Chapitre V Où l’on explique comment Sarkominus échoua à anéantir les dernières légions plébéiennes.
Résumé des épisodes précédents : Le jeune esclave Protagoras raconte comment le sage Démocrite tente d’apaiser avec son rire proverbial les grecs de la petite colonie de Cap négriti, qui sont inquiets depuis que les barbares environnants ont élu Sarkominus au rang de César. L’inquiétude est portée à son comble car Sarkominus lance la guerre civile pour anéantir les dernières légions fidèles au parti plébéien.
1. Principes généraux de la guerre éléphantine, telle que la pratique les chefs plébéiens
Hollandus haranguant les légionnaires plébéiens, fresque Pompéi
La journée suivante fut survoltée. Dans la colonie, tous les habitants de la petite colonie de Cap negriti s’employèrent à dresser des barricades et à consolider les palissades. La rumeur promettait que Sarkominus, auréolé de sa nouvelle gloire de leader de l’Internationale ploutocratique, mobiliserait ses légions pour anéantir les dernières légions fidèles au parti plébéien. Et l’on redoutait que la victoire soit couronnée d’une chasse aux métèques.
L’écrasement des légions plébéiennes ne semblait faire de doute. Leurs chefs, depuis longtemps, avaient perdu la maîtrise de l’art antique de la guerre éléphantine, que leur défunt maître, César Mitterandus, leur avait patiemment enseigné. La guerre éléphantine est un art qui requiert un sens aigu de la coordination et de la concertation, qu’il faut porter à un point au moins égal à celui des pachydermes. Car l’éléphant, comme l’a observé Pline, est un animal hautement social et coopératif. A telle enseigne que lorsqu’un éléphant détecte la trace d’un homme hostile, « il flaire et s'arrête, il regarde autour de lui, il souffle avec colère, et il ne marche pas sur l'empreinte, mais il arrache la motte de terre qui la porte, il la donne au suivant, celui-ci à un autre, et ainsi de suite jusqu'au dernier ; alors la bande tourne tête, revient sur ses pas et se range en bataille. » (1)
La discorde qui régnait parmi les chefs plébéiens n’allait pas sans effets péjoratifs sur la conduite des batailles. Les éléphants de guerre, bêtes sensibles, s’angoissent facilement si elles ne sentent pas d’esprit de communion chez ceux qui les guident. Désorientés, ces animaux délicats, s’emportent, s’égarent et, par maladresse, piétinent aveuglément les légionnaires de leur propre camp. Les nombreux désastres militaires essuyés par les plébéiens suggéraient de renoncer à cette forme de guerre, mais la nostalgie des charges pachydermiques menées par le vieux Mitterandus hantait la mémoire des chefs plébéiens et, sentimentalement, ils ne pouvaient se séparer de ces animaux.
Grâce à son humour désopilant et son air pince-sans-rire, le sénateur Hollandus parvenait toutefois à détendre ses pairs et à maintenir un semblant de cohésion parmi les chefs plébéiens. Pour sauver l’art de la guerre éléphantine tout en en réduisant les risques, il formula un accord cadre qui tenait en deux points. Le premier, connu sous le nom de « principe de non assistance à camarade en danger » énonçait qu’aucune légion ne devait se porter secours d’une autre. Ce genre d’initiative généreuse était, en effet, le plus souvent interprétée comme une attaque par traîtrise, et elle semait une panique générale dans la troupe, qui stressait les éléphants, qui provoquait, au mieux, une simple débandade et, le plus souvent, un carnage. Le second point, connu sous le nom de « principe général de division », énonçait que plus les éléphants se tenaient éloignées les uns des autres, moins il y avait de risque pour la troupe d’être piétinée à l’occasion d’une charge éléphantine. Le respect scrupuleux de ces deux principes avait sauvé l’art de la guerre éléphantine, mais sans assurer l’avenir d’un parti plébéien terriblement menacé par une dizaine de légions rangées, elles, comme un seul homme derrière Sarkominus.
L’heure fatidique approchait et les légions des deux parties s’installaient sur la plaine. Hollandus commandait le centre et avait confié la défense de son flanc droit au sénateur Strauss-Kahnus et la défense du flan gauche au sénateur Fabiusus.
