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Billet de blog 26 avril 2013

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crise de l'emploi ou crise du travail ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La crise de l’emploi :

Crise du salariat ?  Ou crise du travail ?

Ce qui semble être une crise de l’emploi et qui se manifeste par un taux de chômage élevé n’est peut être pas une crise de l’emploi Si cela était aussi simple un organisme comme pole emploi pourrait suffire à résoudre le problème.

On peut se demander si cette crise là n’est pas la résultante d’autres facteurs, un épiphénomène, une conséquence de la crise du travail.

Une crise du salariat :

Une première façon de considérer la question pourrait être de dire qu’on a à faire à une crise du salariat :

Peut être y a –t-il une crise d’identité dans l’entreprise. Comment appartenir à une entreprise dont on ne sait pas à qui elle appartient et donc quand on ne sait pas pour qui on travaille et à qui elle pourra appartenir dans deux ans ?

Quand on rentrait à EDFou au PTT dans les années cinquante on avait une casquette et un uniforme. On avait le sentiment d’appartenir à un groupe à identité forte. On savait pourquoi et pour qui on travaillait. On était alors capable de s’engager au-delà de ce qu’on nous demandait : voir l’engagement des agents EDF dans les tempêtes de 1999.

Le manque d’identité d’entreprise a une conséquence directe sur le sentiment d’appartenance : on ne peut pas se sentir appartenir à un collectif provisoire et sans visage. Ce manque de sentiment d’appartenance a un effet direct sur la capacité à s’engager : pourquoi je ferais l’effort de m’engager si je ne sais pas pour qui, pour quoi et surtout pour combien de temps.

On peut rétorquer que la question n’est pas là, parce qu’un salarié s’engage pour un salaire et qu’en échange de sa force de travail il reçoit un salaire. Mais c’est un raisonnement économiste qui ne tient pas compte de l’aspect humain. Si nous ne travaillions que pour l’argent du salaire, nous ne choisirions peut être pas le salariat. Le salariat n’est pas la meilleure façon de gagner de l’argent. Dans un rapport salarié on cherche une autre rétribution que le salaire : la sécurité, la reconnaissance des autres, l’appartenance à un groupe, un lieu pour se distinguer des autres et sûrement d’autres choses encore.

Ainsi donc on a du mal à obtenir de l’engagement de la part des acteurs de l’entreprise si en échange on ne leur offre pas ce qui est la part non dite du contrat de l’entreprise: un espace d’appartenance dans lequel ils vont pouvoir se construire. Toutes les élucubrations sur la génération Y sont un miroir de l’incapacité de l’entreprise à remplir sa part de contrat. Ce n’est pas tant que le jeune ne veut pas s’investir, mais il ne voit pas la rétribution identitaire qu’il est en droit d’attendre de sa perte de liberté que constitue le rapport de subordination qu’est le salariat.

Une crise du travail

Une deuxième façon de considérer la question pourrait être de dire qu’on a à faire à une crise du travail

Le travail est en crise. L’automatisation des procédures de production a rendu inutile l’activité non qualifiée. Il n’est plus possible de penser à s’insérer sans un haut niveau qualification. La plupart des machines remplissent les tâches non qualifiée qui existent. Mais aussi le pilotage des machines contraint les humains à des tâches peu valorisantes qui ne lui offrent pas de possibilités d’évolution.

En même temps l’université rejette à la rue une grande quantité de jeunes qualifiés qui ne trouvent pas de place dans l’entreprise. Cela nous indique peut être que la qualification théorique est peut-être nécessaire, mais qu’elle n’est pas suffisante pour que l’acteur trouve sa place dans l’entreprise.

Il faut autre chose. Pour qu’un acteur soit efficace il faut aussi une expérience du travail. Il faut des compétences certes mais il faut aussi des méta-compétences : Des  compétences à mettre en jeu des compétences professionnelles : (transférer des acquis être dans un projet etc..). Ces métacompétences ne s’apprennent pas à l’école et s’acquièrent avec le temps. C’est à dire qu’il faut laisser à l’entreprise une marge de manœuvre pour qu’elle soit le vivier d’élaboration de ces métacompétences. Ce n’est qu’en situation de travail réel que l’acteur élabore ces métacompétences. Mais les réductions drastiques du coût du travail rend très incertain ce rôle de lieu de production et de reproduction de ces métacompétences. Dit autrement la mécanisation à outrance a rendu trop haute la marche de l’adaptation au monde du travail pour les moins qualifiés. Il manque l’activité intermédiaire qui rendant possible cette entrée dans le monde du travail avec peu de qualification. La réduction des couts qu’entraine une financiarisation du travail a détruit tous les espaces de ressourcement de l’entreprise. On a plus le temps de prendre le risque d’invetir sur un jeune (surtout qu’il risque de ne pas rester).

