Et une nouvelle critique de Feux ! Une !
Après un premier aperçu de Rudimentaire au cours d'une répétition, nous savions à quoi nous attendre lorsque nous nous sommes rendus au spectacle Feux, le 13 juillet. Seuls les décors, essentiellement constitués de vitres transparentes, furent une surprise. Cette première impression, troublante, était restée gravée dans nos mémoires. L'absurdité et la puissance de cette « représentation » avaient frappé nos esprits, et plus particulièrement ceux des « spectateurs » ayant lu la pièce.
Un lecteur non averti se trouve confronté à une situation tragique et glauque ; le sinistre et le misérable de la situation laissent imaginer une représentation réaliste de la chose. Mais Daniel Jeanneteau a sans doute raison lorsqu'il suppose que la pièce risquerait de tomber dans un pathos extrêmement lourd pour le spectateur. En y apportant une surdose d'absurde (aspect présent à l'origine dans le texte), il lui offre une respiration sans pour autant contredire l'oeuvre. Il fait ressortir l'aspect comique de cette situation de misère, tout en redoublant l'horreur de cette même situation, chaque aspect renforçant l'autre. Entre le rire, la stupéfaction et l'horreur, justement, les barrières sont rompues. Le spectateur éclate de rire au cri d'une mère découvrant son enfant mort. Peut-on créer une situation plus paradoxale, plus déchirante, plus monstrueuse ?
Pourtant, c'est un fait : nous rions. La misère de ces gens, leurs conditions de vie extrêmement difficiles les poussent à agir de manière a priori absurde, et nous rions. Leur comportement est aberrant, on aimerait les croire fous. Mais ils ne sont qu'hommes désespérés, déshumanisés. Sur scène, des animaux en cage. L'urgence ? Manger, boire. Vivre. S'il n'y a plus de ressources, ils veulent mourir. Comme si c'était aussi simple que ça.
Après Rudimentaire, représentation époustouflante, La Fiancée des Landes. Après la lumière blafarde et intense, l'obscurité. Après les cris, les murmures. Les comédiens en jeu sont éclairés ponctuellement et individuellement d'une douce lumière jaune -- comme par des Feux ! Les vitres, toujours présentes, font barrière entre le réel et le rêve, entre cette femme et ces parents, ses parents, inconnus, qui la réclament et bouleversent sa vie. Face au spectateur, chacun reste dans sa bulle, tout en cherchant à entrer en contact avec l'autre. Après la force et la vivacité de Rudimentaire, on se laisse transporter par la rêverie poétique des voix et des lumières.
Le texte de Forces, troisième pièce, est aberrant et incompréhensible. Composé de mots, de suites de mots incohérentes, d'interjections et de cris, de rires... et de didascalies, principalement, il ne laisse au metteur en scène aucun autre choix que celui de le suivre à la lettre ce qui est écrit. C'est ce qu'ont fait Daniel Jeanneteau et ses comédiens. Cette fois, le jeu est l'élément principal et essentiel de la pièce. La folie hystérique de « Elle » (Dominique Reymond) n'a échappé à personne. Mais l'incompréhension, le doute, l'instabilité des autres personnages troublent tout autant. On observe quatre individus aux relations complexes, aux sentiments confus et jamais clairement exprimés. Un étrange patchwork de ce que peut être l'âme humaine.
Noémie N.