L’heure était si grave qu’Hollandus abandonna sa joviale bonhomie, arbora une mine lugubre et ponctua de trémolos pathétiques sa harangue : « Légionnaires, vous connaissez le nom terrifiant de César Galba ! Souvenez-vous des milles de la Légion de marine, égorgés après avoir rendu leurs armes, au seul motif qu’ils avaient tardé à lui prêter allégeance ! Les légionnaires chargés de cette basse besogne furent, eux-mêmes, épouvantés par leur crime (2). Des années durant, ils hurlèrent chaque nuit, tourmentés par les cris de leurs frères d’armes ! Légionnaires, soyez sûr que Sarkominus vous réserve un sort plus affreux encore ! Alors, résistez ! Défendez-vous ! Ou bien mourez glorieusement ! Telles est l’alternative que nous laisse le Vae victis prononcé par Sarkominus ! »
Les légionnaires scrutaient attentivement le visage d’Hollandus, pour y discerner l’esquisse d’un sourire ou d’un clin d’œil. Ils se répétaient une à une les phrases prononcées par leur chef pour tenter d’y découvrir une subtile contrepèterie ou une boutade qui leur aurait échappé. Certains interrogeaient leur voisin : « la légion de marine égorgée », en contrepèterie ça fait bien « laissons les narines dégorgées » ? Et « épouvanté par leur crime », ça fait bien « on vend les poules en prime ? ». D’autres, qui restaient concentrés sur le discours d’Hollandus, les rabrouaient d’un : « chut !, taisez-vous, sinon vous n’entendrez pas la chute »…
Quand Hollandus eut terminé son discours, nombre de légionnaires firent écho de leur déception : ils jugeaient que « depuis qu’Hollandus s’essayait aux blagues intellos, il était beaucoup moins bon » quand d’autres estimaient que « son discours manquait surtout d’onomatopées. » Les plus indulgents convenaient que l’air sinistre d’Hollandus produisait une forme distanciation qui permettait à l’effet comique dans l’après-coup, et qu’il était donc normal d’attendre un peu pour comprendre la blague et d’en rire.
2. Strauss-Kahnus ou comment de terribles malentendus troublent l’amour de la troupe pour son chef
Le climat était tout autre parmi les légions chargées de protéger le flanc droit. Il s’agissait de légions composées de supplétifs qui stationnaient habituellement à Sarcellus, au nord de Lutèce.
Le glorieux sénateur et centurion Strauss-Kahnus, qui en assurait le commandement, arriva dans leur campement monté sur son éléphant, paré d’une armure d’or et d’une tunique blanche aux motifs pourpres. Les légionnaires étaient très impressionnés et ils l’acclamèrent en héros.
Strauss-Kahnus descendit de son éléphant, et alors que chacun s’attendait à le voir monter sur l’estrade pour y prononcer un discours, il se mêla à la foule des soldats. Il s’approcha de légionnaires negriti. Il dit au premier, qu’il prit dans ses bras : « Comment allez-vous mon brave Mamadou ? » ; puis, à un second, auquel il fit une accolade : « Et vous, Mamadou, vous vous êtes vous remis de vos blessures ? » ; et à un troisième, auquel il donna une tape dans le dos : « Je sais pouvoir compter sur ta bravoure, mon brave et fidèle Mamadou ! » ; et à un quatrième, qu’il embrassa : « Ah ! Mamadou, quelle joie de vous savoir ici ! Savez-vous que j’ai bien connu Mamadou, votre père, qui servit autrefois mon propre père ! » ; et à un cinquième dont il serra les mains : « Comment se porte, Mme Mamadou, votre épouse ? » ; et à un sixième, qu’il cajola en riant : « Sacré Mamadou ! Décidemment, on ne fait pas deux Mamadou, comme vous ! »
Le préfet de camp, Vallsus, nerveux, tira Strauss-Kahnus par la tunique, afin de l’attirer vers lui. Il lui murmura que les negriti ne s’appelaient pas tous Mamadou.
« - Comment donc !, s’exclama Strauss-Kahnnus interloqué, mais, c’est vous-même qui m’avez dit : regardez là-bas, ces mamadous »,
Le préfet de camp Vallsus fit une grimace pour le conjurer de parler moins fort.
