Je remercie les nombreux lecteurs pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon article sur « l’intégration inconsciente des discriminations racistes et sexistes ». Je ne pouvais malheureusement pas participer aux débats, mais je les ai suivis avec attention. Juste une précision concernant les 90% des suffrages afro-américains qui se sont portés sur Barack Obama, justifiant, aux yeux de certains, le reproche de vote pigmentaire :
N’oublions pas que, jusque-là, 100% des suffrages exprimés chez les Blancs allaient, dans presque toutes les élections présidentielles, à des candidats blancs. Etait-ce alors un vote de couleur ? On me répondra sans doute que les électeurs n’avaient pas le choix puisque les candidats étaient tous blancs. Mais justement, pourquoi, au nom de ce même rejet du vote racial, ne s’est-on jamais étonné de ce qu’il n’y avait, parmi les candidats les plus sérieux, que les personnes issues de la couleur majoritaire ? Passe encore que cela se produise une fois ou deux. Allez, soyons larges et acceptons que cela puisse se produire dix fois ! Mais comment expliquer autrement que par l’intégration inconsciente des discriminations l’installation séculaire d’une couleur du pouvoir ?
Mais je vais vous livrer un scoop qui bat en brèche l’idée selon laquelle le vote des Noirs américains serait un vote pigmentaire et racial : jusque-là, 100% des suffrages exprimés chez eux allaient, dans presque toutes les élections présidentielles, à des candidats blancs ! Dès lors, peut-on raisonnablement leur reprocher de voter, pour une fois, pour un candidat dont la couleur se rapproche un peu plus de la leur ? Et qu’on ne me réplique surtout pas qu’ils n’avaient pas le choix auparavant, car c’est précisément sur ce point que le bât blesse. Un Etat est d’autant plus démocratique que, sur la base de règles clairement définies, il rend possible, pour toutes ses filles et tous ses fils, l’accession à toutes les responsabilités, y compris les plus élevées.
Si le vote des Noirs américains se porte aujourd’hui sur Obama, ce n’est nullement par racisme contre les candidats blancs. C’est tout simplement parce que, pour une fois qu’un candidat métis est pris au sérieux, ils ont envie de voir se réaliser ce qui leur paraissait inimaginable il y a encore peu de temps. Mais si d’aventure Obama accédait au pouvoir et les décevait, je puis vous garantir que le taux de mélanine du prochain candidat métis ou afro-américain les fera moins rêver que ses idées. Car ce dernier ne sera plus, comme Obama, porteur de nouveauté. Mais, au total, les Etats-Unis auront fait un pas supplémentaire dans le renforcement de leur système démocratique. Quand ferons-nous, en France, ce pas en direction des femmes ou des minorités pudiquement baptisées « visibles » ?
Denis Dambré