L'HOMME DE LONDRES
Après La fille de Monaco, L'homme de Londres, de Béla Tarr, présenté au Festival de Cannes.
Un très beau film. Lumineux. Sonore.
Béla Tarr me rappelle avec ses longs plans pourquoi j'aime tant le noir et blanc.
La fille sur le pont de Patrice Leconte m'avais subjuguée. Vanessa Paradis était éblouissante. Nous sursautions au rythme des lancers de poignards, les lèvres pincées, le coeur serré. J'étais lycéenne, et le film m'avait bouleversée : impossible de rester insensible à cette esthétique noir et blanc qui rendait palpable le danger, qui sublimait le désir.
Cette référence vous étonne sans doute, mais à chacun ses souvenirs.
Ici, c'est plus noir. C'est du Simenon.
Dans le silence pesant de ce sombre drame, les bruits claquent. Le léger clapotis des vagues se brisant irrégulièrement sur la jetée, ou sur le flanc du bateau. Le tchoutchou hoquetant de la locomotive s'activant doucement, lentement.
J'ai la bouche sèche. Le film n'avance pas, mais rien ne m'échappe, mon attention ne faiblit pas. Le bruit des billets froissés que l'homme sort de la valise me sort quelque peu de ma torpeur.
Mais quel est ce film étrange, sombre, humide ?
Où suis-je ? Les ombres sur les murs de la salle semblent prolonger celle de l'écran. C'est l'espace d'un cinéma total, l'expression d'un poème lumineux que nous créons à la force de notre regard.
Mais je ne suis qu'une fille de Paris, déroutée par l'homme de Londres. Je marche rue de Lappe, au milieu des bars de Bastille, dans les derniers rayons du soleil. Les images se télescopent. Expérience détonante...
L'homme de Londres, un film de Béla Tarr,
avec Tilda Swinton, Miroslav Krobot, Volker Spengler, Agi Szirtes