« - Peut-être..., ajouta Strauss-Kahnus un brin ironique et pointant du doigt les maures et les noirs d’Atlantide, peut-être allez-vous me dire que ceux-ci ne sont pas les « mohamed » et ceux là ne sont point les « doudoudidonc » ? Contesterez-vous qu’ethnologue averti, vous avez ajoutez qu’il y avait même des « manquedeblancos » dans cette légion (3) ? Je n’en ai pas l’air, mais j’enregistre tout ce que l’on me dit. C’est d’ailleurs grâce à cette faculté exceptionnelle que je suis arrivé là où je suis ! »
Comme Vallsus multipliait contorsions pour l’enjoindre à se taire, Strauss-Kahnus lui fit observer, désabusé : « Vous vous rendez compte qu’à cause de vous je dois réécrire tout mon discours ? »
« - Allons dans votre tente ! » supplia le préfet de camp.
« - Dans ma tente ?, s’exclama Strauss-Kahnus avec ironie, ça m’étonnerait ! Ma tente est rangée quelque part au fond d’un hangar de ma villa de Neuillus-sur-Sequana et je doute de pouvoir remettre la main dessus. »
« - Nous vous avons dressé une tente, souffla le préfet. Une tente pour que vous teniez vos conseils et pour que vous puissiez dormir… ».
« - Dormir dans le camp !, sursauta Strauss-Kahnus. Mais vous n’y songez pas !?! »
Sur un signe de Vallsus, les décurions s’avancèrent et entraînèrent Strauss-Kahnus dans sa tente pour une petite mise au point.
Les cafouillages dans les plans de communication peuvent avoir de funestes conséquences, surtout sur la soldatesque, la concentration humaine rendant presque inévitable la formation des rumeurs. En moins de dix minutes, le camp se mit en ébullition, unanimement persuadé que Strauss-Kahnus et ses décurions, enfermés dans la tente, préparaient leur ralliement à Sarkominus. Cinq minutes plus tard, circulait une description détaillée de l’émissaire secret de Sarkominus qui négociait dans la tente. Trois minutes plus tard, la foule tenait pour certain que Strauss-Kahnus et ses décurions s’étaient engagés à abandonner leurs troupes sur une île lointaine où résidait un éléphant très méchant, qui, à l’instar des chevaux de Diomède, se nourrissait de chair humaine. Deux minutes plus tard, ceux qui n’avaient pas encore déserté, fomentaient une mutinerie. Et une minute plus tard, la tente de Strauss-Kahnus était encerclée par une multitude de soldats en colère, et les quelques décurions qui eurent l’imprudence d’en sortir pour tenter de rétablir l’ordre furent mis en pièces.
La bataille n’avait pas encore commencée que la plus grande confusion régnait sur le flanc droit de l’armée plébéienne. Sur le flanc gauche, les légionnaires du sénateur Fabiusus s’étaient repliés sur une colline et dressaient des palissades pour s’y barricader aussi bien que possible.
3. De la joie qui règne dans une armée assurée de sa victoire
Dans le camp des légions sarkominiennes, l’ambiance était toute autre. Sarkominus prenait le commandement en chef de l’armée. Le flanc droit, en vis-à-vis des troupes de Fabiusus, fut confié à Borloïus, le flanc gauche, en vis-à-vis des troupes de Strauss-Kahnus, à Hortefeucus tandis que le centre, en vis-à-vis des légions d’Hollandus, revenait à Fillionus.
Fillonus, pour galvaniser sa troupe, promit la création d’une « T.V.A. » Les légionnaires acclamèrent la TVA, qu’ils surnommaient entre eux, la « Taxe des Valeureuses Armées. » Après la harangues, les conversations évoquaient la joie de pénétrer chez l’habitant en hurlant « c’est pour la TVA ! », puis de s’introduire dans le poulailler en hurlant à la basse-cour : « c’est pour la TVA ! », puis de défoncer la porte du gynécée en hurlant « c’est pour la T.V.A. ! » Ils saluaient dans cette mesure la volonté gouvernementale de revitaliser les meilleures traditions militaires.
