Il ne suffit pas de se dire patriote pour servir le pays. Il ne suffit pas de brandir la sécurité, l’immigration ou l’identité pour faire une politique. Le Rassemblement national prétend parler au nom du peuple, mais il parle surtout à ses peurs. Il multiplie les slogans, mais évite les réponses. Il répète le mot « immigration » comme un totem, mais reste muet sur ce qui construit une nation : la production, l’école, la santé, la culture, la souveraineté. Car gouverner, c’est autre chose que désigner des boucs émissaires. Gouverner, c’est prendre les problèmes à la racine. C’est construire une stratégie de puissance, une société juste, un avenir commun. Et ce que propose aujourd’hui le RN, c’est exactement le contraire : une illusion identitaire qui détourne l’attention, divise la société et fragilise la République.
Le RN prétend rétablir l’ordre républicain, mais il commence par le déformer. En réduisant systématiquement l’insécurité à l’immigration, il détourne l’attention des causes réelles : la pauvreté, le décrochage scolaire, les trafics, les violences intrafamiliales, le manque de moyens de la justice et de la prévention. Il est plus facile de désigner « l’étranger » que de regarder en face les fractures sociales, éducatives, territoriales. Or, les faits sont clairs : la majorité des infractions sont commises par des Français. Les violences qui minent le quotidien — celles qui se passent dans les foyers, les transports, les quartiers — relèvent moins de l’origine que de l’abandon. Ce qu’il faut, c’est une vraie politique républicaine de sécurité : des policiers formés et respectés, une justice dotée de moyens, des politiques de médiation, de réinsertion et de présence sur le terrain. La sécurité sans justice, c’est l’arbitraire. Avec le RN nous n’aurons que l’arbitraire .
L’école est en crise. Mais pas à cause de l’immigration. Elle est en crise parce qu’on a déserté les missions de l’État éducateur : désorganisation du service public, désaffection du métier d’enseignant, creusement des inégalités sociales et territoriales. Là encore, le RN détourne la colère vers des élèves d’origine étrangère, quand les vraies fractures sont économiques et sociales. Une politique digne de ce nom exigerait : plus de professeurs, mieux formés, mieux rémunérés ; des moyens renforcés dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires ; une école de l’exigence, mais aussi de l’émancipation ; une culture commune fondée sur la langue, l’esprit critique, la laïcité. Là où l’extrême droite divise, il nous faut unir.
La crise du logement est bien réelle, mais l’immigration n’en est pas la cause. Ce sont les politiques de désengagement de l’État, la spéculation immobilière, la faible production de logements sociaux, le manque de planification écologique qui en sont responsables. Accuser les étrangers, c’est éviter de remettre en cause le démantèlement des politiques publiques depuis vingt ans. Or, un vrai plan logement exigerait : la construction massive de logements accessibles, la régulation des loyers dans les zones tendues, la lutte contre les logements vacants, un investissement public dans la rénovation thermique. Bref, une politique de justice spatiale et sociale — et non un discours de rejet.
Le RN prétend défendre le pouvoir d’achat. Mais il refuse d’augmenter le SMIC, de revaloriser les salaires des fonctionnaires, de réindexer les prestations sociales sur l’inflation. Il veut baisser les impôts tout en maintenant — voire en augmentant — les dépenses publiques. Il promet l’impossible, avec pour seul financement des économies imaginaires sur l’immigration. Or, toutes les études sérieuses montrent que l’immigration ne coûte pas ce que le RN affirme : elle rapporte à long terme par le travail, les cotisations, la consommation. Et surtout, le vrai levier du pouvoir d’achat, ce sont les salaires, le logement, la fiscalité, l’énergie. Une politique économique cohérente suppose une redistribution réelle, pas un tour de passe-passe.
En matière d’emploi, le RN est d’un silence assourdissant. Aucune vision industrielle, aucune réflexion sur la transition écologique, et même désormais un rejet démagogique, aucune stratégie de formation, aucun investissement productif. Rien sur les grands défis économiques : robotisation, souveraineté énergétique, transition numérique, bifurcation écologique. Or, ce sont précisément ces défis qui créeront — ou non — les emplois de demain. Il faut relocaliser des chaînes de valeur, renforcer les filières industrielles, agricoles, sanitaires, numériques, investir dans la recherche, l’éducation, l’adaptation aux nouveaux métiers. Refuser de le faire, c’est organiser le déclin.
