Le pouvoir des fables
d’après Jean De Lafontaine
Le texte ci dessous est une adaptation d'une fable intitulée : « Le pouvoir des fables » de Jean De Lafontaine. Il suit presque mot à mot l'original en actualisant le contexte. En effet, nous n'y découvrons plus la Grèce antique mais la France médiatique d'aujourd'hui. La thématique des "quartiers populaires" est abordée, à partir d'une focale sur le quartier de St Chamand, situé à l'extrême périphérie de la ville d’Avignon, ville européenne de la culture… L'adaptation est réalisée par Luc Pacini :
À Saint Chamand, une fois, quartier fort éloigné,
Un orateur, voyant sa ville en danger,
D'un art tyrannique, courut à la tribune,
Voulant faire œuvre de culture commune,
Il parla fortement de spectacle vivant.
On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut
À ces figures populaires
Qui savent dérider les plus patibulaires ;
Il cita Jean Vilar, tonna, dit ce qu'il put.
Mistral emporta tout ; personne ne s'émut.
L'animal aux têtes frivoles
Étant fait à ces traits, ne daignait l'écouter ;
Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter
Aux cancans de people et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Il mit un I Pad devant son visage
Pour montrer à l’écran tout un reportage :
Nicolas, racontait la voix, faisait voyage un jour
Avec Éric et Fadéla ;
Une voiture en flammes les arrète, et Fadéla karchérisant,
Comme Éric en soufflant,
Refroidit bientôt la carcasse.
L'I Pad s'arrête et l’image se casse.
L'assemblée s’écrie tout d’une voix :
« et Nicolas, que fit-il ? »
- Ce qu’il fit ? Un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous !
Quoi ? Des images télé le quartier s'embarrasse !
Et du péril qui le menace
Lui seul entre le monde il néglige l'effet !
Que ne vous souciez-vous de théâtre, de projets !
À ce reproche l'assemblée,
Par l'apologue réveillée,
Se donne entière à l'orateur :
Un trait de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous du quartier en ce point, et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si la télé s’allumait,
J’y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois ; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.