L’entreprise durable est une entreprise qui a une marge de manœuvre économique pour qu’en son sein se produise et se reproduise ces conditions de l’expérience. Mais il n’est pas rare que les rachats successifs, la concurrence effrénée, les tentatives de rationalisation des coûts pour le bénéfice des actionnaires et les sous-traitances sous contrainte forte, rendent hasardeux, voir impossible cette fonction de reproduction. Derrière cette crise du travail se profil une autre crise. Une crise de la formation (ou plus « Bourdieusement » parlant une crise de la reproduction): pour des raisons de compression de coût, l’activité professionnelle (ou le lieu du travail) n’est pas le lieu privilégié de la reproduction du savoir ou de la compétence. Et notre système de formation ne pourra pas contribuer  à résoudre ce problème tant qu’il reposera sur un a priori critiquable : la formation théorique doit précéder la formation pratique.

La grande question reste alors de savoir où se reproduit la compétence si ce n’est ni en formation ni dans l’emploi ? On peut espérer qu’il se reproduit dans un  « entre deux » informel, mal structuré et mal éclairé de connaissance. Mais on peut aussi penser qu’il ne se reproduit pas et qu’on vit sur des acquis qui s’épuisent.

Une crise des modes de production

Le rêve des industriels des années 70 et 80 s’est réalisé et pour le coup transformé en un cauchemard: le rève des industriels de ces années était que les pays émergents deviennent l’atelier du monde et que le monde occidental reste le lieu de l’innovation, là où on pense! Pendant que la part la moins noble de l’activité est dédaigneusement déléguée au tiers acteur: les pays émergents. Immaginer qu’il puisse y avoir une séparation de la production de l’activité et de la production de l’innocation est une idée d’intellectuel sorti d’une grande école de la république. C’est bien là un résidu de mentalité de colonialiste. Il n’y a que l’inintelligence des grandes écoles qui peuvent produire une idée aussi stupide. Comment imaginer qu’une partie qui pense puisse etre séparée d’une partie qui fait ? La seule conséquence de cette séparation c’est la fin de l’innovation. La preuve en est que les pays émergents innovent dans tous les domaines et que nous prenons du retard sur toutes les nouvelles technologies.

La crise de l’industrialisation du travail

La plupart des innovations viennent de petites entreprises (start up comme on dit en français!)  dès qu’une petite entreprise se distingue par son efficacité, elle est rachetée par un groupe.

Les rachats de petites entreprises par de grands groupes indusriels et financiers changent l’adn de cette entreprise. Les modes d’organisations des grands groupes industriels aux critères financiers assèchent l’intelligence de ces Pme.

L’industrialisation du travail détruit le potentiel de reproductibilité et d’innovation pour deux raisons:

- Les critères financiers qui président aux décisions des grands groupes pilotés par l’actionnariat privilégie le court terme et donc élimine tout ce qui n’est pas rentable à court terme. Ce qui est le cas de l’investissement dans la reproductibilité du travail et le développement de l’adaptabilité des acteurs.

- L’industrialisation déplace le pouvoir d’agir. Le pouvoir de l’acteur est capturé par la direction.Direction qui n’a pas de critère de travail bien fait comme l’acteur, mais des critères financiers. Mis en impuissance, l’acteur n’a plus de pouvoir sur ce dont il est responsable et perd jusqu’à 50% de son énergie à des “reporting” complètement inutiles.

La souffance au travail vient de la mise en impuissance des acteurs qui n’ont aucune prise siur ce qu’ils font et qui s’épuisent à essayer de faire selon des règles financières incompatibles avec le travail Les gains de productivité dans l’industrie sont énormes pour peu qu’on oblige les directions financières à lacher le contrôle.

On voit bien que le modèle entrepreunarial qui préside au fonctionnement des entreprises française est un modèle archaique né de la troisième république qui a été tout à fait adapté au rouleau compresseur d’une civilisation industrielle conquérante et coloniale, mais qui s’est heurté à l’Iceberg de la fin de l’air industriel. Pour l’instant on laisse l’orchestre politique jouer sa sérénade en criant les femmes et les enfants d’abord.

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