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Billet de blog 17 février 2025

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Liberté et démocratie : contre l’engourdissement, un nouvel humanisme en acte

La liberté et la démocratie ne s’effondrent pas en un instant, balayées par un coup d’État ou un décret autoritaire. Elles meurent lentement, d’abandon en renoncement, dans l’indifférence généralisée.

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« La liberté commence où l’ignorance finit. » – Victor Hugo

La liberté et la démocratie ne s’effondrent pas en un instant, balayées par un coup d’État ou un décret autoritaire. Elles meurent lentement, d’abandon en renoncement, dans l’indifférence généralisée. Ce ne sont pas tant les régimes autoritaires qui les détruisent, mais la passivité, le repli sur soi, la peur et l’acceptation insidieuse d’un monde où la vérité devient relative, où la rationalité est moquée, où la fraternité est perçue comme une naïveté.

Les nouveaux maîtres du capitalisme n’ont plus besoin de violence visible pour imposer leur domination. Ils excellent dans l’art de l’engourdissement des consciences : psychotropes numériques, propagande algorithmique, marketing neuronal qui transforme nos désirs en servitude volontaire. Ce qu’ils nous proposent, ce n’est pas un repos, mais un sommeil profond, celui qui précède la mort de l’humanisme. George Orwell et Aldous Huxley l’avaient anticipé : l’oppression moderne ne passe plus par la terreur, mais par le divertissement, par l’infobésité qui noie l’essentiel dans l’anecdotique.

Nous ne pouvons plus nous réfugier dans le confort des débats historiques sur ce que nous aurions fait en 1940 ou en 1973. Nous y sommes. Le moment politique exige un choix immédiat, une prise de conscience que l’histoire ne se répète pas mais bégaie. Sommes-nous prêts à abandonner sans résistance ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains ?

Un combat moderne : vérité, dialogue et humanisme

L’urgence n’est pas seulement de sauver la démocratie, mais aussi de préserver la vérité et la possibilité d’un dialogue rationnel et fraternel. L’ère de la post-vérité et de la manipulation des émotions fragilise notre capacité à penser ensemble un avenir commun. Comme le rappelait Hannah Arendt :

« Le résultat d’un remplacement cohérent des faits par des mensonges n’est pas que le mensonge sera désormais accepté comme vérité et que la vérité sera diffamée comme mensonge, mais que le sens avec lequel nous nous orientons dans le monde réel est détruit. »

La démocratie ne peut survivre sans vérité, sans confiance minimale dans le savoir et la raison. Or, paradoxalement, jamais dans notre histoire la science, la culture, le savoir et l’éducation n’ont été aussi puissants. Jamais nous n’avons eu autant d’outils pour comprendre le monde, pour soigner, pour éduquer, pour relier les êtres humains. Pourtant, ces forces sont trop souvent détournées, mises au service d’une marchandisation du vivant, d’un contrôle social accru, d’une instrumentalisation de l’ignorance plutôt que de son dépassement.

Remettre le savoir au service des hommes et des femmes

Nous devons refuser ce détournement et réorienter les formidables ressources de notre époque vers un véritable humanisme. Il ne s’agit pas simplement d’accumuler du savoir, mais d’en faire un levier d’émancipation, de solidarité et de progrès réel pour toutes et tous. Comme le disait Albert Camus :

« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande encore. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. »

Ne pas défaire le monde, c’est refuser la brutalisation des existences, la destruction de l’environnement, la montée des inégalités, la fragmentation des sociétés en bulles irréconciliables. C’est comprendre qu’une démocratie ne repose pas seulement sur des institutions, mais sur des citoyens en bonne santé - et cela ne signifie pas seulement l’absence de maladie, mais un bien-être intégral, physique, mental et social.

Un peuple éduqué, en bonne santé, est un peuple libre. C’est pourquoi nous devons repenser nos priorités : mettre la science et la technologie au service du soin et non du contrôle, développer une éducation qui ne soit pas une simple adaptation aux exigences du marché mais un éveil à la pensée critique, favoriser un dialogue public où la rationalité et la fraternité ne soient pas perçues comme des faiblesses mais comme des forces.

Nous avons encore le choix. Nous avons encore les moyens. Mais la fenêtre se referme. Le combat n’est pas nostalgique, il est profondément moderne : il s’agit d’inventer un nouvel humanisme en acte, une résistance qui ne soit pas seulement un refus, mais une construction. Refusons l’engourdissement, réapprenons à penser et à rêver ensemble.

Stéphane Delpeyrat-Vincent

Maire de Saint-Médard-en-Jalles

Vice-président de Bordeaux Métropole

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