Cette guerre civile, vue du camp Sarkominien, avait l’allure d’une partie de campagne. Les sénateurs du parti ploutocratique, regroupés sur une colline qui dominait le champ de bataille, avaient hâte d’assister au spectacle de l’écrasement des plébéiens.
Lagardia, nommée Grand Questeur, fut chargée d’haranguer les sénateurs. Elle entama par cette réflexion érudite : « Diogène Laërce nous rapporte ceci : « Posidonius raconte sur le philosophe Pirrhon l’histoire suivante : il était sur mer ; ses compagnons de voyage étaient affligés par la tempête ; lui seul, bien tranquille, gardait son âme forte, et montrant dans le navire un petit cochon qui mangeait, il dit que le sage devait garder cette indifférence. » (4) Chers sénateurs, les caisses sont vides ! Certains prétendront qu’il faut s’en inquiéter et réfléchir à des solutions. C’est une vieille habitude nationale que de réfléchir, car le pays de Droite est un pays qui pense. Il n’y a guère une idéologie dont nous n’avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. Le pays de Droite est un pays qui pense. J’ai envie de vous dire : il faut cesser de penser, de tergiverser et se retrousser simplement les manches » (5). Et les sénateurs, galvanisés par ce puissant message, se levèrent comme un seul homme, et se mirent à l’œuvre sans tergiverser, car il y avait quantité d’huîtres à ouvrir, des truffes à couper en dés, des talons de chameau à farcir et des langues de flamants à disposer artistiquement sur des toasts, ainsi que des paons, faisans, perdrix et bécasses à plumer, des gras moutons à faire rôtir et des surmulets farcis au corail d’oursins à mettre au four…
Pour faire patienter les convives, Bessonus improvisa une chorale qui réunissait tous les sénateurs plébéiens qui s’étaient ralliés à Sarkominus : Kouchnerus, Alègrus, Bockelus, Attalius et Amaria. Les rengaines plébéiennes, exotique en cette assemblée, suscitèrent un immense intérêt, en particulier, un « Hollandus, si tu savais, nos convictions, où on se les met ! Aucu, aucu, aucune hésitation ! Non ! Non ! Non ! On n’est pas esclave de nos convictions ! »
Les harangues de Boutina n’eurent pas moins de succès : « Sénateurs !, lança-t-elle, vous avez sur les épaules la noble et lourde tache de restaurer les mœurs antiques. Par vos réformes nous serons enfin dignes de nos grands ancêtres ! Mais si nous voulons les égaler, les efforts qu’ils nous restent à accomplir restent immenses ! Je vous le demande, sénateurs : à quand des orgies dignes de ce nom ? Quand reverrons-nous les éphèbes qui stimulaient la verdeur de nos grands-pères ? Quand donc les épouses, s’abandonnant dévotement à Priape, proclameront-elles comme nos grands-mères : « Que ma Junon m'abandonne si je me souviens avoir jamais été vierge. Gamine, j'avais trouvé le moyen de me faire salir par des gamins de mon âge ; un peu plus grande, je me suis offerte des garçons moins jeunes et j'ai ainsi monté en grade jusqu'à l'âge où vous me voyez. » Quand donc plongerons-nous au milieu des corps alanguis qui chantent l’ivresse que procure « un falerne arrosé d’essences enivrantes [bu] jusqu’à l’heure où les flambeaux doublés se lèvent en tournant [nos] regards troublés ? » ? Sénateurs, ne vous laissez plus troubler par les biens pensants qui jugent vieux jeu notre ambition d’imiter en toute chose nos pieux ancêtres ! N’est-ce pas, au contraire, absolument moderne, que de trouver en soi cette ardeur insatiable pour la jouissance, qui n’a d’autre équivalent que le désir insatiable d’avoir toujours plus d’argent ? Car, comme dit le poète :
« Et, quand il faut jouir, ardente, insatiable,
Comme si, dans les flancs d’un coffre inépuisable,
Les écus renaissaient au gré de ses désirs,
Elle ne compte pas le prix de ses plaisirs. » (6)
Vivre et être insatiable, c’est tout un ! Voilà le précieux message, qu’impies, nous aurions oubliés, si Sarkominus n’avait ranimé l’amour de nos vénérables ancêtres. N’oubliez pas sénateurs, nos anciens vous regardent et vous jugent ! Restaurons les mœurs antiques ! »
On annonça que les repas étaient servis et les convives et les légionnaires se précipitèrent sur les buffets.
