Il me souvient qu’après son passage mouvementé au ministère de l’éducation nationale où il avait déclaré vouloir « dégraisser le mammouth », Claude Allègre avait publié un livre dans lequel il racontait la vie quotidienne d’un ministre. Le feuilletant, j’avais trouvé cette anecdote instructive sur les hommes de pouvoir :
L’ancien ministre racontait que, après l’accession au pouvoir de François Mitterrand, alors qu’il exerçait son métier de professeur d’université qui lui donnait beaucoup de satisfaction, il avait sollicité un entretien avec le président pour lui exposer ses préoccupations quant à l’avenir du parti socialiste. Le président l’avait reçu à l’Elysée, avait semblé l’écouter avec intérêt, puis lui avait demandé au terme de son exposé si c’était tout ce qu’il avait à lui dire.
« Oui, Monsieur le président. C’est tout ce que je voulais vous dire, et je vous remercie de m’avoir reçu. » répond en substance le jeune Allègre.
« On s’en tient là alors ? » insiste le président.
« Oui, Monsieur le président. C’était un honneur pour moi de vous rencontrer. »
François Mitterrand se lève alors et accompagne son hôte jusqu’à la porte où il le gratifie d’une dernière poignée de main. Et le jeune militant socialiste s’en va content d’avoir été écouté par le président…
Mais – surprise ! – il apprend quelques jours après l’entretien par un conseiller du président que ce dernier était en furie après sa visite.
« Pourquoi donc ? » demande Allègre.
« Parce qu’il t’a demandé si c’était tout ce que tu avais à lui dire et tu as répondu oui ! Il a dit que tu n’es qu’un intellectuel effronté qui croit pouvoir lui enseigner la politique. » explique en substance le conseiller.
« Mais j’étais venu lui exposer mes préoccupations quant à l’avenir du parti socialiste ! » s'étonne Allègre.
Eh oui, le jeune militant ignorait encore une chose : certains hommes de pouvoir sont si habitués à ce qu’on vienne solliciter leur intervention pour obtenir tel ou tel avantage qu’ils ne comprennent pas toujours qu’on puisse demander un entretien pour tout simplement leur exposer des idées.
Denis Dambré