J'aime l'Asie. J’aime profiter de son patrimoine culturel et n’ai pas honte de venir enrichir son économie de quelques deniers. Pour preuve, j’ai dépensé plus de 400 euros à acquérir 65 tomes du manga Détective Conan, bande dessinée japonaise où les protagonistes enquêtent aussi bien sur des meurtres survenant à huis clos, dans des toilettes de restaurant, ou à Marineland. L’imagination de son auteur Gosho Aoyama est sans borne, c’est d’ailleurs par ses écrits que j’ai astucieusement appris qu’il était possible de tuer quelqu’un en transperçant son bulbe rachidien (situé à l’arrière de la tête) à l’aide d’une baleine de soutien-gorge. De plus, je sais dire « bakka» et « nekko » dans la langue du vénérable théâtre Nô, ce qui signifie respectivement « abrutis » et « chat ».
Adepte de cinéma, toujours heureuse de payer 11 euros pour assister à un film en compagnie de gens chauves et seuls, je décidais ce vendredi soir de faire escale dans une des salles obscures de la capitale. J’avais en effet trois heures à tuer avant d’aller à l’Escale, endroit béni des bas-fonds parisiens où le mojito coûte moins cher qu’un ticket de métro et est aussi chargé qu'une kalash.
Séduite par la bande-annonce de « Hill of Freedom », passant outre les remarques d’un collègue commentant que « mais c’est pas un film ça ! », je m’engageais à l’UGC Beaubourg en trottinant, le sourire aux lèvres.
Je vous livre cette même bande-annonce, qui m’a alors tant séduite :
De plus, et il est peut-être déjà temps de le souligner, ce film bénéficie d’excellentes critiques. D’aucun dit parfois que « Azy, Dieu est un voleur, il a chouré toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux ». Je dirais simplement que Dieu s’en est gardé quelques unes pour en rincer abondamment les critiques Allociné de « Hill of Freedom ».
Pour preuve :

Sans ménager davantage le suspens, aller voir ce film fut - depuis l’envie de me teindre les cheveux couleur aubergine, désireuse de me donner un air « sexy gothique contemporaine » - une de mes erreurs les plus douloureuses. La lenteur abyssale de l’ensemble n’avait d’égal que la vacuité des dialogues et des rencontres du personnage principal : un jeune mec japonais parti en Corée du Sud pour retrouver son ancienne go, stalkeur à ses heures d’ailleurs, se postant en effet tous les jours dans un restau face à la maison de sa target.
Le gars fait des rencontres, se fait des potes, se fait une autre nana, se prend des cuites (il est souvent rond comme une queue de pelle), et retrouve l’amour de sa vie. Je me risque tout de même à vous livrer la fin de ce chef d’œuvre scénaristique : en fait, le mec s’était endormi sur une table, et avait rêvé de toutes ces rencontres.
À brûle-pourpoint, j’ai pensé : « Diantre, ce film a la même fin que toutes mes expressions écrites du CE2 à la 5e ! » En effet, dans le cadre de mes cours de français, lorsque je ne savais trop comment tirer mon héros vampire d’une embuscade avec trois fées cannibales et deux raccoons lépreux lui ayant tendu un guet-appens, je finissais en beauté par un magistral et tonitruant : « Mais en fait, ce n’était qu’un rêve. » Comme vous le constatez, ce cher M. Hong ne s’est pas encombré de plus de fioritures littéraires que mon jeune moi.
Je soulignerai nonobstant deux réflexions qui m’ont traversée tout au long du film. Sur ces points très précis, je reconnais que mes questions furent nombreuses et me plongèrent dans une profonde et salutaire introspection.
Premièrement - et c’est davantage une remarque qu’une question – le personnage principal du film possède malgré sa morphologie filiforme des pieds d’une grande rondeur. Tels des petits kumquats, ses orteils ont occupé l’écran avec panache.
Deuxièmement - et je conclurai par cet ultime point d’orgue - ce même personnage possédait et arborait le même tee-shirt qu’un copain à moi. Cela suscita rapidement dans mon esprit d’abondantes questions : l’avait-il acheté au même endroit que mon ami ? Les magasins Gap étaient-ils achalandés de la même manière en banlieue parisienne qu'en Corée du Sud ? Était-ce du lin bio ? Le gris clair convient-il donc judicieusement à toutes les carnations ? Là encore, le réalisateur n’a pas préféré donner de réponse figée à ces questions.
« Hill of Freedom » de Sang-soo Hong, au cinéma depuis le 8 juillet 2015.