L’immigration est un sujet sérieux. Elle mérite une politique digne, équilibrée, républicaine — pas une obsession électorale. La République doit garantir le droit d’asile, principe fondateur du droit international, qui engage notre dignité. Fuir la guerre ou la dictature n’est pas un choix, c’est une détresse. La France doit accueillir avec discernement, humanité et rigueur. Elle doit défendre le regroupement familial, trop souvent caricaturé. Il ne s’agit pas d’un abus, mais d’un droit : celui, pour un Français, de vivre avec son conjoint étranger, pour un enfant, de grandir auprès de ses parents. La famille n’est pas une variable d’ajustement. La République doit organiser l’immigration économique de manière transparente, encadrée, discutée avec les partenaires sociaux, en fonction des besoins du pays, secteur par secteur, région par région. Et elle doit lutter contre l’immigration clandestine par un travail sérieux de coordination : inspection du travail, douanes, police, fisc, coopération avec les pays d’origine, sanctions contre les employeurs fraudeurs. Bref, fermeté et humanité ne s’opposent pas. Elles se complètent dans une République sûre d’elle-même.
La laïcité est l’un des piliers de notre pacte républicain. Mais elle est dévoyée par ceux qui ne visent qu’une religion, et qui l’utilisent pour exclure plutôt que pour unir. Ce n’est pas la laïcité, c’est sa trahison. La laïcité, la vraie, repose sur trois principes : liberté de conscience — chacun est libre de croire ou de ne pas croire ; neutralité de l’État — aucune religion n’est favorisée, mais aucune n’est stigmatisée ; égalité de traitement — toutes les croyances sont soumises aux mêmes lois, sans privilège ni humiliation. Ce principe doit être défendu, enseigné, appliqué. Il est un rempart contre les extrémismes, pas un prétexte pour diviser. La République ne reconnaît que des citoyens, non des identités figées. Là où le RN cherche à opposer, la laïcité républicaine permet de vivre ensemble.
L’identité française n’est pas en danger. Elle évolue, se transforme, se nourrit, mais elle reste forte de son histoire, de sa langue, de sa culture, de sa République. Ce n’est pas un héritage figé, c’est une promesse partagée. La France n’a jamais été une île close, mais une nation ouverte, généreuse, exigeante. Être patriote, ce n’est pas avoir peur. C’est avoir confiance. Je n’ai pas besoin de haïr pour aimer mon pays. Il me suffit de croire en lui et de vouloir le rendre meilleur.
Le RN promet plus d’État, mais refuse l’impôt. Il prétend défendre le peuple, mais nie la réalité des besoins sociaux. Il critique l’Union européenne, mais ne propose rien de crédible. Et surtout, il menace les fondements de la démocratie : mépris pour les juges, les journalistes, les contre-pouvoirs ; confusion entre État et parti ; volonté de court-circuiter les institutions. Mais il y a une autre faiblesse que le RN ne veut pas voir : sa vision de la France la coupe du reste du monde. Une France forte n’est pas une France enfermée. C’est une France capable de coopérer, de négocier, de peser dans les grandes décisions planétaires. Cela suppose une diplomatie digne, des alliances solides, une action extérieure cohérente. Or, les défis du XXIe siècle ne se règleront pas seuls : la guerre, le terrorisme, les migrations climatiques exigent une réponse collective ; la lutte contre la drogue, les mafias et les réseaux appelle une coopération judiciaire et policière ; le réchauffement climatique, la crise énergétique, les pandémies exigent des accords globaux ; même l’économie — chaînes de valeur, régulations financières, lutte contre l’évasion fiscale — est mondiale. La France ne peut être forte à l’intérieur que si elle est respectée à l’extérieur. Se refermer, insulter ses partenaires, rompre les équilibres internationaux , brandir la souveraineté comme un étendard vide, c’est affaiblir notre poids diplomatique, économique et stratégique. Le RN ne construit pas une souveraineté. Il isole. Face à Trump , à la Russie et à la Chine c’est le contraire que nous devons faire .
La République ne peut pas être remplacée par un fantasme identitaire. Elle doit être refondée par un projet politique : celui d’un pays qui soigne, protège, élève, éduque, crée. Un pays qui sait d’où il vient et où il va. Un pays qui ne cède ni au repli ni à la violence. Nous vivons un moment grave. Il appelle une réponse forte, lucide, juste. Pas une fuite en arrière. La France n’a pas besoin d’ennemis. Elle a besoin de confiance. Elle n’a pas besoin d’un sauveur. Elle a besoin de courage collectif. Elle n’a pas besoin du Rassemblement national. Elle a besoin de République.