Puis, Sarkominus ordonna aux légions de se mettre en ordre de bataille. Les fantassins de Fillonus avancèrent en marchant d’un pas régulier. La cavalerie de Borloïus arriva en chantant. Par contre, à l’étonnement général, les troupes d’Hortefeucus, essentiellement constitués de supplétifs issues de bandes de brigands autrefois affiliés à Lepenus tardèrent à se déployer sur le champ de bataille.
On fit chercher Hortefeucus. On ne le découvrit qu’à grande peine près des latrines, tout accaparé à régler ses comptes avec Datia, la suivante de Messaline. Ces deux là s’étaient détestés au tout premier regard. Et, toujours fourrés ensembles, ils passaient le plus clair de leur temps à s’échanger des propos fielleux :
« - Qu'est-ce que tu faisais dans les latrines avec Sarkominus ?, demandait, obséquieux, Hortefeucus. Tu manigançais contre moi ! Tu te trompes si tu crois pouvoir m'écarter d'un simple « prépuce toi d'là que j'm'y mette ? »
« - Tu me calomnies !, s’écria Datia, avant de répliquer d’une voix tremblante : A ta place je me testosterrerais dans mon trou ! Sarkominus et moi allions chacun par notre chemin, et c’est juste un hasard s’il y a eu coïtinérance. »
« - C’est ça ! Fait ta colombe verginale !, railla Hortefeucus. Tu me crois né de la dernière pluie ! Est-ce que j’ai l’air d’un petit bébé qui vagin à peine !?! »
« - Bougre d’incultuliningus !, répliqua-t-elle avec mépris. Sache qu’un bébé, ça na vagin pas, ça vagie ! Quand on ne sait pas parler correctement, il vaut mieux éviter la fellation (7) des grands mots ! »
« - De toute manière tu mens : t'étais avec Sarkominus !, riposta brutalement Hortefeucus. Ne nie pas ! T’as laissé partout tes empruntes génitales (8) ! »
« - Quand cesseras-tu de testiculer autour de moi ?, hurla Datia. Et puis, tiens toi pour dit que je n’ai pas besoin de ta spermission pour rendre visite à Sarkominus !?! »
« - N’essaye pas d’être un zobstacle entre Sarkominus et moi ! », menaça Hortefeucus en dressant le poing.
« - En farcouillant dans ta mémoire, tu trouveras peut-être des indices témoignant du mystère qui m’unit à Sarkominus ! », lança Datia en prenant un air mystérieux.
« - Mais t’es rien d’autre que la bonne à Messaline !, hurla de rire Hortefeucus. Tu crois tromper ton monde en avançant émasculée, mais, dans les milieux hétérorisés, il se dit bien des choses sur ce qui t’unie à ta maîtresse ! »
« - Oh ! Je vois, ironisa froidement Datia. Très impressionnant ! Monsieur connaît des sodomités ! »
4. Fabiusus ou le chant du cygne de la guerre éléphantine
Borloïus, qui ignorait tout des retards prit par Hortefeucus, engagea le combat. Il lança la cavalerie sarkominienne qui fit bientôt face aux troupes de Fabiusus, retranchées sur une colline protégées par des palissades. Les légionnaires plébéiens, pleuraient et priaient pour recevoir une mort rapide, constatant qu’ils étaient piégés, avec un précipice à l’ouest, un mont abrupt au sud, un marais à l’est et les légions de Borloïus qui leur fermainet l’accès du nord.
La situation semblait désespérée, mais Fabiusus monta sur Lolo, son éléphant de guerre, et franchit les palissades de défense. Ses légionnaires se levèrent et retirèrent leurs casques pour le saluer et pour mieux voir comment ce héros allait périr.
Fabiusus ordonna à un cavalier de porter un message à Borloïus. C’était un message qui sommait Borloïus de se rendre sans condition sous peine de voir ses légions anéanties et de porter seul devant l’histoire la responsabilité de cette hécatombe. Borloïus et ses cavaliers répondirent par un immense éclat de rire à cet ultimatum bien curieux.
