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Billet de blog 12 mai 2008

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La démocratie est-elle un bien de luxe?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Est-ce la démocratie qui conditionne le développement ou, au contraire, le développement qui conditionne la démocratie ? En clair, faut-il qu’un pays atteigne un certain niveau de démocratie pour se développer ou faut-il au contraire qu’il atteigne un certain niveau de développement pour devenir démocratique ? En lisant La démocratie et le marché de Jean-Paul Fitoussi (Editions Grasset, 2004), j’ai appris que l’économiste Robert Barro avait pris parti pour le second terme de l’alternative. Selon lui, la démocratie serait un « bien de luxe » dont la consommation reviendrait aux pays développés. Fitoussi explique la pensée de Barro en ces termes :

« (…) le niveau de développement économique affecte la propension des pays à rechercher la démocratie, ou à la maintenir si elle existe. C’est une autre façon de dire que la liberté politique est un bien de luxe. (…) Si par exemple les pays africains ont connu depuis les années soixante une réduction des libertés publiques, c’est parce que la démocratie y avait été installée trop tôt, à un moment où leur niveau de pauvreté ne leur permettait pas de consommer ces biens de luxe ». (p. 30)

Et l’économiste de livrer la conséquence qu’en tire son confrère :

« La conclusion la plus générale, nous dit Barro, est que les pays avancés de l’Ouest contribueraient davantage au bien-être des nations pauvres en exportant leur système économique, notamment les droits de propriété et les marchés libres, plutôt que leur système politique… » (p. 31)

Si je cite cet argumentaire repris et critiqué dans l’ouvrage de Fitoussi, c’est parce que je me souviens d’une vive polémique suscitée il y a une dizaine d’années par des propos tenus par l’ancien président, Jacques Chirac. « La démocratie, avait-il affirmé, est un luxe pour les pays africains ». En Afrique, ces propos avaient été reçus comme une injure, voire comme une carte blanche donnée aux dirigeants africains pour qu’ils continuent de réduire les libertés publiques. Mais une question me vient à l'esprit à la lecture de l'ouvrage de Fitoussi: ceux qui ont le plus critiqué les propos de Jacques Chirac n’appartenaient-ils pas justement à la couche sociale la plus aisée et la plus cultivée, c’est-à-dire à la frange de la population africaine qui est à même de consommer le bien de luxe que constituerait, selon Barro, la démocratie ? Ce qui expliquerait leur colère ! Mais je me pose juste une question à laquelle je n'ai pas pour l'instant trouvé de réponse...

D. Dambré

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