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Billet de blog 24 juillet 2008

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PLEINS FEUX sur AVIGNON

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FEUX (trois pièces courtes)

d'August Stramm

Mise en scène de Daniel Jeanneteau et de Marie-Christine Soma

AVIGNON 2008 - Gymnase Aubanel

Une véritable réussite. Un jeu puissant, une mise en scène subtile et efficace. Un texte fort. Angoissant. Prenant. Puissant. Touchant. Etonnant. Horrifiant. Bluffant.

Sublime...

Feux est la réunion de trois pièces, très différentes les unes des autres, mais toutes trois écrites par un auteur visionnaire, August Stramm, qui laisse voir, entre les mots, à travers les mots, les forces mystérieuses, destructrices, les élans passionnés d'êtres en quête de vie. Trois pièces dans trois mondes différents -- le milieu ouvrier, la campagne, la petite bourgeoisie. Mais les personnages sont tous ramenés à leurs peurs secrètes, leurs folies, ce qui fait qu'ils sont unanimement, profondément, violemment humains.

Le dispositif scénographique choisi par Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma* les offre à notre regard. Ils vont et viennent dans une boîte de verre, étroite. Du verre qui reflète notre image autant qu'il nous les montre, présences fortes sous une lumière crue, violent, vraie. Nous les observons, nous les scrutons, nous cherchons à comprendre ce qui agite ces êtres... étranges, si surprenants qu'ils nous renvoient à nos propres tourments.

L'espace se modifie au fil des pièces, mais les névroses des personnages ne sont pas moins tenaces. Nous passons de folie en folie, de perversion en perversion. Avec souplesse, les comédiens se dégagent habilement d'une pièce pour se fondre dans une autre.

RUDIMENTAIRE, première pièce

Un couple ouvre le gaz, et attend la mort...

La situation est grave, si grave qu'elle en devient comique. Rire de défense ? Julie Denisse, sautillante, ébouriffante et Axel Bogousslavski, génial en balourd émouvant, rejoints par un Mathieu Montanier froid mais désopilant, nous entraînent au-delà du misérabilisme.

Pauvreté et désespoir sont cachés sous un tas de répliques dérisoires et spontanées. Folie apparente. Réelle folie du monde et de ses acteurs.

LA FIANCEE DES LANDES, deuxième pièce

MAROUCHKA : « Je t'aime... toi... oui... non... la

lande...si...je t'aime... toi... toi... toi seul... et j'ai

pourtant quelque chose de tout autre... de terrible...

je ne comprends pas... cela m'anéantit... je... ».

Marouchka, in La Fiancée des Landes, d'August Stramm, traduction de Huguette et René Padrizzani

Courte pièce (coupée par les soins de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma). Rêve éphémère. Vision angoissante. Deux visages -- ceux des parents -- fantomatiques. La fiancée regarde les landes. Perdue, puis retrouvée, par des parents contrefaits.

Tout se passe dans deux couloirs de lumière, de part et d'autre de la vitre. Cette pièce, nocturne et mystérieuse, nous entraîne dans un monde onirique, où le vent, les herbes de la lande nous entourent peu à peu, nous prennent, et nous font suffoquer. Les visages, vacillants, portent doucement, dangereusement le texte d'August Stramm, jusqu'à l'explosion finale des violences, des frustrations, des inquiétudes.

Fin tragique. Fantasme lyrique.

Le songe retourne dans les ténèbres.

FORCES, troisième pièce

Sans doute la pièce la plus aboutie d'August Stramm (qui nous fait regretter qu'il soit mort si tôt).

Quelques mots. A peine. Des onomatopées. Le plus souvent. Et des didascalies à n'en plus finir, incongrues, qui décontenancent, et qui donnent forces aux désirs brûlants exprimés sur scène.

Dominique Reymond, sublime, est feu, ou volcan, soudain apaisée, mais d'un souffle attisée. Une calme furie, une femme perdue dans son intériorité, qui expose avec force sa fragilité, dans un jeu qui pourrait être marivaldien s'il n'était si noir, si dur, si fou... si strammien.

* making-off, côté Journal, par Ludovic Lamant

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