Fabiusus voulu leur accorder une seconde chance, en leur démontrant sa totale maîtrise de Lolo, le plus puissant des éléphants de guerre. Il ordonna tout d’abord à l’animal de se dresser sur ses pattes arrière. Les cavaliers sarkomiens rires aux éclats, lancèrent des quolibets et firent des mimiques pour parodier la lourdeur de l’animal. « Par tous les dieux, murmura Fabiusus, pourquoi se comportent-ils ainsi ? Ignore t-il donc la susceptibilité de Lolo ? » Fabiusus caressa l’encolure de l’animal, lui murmura que si les gens riaient, c’était parce qu’ils appréciaient beaucoup sa prestation, puis il lui ordonna de se tenir debout sur ses pattes avant et de lever les pattes arrière en l’air. Les sarkominiens ajoutèrent aux rires et aux plaisanteries douteuses, des sifflets. « Calme-toi, Lolo, murmura Fabiusus en flattant la croupe de l’animal, reste concentré sur ton exercice, je t’assure que le public salue tes efforts. » L’animal en équilibre, incertain, jetait des regards attristés vers son maître, et d’autres, remplis d’incompréhension, vers les rieurs. Fabiusus ordonna ensuite à la bête de se tenir sur une seule de ses pattes avant ; puis de lever majestueusement sa trompe. Le cavalier qui se tenait au côté de Fabiusus posa à l’extrémité de la trompe un ballon qui demeura en équilibre, ce qui provoqua l’hilarité générale des troupes de Borloïus. L’animal, tenant la pause, tremblait, soufflait et lançait des regards furieux. Les légionnaires sarkominiens se roulaient par terre ou ne se relevaient que pour singer l’animal à grande trompe et déclencher de nouvelles hilarités en prenant des pauses obscènes.
Fabiusus compris qu’il ne contiendrait plus longtemps sa bête qui ne se supportait pas de ne pas se sentir reconnue. Alors, d’un coup d’éperon, il lança l’animal dans une charge qui restera dans les annale de la guerre éléphantine. La course combina un enchaînement de loop, suivi de pas roulés sur la gauche, puis de pas chassés vers la droite suivi d’un double-axel qui permit à l’animal d’atterrir en piquet sur les premières lignes sarkominiennes, qui furent prises tout à fait au dépourvue. Outre la quinzaine de légionnaires qui périrent écrasés sur le coup, des centaines, effrayés, se bousculèrent et étouffèrent piétinés dans une gigantesque bousculade qui emportait hommes et chevaux. D’autres s’écroulaient blessés par leurs propres armes ou par celles de leurs camarades. Des centaines périrent d’avoir fuit à bride abattue en direction du précipice et, plusieurs milliers, d’avoir cherché leur salut en s’enfonçant dans les marécages. Au milieu des cadavres, Fabiusus, sincèrement affecté par ce carnage inutile, chercha du regard l’unique responsable du désastre : le présomptueux Borloïus. Le chef sarkominien tentait vainement de se cacher, mais quand il vit fondre sur lui l’éléphant de guerre, il grimpa sur son cheval et il ne dû son salut qu’à sa garde personnelle qui se sacrifia en tentant une vaine résistance.
Lolo, au milieu des carcasses chevalines et des corps démantibulés des légionnaires, eut l’œil attiré par un petit sac qui gisait au sol. Il le fouilla avec sa trompe, espérant y trouver des friandises, mais il n’y trouva qu’un rouleau qu’il remit à Fabiusus. Ce parchemin contenait un message de Fillonus : « Je vous rappelle que vous devez tenir secret le fait que T.V.A. ne signifie nullement « Taxe des Valeureuses Armées », mais « Tout Va Augmenter ». La T.V.A. est une taxe de 5% sur tous les biens et services. Cette taxe nous est absolument nécessaire pour remplir les caisses du Palais. Elle sera en outre fort utile pour couper dans les revenus des plus pauvres. La privation extrême est le puissant tonic qui les poussera à s’enrichir et en s’enrichissant ils éprouverons l’extase qu’il y a à passer du néant social au firmament d’une existence ploutocratique. Il va sans dire que pour renforcer la tonicité de nos légions les soldes ne seront pas n’augmentées. » (9)
Fabiusus fit aussitôt réaliser des copies de ce manuscrit et il dépêcha des cavaliers pour en faire connaître la teneur aux combattants des deux camps.
