 est un événement majeur, mais il s’inscrit dans une longue tradition de violence politique. Ce n’est pas la première fois que la démocratie américaine est en danger : la Guerre de Sécession (1861-1865), la montée du maccarthysme dans les années 1950 ou encore l’assassinat de figures comme JFK et Martin Luther King témoignent de la fragilité de ce système.

Trump, une surprise pour qui ?

Si l’Europe a été sidérée par Trump, c’est sans doute parce qu’elle a longtemps voulu croire à une version idéalisée des États-Unis. Mais l’histoire américaine est faite d’un équilibre précaire entre idéaux démocratiques et réalités brutales. Trump n’est pas une anomalie mais un révélateur. Il a poussé à l’extrême des tendances profondes du pays : le populisme, l’inégalité, la violence et l’exploitation économique.

L’enjeu aujourd’hui est de savoir si les États-Unis peuvent dépasser cette phase de crispation ou si la dérive autoritaire, amorcée sous Trump, va s’amplifier avec la montée des mouvements d’extrême droite. Mais quoi qu’il arrive, l’Amérique de Trump n’est pas nouvelle. Elle a toujours été là, tapie dans l’ombre de ses mythes.

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