5. Strauss-Kahnus ou comment de formidables malentendus ravivent l’amour de la troupe pour son chef
La soldatesque ayant une imagination fertile, la nouvelle s’exagéra bien vite. Et au fur et mesure qu’elle se colportait, des légionnaires sarkominiens désertaient et d’autres se mutinaient en exigeant le paiement des donativum supplémentaires, cent fois promis et jamais versés.
Pendant ce temps, dans le camp plébéien, les supplétifs s’apprêtaient à lancer un assaut final sur la tente de Strauss-Kahnus, quand des déserteurs d’une légion sarkominienne se présentèrent à l’entrée du campement en s’écriant « Sarkominus veut prendre la « T.V.A. » ! Alerte légionnaires, Sarkominus veut prendre la « TVA » ! » Face aux légionnaires plébéiens qui les questionnèrent sur le sens du mot « TVA », ils s’exclamèrent : « mais c’est évident, ça veut dire que Sarkominus veut prendre « Tout Votre Argent » ! ».
A l’instant, la fureur des supplétifs changea d’objet. Ils se mirent à genoux devant la tente de Strauss-Kahnus et, en pleurant, ils implorèrent de leur chef bien aimé qu’il les conduise au combat. Un vétéran se souvint alors que « Mamadou » était un titre honorifique créé par le grand-père de Strauss-Kahnus, et cela pour distinguer les plus valeureux de ses soldats. D’abord abasourdis par cette révélation, les supplétifs redoublèrent de lamentations et se griffant le visage ils se lamentèrent à propos du « regrettable malentendu ». Lorsque Strauss-Kahnus osa passer la tête hors de sa tente, il fut salué par une immense clameur qui fit retentir un glorieux : « nous sommes tous des Mamadous ! » Aussitôt empoigné par ses légionnaires, Strauss-Kahnus fut porté en triomphe et élevé à bout de bras, tel un étendard radieux. Excités et furieux, ils exhibèrent à l’ennemi leur héros splendide dont la cuirasse dorée scintillait d’éclats aveuglants, puis ils l’entraînèrent à la tête d’une des mêlées les plus sanglantes que le pays de droite ait pu connaître. Et nombreux furent ceux qui prétendirent que si l’action d’un sortilège inconnu n’avait soudainement provoqué l’évanouissement de ce grand général, il eut sans doute conduit ses légendaires Mamadous jusque devant la tente de Sarkominus (10).
Fillionus, voyant les deux flancs de son armée aussi dégarnis qu’un coffre du Palais, proposa une trêve, qui fut acceptée (11).
L’annonce de la trêve libéra notre petite colonie de la tension de la journée. Nous organisâmes une fête. Démocrite, seul, se tint à l’écart. Quand je lui apportais son repas, il me demanda de lui rendre ce service : un homme, le visage masqué, viendrait le visiter de nuit. Je devais surveiller sa venue depuis les palissades, puis, discrètement, le mener à lui. J’acceptais volontiers, et au milieu de la nuit, je conduisis le personnage mystérieux vers le sage. Ils s’entretinrent près d’une heure. Après quoi, je raccompagnais l’inconnu avec la sortie.
Notes
(1) Pline l'ancien, Histoire naturelle, VIII, V
(2) Tacite, Histoires - Livre I[1,6] : "Son entrée (Galba) dans Rome, que signala le massacre de tant de milliers de soldats désarmés, fut d'un présage malheureux, et les meurtriers eux-mêmes frémirent d'épouvante."
(3) Manuel Valls, le 10.06.2009, alors qu'il était filmé par Direct 8 pour l'émission "Politiquement parlant", en train de parcourir les allées d'une brocante à Evry, marmonne, équipé d'un micro-cravate qu'il a oublié : « Belle image de la ville d'Evry… Tu me mets quelques Blancs, quelques Whites, quelques Blancos… »
(4) DIOGÈNE LAERCE, Vie et doctrine des philosophes, L IX, ch XI, Pyrron
(5) C’est en substance l’intervention que fit effectivement Mme Lagarde, ministre de l’économie, le 10 juillet 2007, à l'Assemblée nationale.
(6) Juvénal, Satire VI
(7) Lapsus « inflation-fellation » de Rachida Dati, ex-Garde des sceaux, le 26 septembre 2010 sur Canal Plus : « De plus en plus, ces fonds d'investissements étrangers n'ont pour seul objectif que la rentabilité financière à des taux excessifs. Quand je vois certains qui réclament une rentabilité à 20-25%, avec une « fellation » quasi nulle... ».
(8) Lapsus « digital-génital » de Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, le 17 octobre 2010 sur RTL-LCI-Le Figaro : « Il y a deux fichiers majeurs : le fichier des empreintes « génitales » et le fichier des empreintes génétiques ».
(9) Le soir du premier tour des élections législatives en 2007, Laurent Fabius obligea le ministre de l’économie, Jean-Louis Borloo, à reconnaître qu’il travaillait sur un projet de « TVA sociale », qui sema le trouble dans l’électorat de droite et remobilisa la gauche. Selon ses partisans, le projet de TVA dite « sociale » part du constat que le financement de la protection sociale par les cotisations sociales élève les coûts de production, et par conséquent les prix, comparativement aux biens importés des pays où il n’y a pas ou peu de protection sociale. Accompagnée de réduction des cotisations sociales, la TVA « sociale », en organisant un transfert partiel du financement la protection sociale sur des taxes sur les biens consommés, aurait pour effet de rétablir une meilleure compétitivité avec les pays à bas coûts. Ce raisonnement contient plusieurs biais : 1) Rien ne dit que les entrepreneurs, après avoir bénéficiés de la baisse des cotisations sociales, baisseront leurs prix pour accroître leur compétitivité et qu’ils n’utiliseront pas la manne pour accroître les dividendes de leurs actionnaires. 2) Les produits importés à bas prix sont la conséquence des délocalisations, qui sont d’abord le fait d’entreprises multinationales occidentales, qui ont des stratégies à long terme, notamment de conquête des marchés des pays émergents, et rien ne dit qu’une petite baisse de cotisation puissent les conduire à réviser radicalement leurs stratégies. 3) Le manque de compétitivité, bien souvent, résulte moins de prix trop élevés que de l’obsolescence des productions et, dans ce cas, il est contreproductif de réduire les marges en baissant les prix, puisqu’il faudrait investir dans de nouveaux produits. Au final, la mesure aurait pour principales conséquences d’opérer une ponction très significative sur le pouvoir d'achat des classes populaires, de réduire la consommation et donc la production, ce qui aura pour effet d’engendrer des licenciements et finalement… d’accroître les difficultés de financement des prestations sociales puisqu’il y aura moins de cotisants.
(10) Alors que N. Sarkozy s’était habilement présenté comme le meilleur rempart contre le Front national (qui n’a fait « que » 10,44% à la présidentielle), quitte à endosser nombre des thèmes de campagne de celui-ci, le retour de la question du racisme va contribuer à remobiliser la gauche lors du 2e tour. La médiatique Sylvie Noachovitch, candidate UMP opposée à Dominique Strauss-Kahn, et qui le devançait au premier tour (37,37 % contre 37 %), va tout particulièrement s’illustré. Selon le Canard Enchaîné du 13 juin 2007, la candidate UMP se « lâche » au cours d’une réunion des membres du jury littéraire du prix Monte-cristo. Après avoir évoqué son adversaire - « Il paraît que c'est un grand séducteur » -, elle affirme : « Moi, mon mari peut dormir tranquille. Dans ma circonscription, il n'y a que des Noirs et des Arabes. L'idée de coucher avec l'un d'entre eux me répugne. » L’un des membres du jury, Nicolas Poincaré, confirmera publiquement que S. Noachovitch à bien tenu les propos que le Canard enchaîné lui a prêté. S. Noachovitch perdra au second tour.
(11) Les élections législatives des 10 et 17 juin 2007, contre toutes attentes, ne furent pas un raz-de-marée conservateur. L'UMP n'obtint que 39,54% des voix au premier tour, contre 35,56% au PS et ses alliés. Au second tour, l'UMP et ses alliés firent 49,66% des voix et la PS et ses alliés 49,08%.